France 2030 : Didier Fusillier, président de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais
1/ Quelle est votre définition de l’excellence culturelle française ?
Il y a toujours eu cette idée d’exception ou d’excellence culturelle française, sans que je sache vraiment à quoi cela fait référence en réalité. Dans chaque pays, il y a un musée, une proposition artistique, des spectacles et des performances. Cependant, il est vrai que l’on observe une certaine excellence française. Cela s’explique par un pouvoir d’imagination assez puissant en France et qui s’appuie sur un patrimoine protégé, contrairement à d’autres pays où ce patrimoine est abîmé avec des sites non protégés offrant des paysages désolés où la mémoire disparaît. En France, on voit aussi un partenariat public/privé qui fonctionne bien, une offre culturelle sans comparaison, de nombreux monuments, une ville de Paris elle-même qui se démarque, ou encore une attention particulière pour les métiers d’art qui ont su, comme en Italie, préserver une certaine façon de faire en respectant les traditions tout en les modernisant.
2/ Quels sont les grands défis auxquels le secteur culturel sera confronté à l’horizon 2050 ?
Avant 2050, il y a déjà l’horizon 2030 qui sera un défi de rapidité et d’adaptabilité de notre secteur avec les technologies d’intelligence artificielle (IA). Je pense que ce sera le même type de révolution qu’Internet. Cette technologie va transformer l’environnement culturel, que ce soit pour la visite d’un site, la communication, la traduction, ou l’accès à la connaissance, entre autres. Cette révolution technologique suscite des craintes mais si elle est bien maîtrisée, dans 25 ans, ce stade sera déjà dépassé. Au Japon par exemple, il existe des studios de traduction et de stimulation volumétriques proposant une interactivité en temps réel. Cela permet de créer des mondes imaginaires dans des environnements dans lesquels on est physiquement. Cela va plus loin que la réalité virtuelle (VR) en permettant des expériences vraiment innovantes qui ne seront plus solitaires, comme dans la VR avec un casque individuel, mais multiples pour plusieurs personnes dans un même espace. Il faudra s’adapter pour proposer cette nouvelle expérience culturelle, que ce soit dans les cinémas, les théâtres, les musées et les jardins ou encore dans la lecture.
3/ Quel rôle l’innovation et les nouvelles technologies ont-elles à jouer dans le renforcement de notre souveraineté culturelle et de notre rayonnement international ?
Il est important que les acteurs culturels ne soient pas eux-mêmes dépassés et qu’ils aient une bonne appréciation de ces technologies, en sachant ce qui se fait de mieux sur notre territoire. Ces outils doivent permettre aux artistes, techniciens et ingénieurs de s’en emparer pour les expérimenter, les repenser pour revenir à ce qui fait l’excellence française, la « French touch ».
Il est important de rester en phase avec les évolutions sociétales, souvent plébiscitées et attendues notamment par les jeunes. Notre culture patrimoniale ne doit pas être en décalage avec ce qui se passe aujourd’hui. C’est là, à mon sens, le principal risque de déclassement.
4/ Comment faire en sorte que la culture reste accessible à tous et sur tous les territoires ?
En utilisant ces nouveaux outils et en impliquant les acteurs locaux. C’est ce que nous avons fait avec le projet Micro-folies de la Villette. Il est essentiel que tout ne vienne pas de Paris, il faut que des lieux d’expérimentation émergent partout. Je milite beaucoup pour optimiser les modes de production afin d’ouvrir les imaginaires, mettre en réseau des unités récupérables et réutilisées. C’est aussi un enjeu écologique.
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