Former un gouvernement, voter un budget, éviter la censure… Les cinq missions du Premier ministre Michel Barnier
A peine posé ses valises à Matignon, le nouveau Premier ministre doit désormais s’atteler à constituer son équipe, avant de s’attaquer à de nombreux dossiers en suspens.
Il ne reste plus beaucoup de temps à Michel Barnier. Après plus d’un mois et demi d’un gouvernement démissionnaire, de nombreux dossiers attendent le nouveau Premier ministre, nommé ce jeudi par Emmanuel Macron. Les forces du Nouveau Front populaire (NFP) ont déjà appelé à manifester ce samedi contre la promotion de ce dirigeant d’extrême droite et la démission de son chef de l’Etat. « coup de force » du chef de l’Etat, qui a refusé de désigner sa candidate Lucie Castets.
1. Former un « gouvernement de rassemblement »
A peine avoir posé ses valises à Matignon, le ténor historique de la droite doit déjà se charger d’une mission délicate : constituer un « ralliement du gouvernement »comme l’a indiqué l’Élysée dans un communiqué. Rien n’oblige le Premier ministre à nommer immédiatement sa nouvelle équipe, dont la composition devrait prendre encore plusieurs jours, voire semaines.
Le négociateur du Brexit pourrait tenter de débaucher plusieurs profils de gauche, alors que l’ancien socialiste Bernard Cazeneuve a longtemps été le favori pour occuper la rue de Varenne. Quelques heures avant la nomination du successeur de Gabriel Attal, l’ancien socialiste a publiquement salué la nomination de son successeur. « qualités » et le« expérience » par Michel Barnier, quatre fois ministre et deux fois commissaire européen.
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Le nouveau Premier ministre pourrait aussi se tourner vers sa propre famille politique, qui avait pourtant refusé de prendre part à une quelconque coalition gouvernementale. A droite, plusieurs personnalités n’ont en tout cas pas fermé la porte à de nouvelles responsabilités, à l’image du maire LR de Cannes, David Lisnard, un temps pressenti pour Matignon, ou de l’ancien numéro deux du parti, Aurélien Pradié.
Deuxième force politique à la Chambre, les représentants du camp présidentiel entendent eux aussi avoir leur part du gâteau. Poussés vers la sortie au début de l’été, certains ministres démissionnaires, comme Nicole Belloubet à l’Education nationale ou Rachida Dati à la Culture, espèrent reprendre leur place, tandis que d’autres imaginent même hériter d’un nouveau portefeuille.
2. La déclaration de politique générale, une étape décisive
Une fois le casting dévoilé, Michel Barnier devra ensuite se soumettre au traditionnel exercice de déclaration de politique générale (DGP), ligne directrice de son action à Matignon. C’est à l’issue de ce long discours que le Rassemblement national déterminera s’il censure ou non le nouveau gouvernement, comme l’a annoncé Marine Le Pen ce jeudi.
L’usage veut que le Premier ministre demande le jour même un vote de confiance après avoir détaillé sa feuille de route. Un rejet par l’Assemblée nationale condamnerait automatiquement le nouveau gouvernement à la démission. Il y a toutefois peu de chances que Michel Barnier se soumette à cet usage, tant l’hémicycle, sans majorité, ressemble actuellement à un champ de mines pour l’ancien député. Ni Élisabeth Borne ni Gabriel Attal ne l’avaient demandé à l’époque, tous deux confrontés à une situation de majorité relative.
3. L’urgence du budget 2025
Michel Barnier n’a plus qu’un mois pour boucler ce mastodonte législatif. Le budget 2025 doit être présenté d’ici fin septembre en Conseil des ministres, avant d’être transmis le 1er octobre à l’Assemblée nationale. Des échéances qui pourraient être décalées de quelques jours. Les négociations, qui se déroulent traditionnellement en été, accusent déjà un sérieux retard, faute d’un gouvernement pleinement fonctionnel pendant sept semaines.
Le dossier budgétaire est d’autant plus explosif que les comptes français sont dans le rouge, étouffés par un déficit public de 5,5% du PIB en 2023. Un mur d’économies attend donc le nouveau gouvernement pour remettre les finances françaises aux normes européennes, alors que la France est visée par une procédure de Bruxelles depuis que le déficit public a dérapé.
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Surtout, le vote du projet de loi de finances s’annonce plus que compliqué pour Michel Barnier et sa future équipe. Sans majorité à la Chambre, il devra certainement passer par l’activation de l’article 49.3, comme l’avait fait avant lui Élisabeth Borne. Au risque d’être renversé en retour par une motion de censure…
4. Motions de censure survivantes
Les premiers pas de Michel Barnier risquent de tourner au chemin de croix. Les forces du Nouveau Front populaire (NFP) ont déjà annoncé qu’elles déposeraient une motion de censure dès la reprise des travaux parlementaires. Mais avec 193 députés, les partis de gauche ne parviennent pas à atteindre la majorité absolue et les 289 voix nécessaires pour renverser un gouvernement.
L’ancien élu de droite pourrait donc passer entre les mailles du filet, à condition que le Rassemblement national et ses alliés ciottistes – qui représentent ensemble 142 députés, et constituent la troisième force politique de l’hémicycle – ne se joignent pas à une motion de censure venue de la gauche. « Nous jugerons sur la base des preuves »Jordan Bardella s’est évadé, quelques minutes après la nomination du Premier ministre.
L’équation ne semble pas non plus aussi simple dans le camp présidentiel, où Renaissance a prévenu qu’elle ne signerait pas de « chèque en blanc » à Michel Barnier. Les troupes d’Emmanuel Macron excluent une « censure automatique »mais portera « exigences de fond »La promotion de ce dirigeant d’extrême droite a en tout cas crispé une partie de l’aile gauche du parti de Macron, dont l’une de ses anciennes figures et désormais non inscrite, Sacha Houlié, qui a partagé son « incompréhension ».
5. Un retour social explosif
Logement, retraites, pouvoir d’achat… D’autres dossiers prioritaires devraient rythmer les débuts de Michel Barnier. La question des retraites risque de revenir très vite sur la table, un an après son adoption contestée. La gauche et les nationalistes réclament toujours la suppression de cette réforme contestée qui a progressivement repoussé l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Le sujet devrait à nouveau électriser l’hémicycle lors de la niche parlementaire du RN, le 31 octobre, qui entend inscrire son abrogation à l’ordre du jour.
Suspendue au soir du premier tour des législatives par Gabriel Attal, la délicate réforme de l’assurance chômage devrait également refaire surface dans les débats. Un texte contesté là encore par le NFP et le RN, qui devait générer 3,6 milliards d’euros d’économies par an.
Les syndicats entreront en scène le 1er octobre, date de la présentation du budget à l’Assemblée nationale. Un appel à la grève a déjà été lancé pour défendre notamment une augmentation des salaires et des retraites.