Francis Cabrel parle de son tube « I love her to death » repris par Shakira
Auteur, compositeur, parolier, musicien et chanteur, Francis Cabrel est l’invité exceptionnel du Monde d’Élodie Suigo du 1er au 5 juillet 2024. À travers cinq de ses chansons les plus emblématiques, cet artiste discret, à la voix rare, se livre sur ses presque 50 ans de carrière.
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Francis Cabrel, c’est plus de 45 ans de carrière, 14 albums studio, huit en public, cinq compilations et des centaines de concerts. Auteur, compositeur, parolier et musicien, il est devenu un artiste qui compte dans le paysage de la chanson française. Avec son accent du sud revendiqué, Francis Cabrel a su s’imposer avec cette musicalité qui a séduit des millions d’oreilles. Il a aussi su nous prendre par la main, habiller nos souvenirs avec des chansons comme : Petite Marie (1977), L’encre de tes yeux (1980), La dame de Haute-Savoie (1980), Il faudra leur dire (1987), Chalumeau (1989) ou encore La tauromachie (1994), qui ne sont désormais plus seulement les siennes, mais aussi les nôtres. Cet artisan tubeur recevait franceinfo chez lui à Astaffort, un lieu fondateur qui a toujours fait partie de lui et de ses créations, notamment celle Réunions d’Astaffort un lien avec de jeunes artistes, auteurs, compositeurs, interprètes comme sa fille Aurélie, qui y vit et a créé le label Baboo Music sous lequel est sorti son dernier single, Un morceau de Sicre .
franceinfo : Est-ce essentiel pour vous de transmettre ?
François Cabrel : Oui, ça m’a toujours traversé l’esprit. Que faire de ce succès ? A l’époque, puisqu’on parle de Voix du Sud, j’étais au Conseil Municipal, je cherchais une idée pour mon village. L’idée c’est ça, on est loin de tout. Alors, amenons la culture chez nous, puisqu’il faut toujours faire 100 kilomètres pour aller voir les belles choses à Bordeaux ou à Toulouse.
« Mon idée initiale pour les Rencontres d’Astaffort était de faire quelque chose dans un environnement très rural. »
Francis Cabrelà franceinfo
Que signifie pour vous le mot « artiste » ?
C’est un mot auquel je pense de temps en temps, et il est encore assez flou. Je ne l’aime pas vraiment, car je pense que mon père avait une âme d’artiste. Ma mère est la même, donc tout le monde est un peu artiste au fond. Pourquoi le devient-on officiellement ? Je pense que je ne suis pas artiste tout le temps. Artiste, c’est une condition éphémère. C’est comme un nuage qui se pose sur vous, s’en va, et revient quelque temps plus tard, mais il n’y a pas un long chemin pour devenir artiste. Tout d’abord, je me méfie beaucoup des gens qui se disent « artistes ».
Pour quoi ?
Parce que je pense qu’on ne l’est pas tout le temps, on peut l’être de temps en temps. Voilà, on peut avoir un tempérament artistique. Je pense que c’est ça la réalité.
Au début, vous aviez beaucoup de questions. Qu’est-ce qui vous a fait douter ?
J’ai douté au début, j’en doute encore aujourd’hui. Je pense qu’il ne faut jamais être sûr.
« Ce n’est pas un métier où l’on peut être sûr de quoi que ce soit. »
Francis Cabrelà franceinfo
A chaque fois que j’écris une demi-chanson, je me pose des questions. Quand je l’ai finie, je la fais écouter, je tremble comme une feuille. Je pense que c’est comme ça que ça doit être. S’asseoir sur des certitudes n’est pas du tout mon conseil. Déjà, pour les gens qui débutent ce métier, il ne faut jamais être sûr, jamais content. Il faut constamment corriger, peaufiner, peaufiner.
Avec ton premier single et ton premier album, tu seras en première partie de Dave à l’Olympia, un moment très fort pour toi. Tu connaîtras le succès avec le titre Je l’aime à mortextrait de votre deuxième album Les routes secondairesen 1979. Plus de 600 000 exemplaires vendus. Vous passerez de l’ombre légèrement éclairée, à la lumière, fulgurante et presque aveuglante. Comment avez-vous vécu cette notoriété ?
Autant que je me souvienne, elle m’a tout de suite fait peur. Cependant, c’est ce que je voulais, donc c’est toujours un gros point d’interrogation.
« La célébrité m’a un peu paralysé. J’avais aussi l’impression que cela allait me compliquer la vie, mais que c’était le revers de la médaille que je voulais. »
Francis Cabrelà franceinfo
Je voulais la médaille, je voulais créer des chansons et je voulais que les gens les écoutent, qu’ils s’arrêtent et m’écoutent. C’était quand même très ambitieux, j’exigeais de l’attention. Quand c’est arrivé, je me suis retrouvé un peu comme deux pommes à la crème. Je me suis dit : Aïe ! Je vais devoir réduire mon champ d’action, tout ce fouillis, la célébrité qui retombe sur tes épaules. J’étais très content parce que j’ai entendu ma chanson à la radio, c’était très sympa.
Comment est né Je l’aime à mort ?
Elle est arrivée en quelques heures. C’était un après-midi. J’habitais déjà à Paris parce qu’on m’avait fait comprendre que j’habitais trop loin du cœur de l’action. J’étais dans un appartement parisien et j’avais des amis de province qui arrivaient, des guitaristes et je travaillais la guitare sur la méthode de Marcel Dadi. Il avait sorti une guitare pour les gens qui ne savaient pas lire la musique, ça s’appelait une tablature. Et je jouais, je faisais mon débutant Marcel Dadi et je descendais un accord sur un certain arpège et mon ami guitariste me disait : « Mais tu sais que tu peux aussi inverser cet arpège » et j’ai essayé et la chanson est arrivée, il était 15h. Mes amis sont partis. A 19h j’avais fini parce que j’avais déjà un texte qui n’attendait que la musique. J’avais déjà écrit quelques phrases importantes de la chanson et puis dans l’après-midi la chanson était écrite.
Vous l’avez chantée en espagnol, elle a été beaucoup reprise, notamment par la chanteuse Shakira. Comment avez-vous accueilli cette version ?
J’ai reçu ça comme un magnifique cadeau. J’ai été prévenue la veille, donc c’était vraiment une vraie surprise. C’est un peu tombé du ciel. C’est vrai que j’avais chanté en Amérique du Sud dans les années 80 et mon raisonnement, moi qui n’avais jamais rencontré Shakira, c’est que ses parents avaient dû aimer cette chanson, qu’ils la lui avaient fait écouter. Elle a dû s’ennuyer avec, elle a grandi avec et un jour elle a décidé de la chanter pour faire plaisir au public français, ce qui est très touchant. Magnifique !