Fonds Marianne : des sélections idéologiques assumées

Comment les projets financés par le Fonds Marianne, lancé par la ministre Marlène Schiappa pour lutter contre la radicalisation en ligne, ont-ils été sélectionnés quelques mois après l’assassinat de Samuel Paty ? C’est la question au centre de la commission d’enquête sénatoriale qui a débuté mardi avec l’audition du préfet Christian Gravel. Le secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), en charge de l’attribution des subventions, a dénoncé « mensonges et calomnies » écrit depuis les premières révélations dans la presse sur l’affaire il y a deux mois. Cependant, il n’a pas donné d’éléments suffisamment clairs pour écarter tout soupçon.
Les deux associations en cause sont l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM) et Reconstruire le commun – avec ses vidéos pro-Macron et anti-Wokisme -, qui ont récupéré respectivement 355 000 euros et 330 000 euros. des subventions, près d’un tiers de l’enveloppe totale. Leurs candidatures en quelques lignes, comme l’a révélé Mediapart lundi, ont été acceptées, contrairement à celles d’autres associations comme Coexister, au motif que son « le positionnement est explicitement en opposition avec la ligne gouvernementale ».
S’en prendre aux « thèses islamo-gauchistes et indigénistes »
Défendre la « la liberté d’exprimer sa religion » et se réclamant de la loi de 1905, cette association « ne correspond en rien à la ligne prise par le gouvernement sur la laïcité », a défendu Christian Gravel, qui évoque « une démarche qui n’est pas celle qui s’inscrit dans l’attachement au pacte républicain ».
« Nous connaissons tous les débats âpres autour de la conception de la laïcité, a répondu le président de la commission, Claude Raynal (PS). Quand on veut faire un contre-discours républicain, ne faut-il pas laisser coexister un petit débat sur le sujet laïque plutôt que de brandir une ligne gouvernementale ? »
Retenu, le projet USEPPM affirme à l’inverse une volonté de s’attaquer au « Thèses islamo-gauchistes et indigénistes », des concepts loin d’être scientifiquement établis. Son manager, le journaliste Mohamed Sifaoui, serait pourtant un « soutien scientifique évident », dit Christian Gravel. Elle justifie ainsi que cette instance sportive, qui « A priori n’a rien à voir avec le sujet », rappelle Claude Raynal, a reçu la plus importante subvention du Fonds Marianne.
120 000 euros de compensation pour 13 vidéos totalisant 50 vues
Censé produire du contenu audiovisuel, ce projet se résume à 13 vidéos dépassant à peine les 50 vues… Mais les deux administrateurs de l’association, dont Mohamed Sifaoui, se sont versés une rémunération de 120 000 euros à eux deux, selon le sondage. de France 2 et Marianne.
Christian Gravel a voulu écarter les soupçons de détournement de fonds, expliquant que « les protagonistes de la lutte contre la radicalisation » sont rares et donc « croiser, rencontrer ». Mais son récit de l’entrée de Mohamed Sifaoui dans le système laisse sans voix : « J’ai appris que cette association allait pouvoir bénéficier du Fonds Marianne après un appel de M. Sifaoui qui m’a dit qu’il venait de quitter un rendez-vous (avec) le ministre, qui lui a parlé du Fonds Marianne, lui faisant comprendre qu’il avait sa place. » La ministre en cause, Marlène Schiappa, dont l’audition devant la commission d’enquête est prévue avant l’été, devra s’expliquer.
Grb2