Français de confession musulmane, la tentation du départ
Ils ne se connaissent pas et ne se sont jamais rencontrés. Pourtant les mots sont les mêmes, les sentiments partagés, le désarroi, l’impuissance, l’amertume, la colère, la tristesse. Qu’ils aient 30 ou 70 ans. Banquier d’investissement, agent du service public, ingénieur, professeur ou artiste, ils sont de nationalité française « bien installé », comme ils disent. Egalement de confession musulmane et d’origine arabe. « Et ça, en France, c’est une double peine,‘d’autant plus depuis le 7 octobre 2023 (date de l’attaque du Hamas en Israël) »lance Ismail, 59 ans, peintre parisien.
Tous les prénoms ont été modifiés, aucun des témoins n’a accepté de s’exprimer ouvertement. Trop de problèmes potentiels, craignent-ils. S’ils sont convaincus que les pouvoirs publics, de nombreux médias et une partie de l’opinion publique deviennent chaque année plus rigides à leur égard, l’attentat terroriste du Hamas en Israël marque, à leurs yeux, un nouveau tournant dans la méfiance. qu’ils pensent qu’ils sont excitants.
Tous dénoncent les discours politico-médiatiques « insupportable » envers les musulmans, une ambiance « irrespirable, suffocant », UN « acharnement des pouvoirs publics » vers eux. Ils parlent d’un « un énorme gaspillage », évoquent un « peine d’amour » vis-à-vis d’un pays, le leur, la France, qui leur a donné « tant de choses données »qui les a « qualifié »pour enfin y arriver « des citoyens à part »ils se lamentent, «des boucs émissaires constamment pointés du doigt», qui se heurtent professionnellement à un plafond de verre.
« Quoi que nous fassions, quels que soient les efforts fournis, quelles que soient nos compétences, nous sommes assignés à nos origines et à notre identité confessionnelle et freinés dans nos carrières », » souffle Haroun, 52 ans, banquier d’affaires bordelais, diplômé d’une prestigieuse école de commerce, qui estime ne pas avoir eu la carrière qu’il aurait dû avoir.
« Les départs se comptent par milliers »
Certains ont la voix hésitante lorsqu’ils confient leur attachement à un « République qui(ils) amour mais qui ne le fait pas (LE) ne pas aimer « » en est aujourd’hui convaincu Youssef, 62 ans, fonctionnaire de l’État et militant associatif, résidant à Maubeuge (Nord). « Nos parents nous disaient que nous n’étions pas dans notre pays, que nous n’étions que des invités, mais nous ne voulions pas les croire. Mais aujourd’hui, il faut reconnaître que nous ne sommes pas légitimes en France. »il continue.
Au point de penser à émigrer. « Il ne s’agit pas forcément de s’exiler dans un pays musulman, mais de choisir de vivre dans un pays où ils auront les mêmes chances que n’importe quel autre citoyen à compétences égales », observe Hanan Ben Rhouma, rédactrice en chef de Saphiractualitéun site d’information sur les musulmans. « Il y a toujours eu des départs pour faire leur hijra – retour en terre d’Islam – mais ce n’est pas à cela que l’on assiste : aujourd’hui, c’est une émigration silencieuse de cadres intermédiaires et de supérieurs musulmans, qui, face aux discriminations, à la présomption de culpabilité permanente et plafond de verre, décidé, dans la douleur, à quitter la France », décrit Abdelghani Benali, imam de la mosquée de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) et enseignant-chercheur à l’Université Sorbonne-Nouvelle.
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