Le mois dernier, les Français étaient « particulièrement en deuil » sur les routes. En mars 2024, le nombre de tués sur les routes a augmenté de 31 % par rapport au même mois de l’année dernière. Au total, 254 personnes ont perdu la vie et 1 164 personnes ont été grièvement blessées, soit une augmentation de 10 % par rapport à l’année précédente.
Ces chiffres tragiques, révélés lundi par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), suscitent des interrogations. Quelles sont les principales victimes ? Pourquoi une telle augmentation en mars ? Que faire pour réduire les chiffres ? 20 minutes se penche sur la question pour vous, même si une telle mortalité n’a plus été enregistrée sur nos routes depuis 2019.
Quelles sont les principales victimes ?
Depuis la pandémie, les automobilistes représentent près de la moitié des décès sur les routes. En mars, ils ont été particulièrement durement touchés puisque 120 d’entre eux ont perdu la vie, soit une augmentation de 29 %. Mais l’ONISR note également une augmentation du nombre de décès sur les deux-roues motorisés (neuf de plus que l’an dernier) et sur les vélos (cinq de plus). Malheureusement, les jeunes de 18 à 24 ans sont encore particulièrement touchés. Leur mortalité routière est à nouveau en hausse et, en mars 2024, 23 jeunes supplémentaires ont été tués sur la route. « Les jeunes sont deux fois plus exposés au risque que tous les conducteurs. La route reste pour eux la première cause de décès», rappelle Pierre Lagache, vice-président de la Ligue contre les violences routières. Depuis des décennies, des jeunes sont tués au volant.
« Les jeunes manquent de maturité émotionnelle face à une situation à risque », souligne Régis Chomel de Jarnieu, président de l’association française pour la prévention des comportements sur la route (APFC). Le moniteur d’auto-école s’inquiète de voir l’instauration du permis à 17 ans, effective depuis janvier 2024, alors qu’il observe de nombreux jeunes réussir malgré une « fragilité émotionnelle totale ». « Ce système qui vient de se mettre en place n’explique pas ces chiffres », estime Pierre Lagache. Mais ce n’est évidemment pas une bonne mesure lorsque les jeunes sont moins conscients des risques que le reste de la population. »
Pourquoi une telle augmentation en mars ?
Si la mortalité routière avait légèrement diminué en 2023, elle augmente en ce début d’année. En janvier, le nombre de décès a augmenté de 6 % et en février de 3 %. « Nous constatons une augmentation depuis septembre dernier », regrette le vice-président de la Ligue contre les violences routières. L’ONISR assure cependant que sur un an, le nombre de décès a baissé de 16 %. Les chiffres de mars 2023 ont également été « particulièrement bas » avec une baisse de 14 % par rapport à l’année précédente, note l’Observatoire.
Difficile d’établir avec précision les raisons d’une telle hausse, surtout sur un mois, alors que l’ONISR assure que ces chiffres sont des remontées rapides de la police qui n’intègrent, pour l’instant, aucun détail sur les causes et facteurs de ces accidents. . Pour Régis Chomel de Jarnieu, les écrans portent leur part de responsabilité. « Ces jeunes sont à l’arrière de la voiture devant un écran depuis leur enfance. Ils n’apprennent plus la route en regardant leurs parents comme le faisaient les générations précédentes et ils sont tellement habitués à observer un écran de très près qu’ils ont de plus en plus de mal à se projeter visuellement », une compétence pourtant indispensable au volant.
Notre dossier sur la sécurité routière
De son côté, la Ligue contre les violences routières accuse la politique gouvernementale. Entre le permis à 17 ans et la fin du retrait des points pour les petits excès de vitesse, l’exécutif « démantèle la sécurité routière en France », accuse Pierre Lagache. « Les Français ressentent un relâchement de la sécurité routière et se détendent à leur tour sur la route. (Avant 2007), il existait une tradition d’amnistie à chaque élection présidentielle. Les amendes des mois précédents ont été annulées et, systématiquement, la mortalité a augmenté. Cette amnistie a coûté environ 400 vies», illustre le vice-président de la Ligue contre les violences routières, pour qui le mécanisme en vigueur aujourd’hui est similaire.
Que peut-on faire pour réduire ce chiffre ?
Ces chiffres incitent à une meilleure prévention, notamment hors des zones urbaines où la hausse est particulièrement forte (+17% sur les trois derniers mois). « Il faut travailler sur le syndrome de la catapulte, le fait de vouloir être arrivé avant d’être reparti. Ce phénomène rend les gens impatients et, à force de tirer sur l’élastique, ils ont rendez-vous avec un accident », estime Régis Chomel de Jarnieu, qui estime que les primes d’assurance pourraient être « 5 à 10 % moins chères pour chaque personne qui, tous les trois ou cinq ans, accepterait de faire une évaluation de conduite personnalisée. Du moins, « dans un monde utopique », glisse-t-il.
Pour une meilleure prévention, la Ligue contre les violences routières recommande de respecter la « Déclaration de Stockholm » de 2020, qui vise à réduire de moitié le nombre de morts sur les routes d’ici 2030. « L’État doit se remobiliser et élaborer une feuille de route qui est aujourd’hui inexistante. Le gouvernement a utilisé la sécurité routière comme monnaie d’échange avec l’électorat. Mais on en paie le prix», accuse Pierre Lagache. Un prix qui, en mars, s’élevait à 254 vies.