Par Chloé Maurel, historienne et ancienne élève de l’ENS.
La Révolution française a introduit la liberté de l’enseignement et sa laïcité, sécularisé les biens de l’Église et placé la gestion de l’enseignement sous la responsabilité de l’État. C’est dans cet esprit que s’est réalisé, il y a deux cent trente ans, l’un de ses grands projets progressistes et démocratiques : accueillir les meilleurs élèves dans une école qui les forme à devenir enseignants pour qu’ils forment à leur tour des instituteurs et des professeurs du primaire et du secondaire dans tout le pays, tout en étant rémunérés pendant leurs études comme fonctionnaires stagiaires. C’est l’origine de l’actuelle École normale supérieure – appelée aussi « Normale Sup » ou de son acronyme, ENS –, une spécificité française.
Le 30 octobre 1794, l’ENS est née
Le 30 octobre 1794 (9 brumaire an III), la Convention nationale (Assemblée constituante élue en septembre 1792), « Voulant hâter le temps où il pourra répandre uniformément dans toute la République l’instruction nécessaire aux citoyens français, décrète : Article 1. Il sera établi à Paris une école normale où les citoyens déjà instruits dans les sciences utiles seront appelés de toutes les parties de la République pour apprendre, auprès des professeurs les plus habiles dans tous les genres, l’art d’enseigner ».
Ensuite, les professeurs de cette soi-disant école normale « de l’an III », « retourneront dans leurs districts respectifs (où) ils ouvriront une école normale (pour) transmettre la méthode d’enseignement qu’ils ont acquise (article 11) » aux futurs enseignants des écoles publiques.
Louis Pasteur, Paul Vidal de La Blache et Jean Jaurès
Au nom du Comité d’Instruction Publique, Joseph Lakanal présenta à la Convention ce décret ainsi rédigé : « Tandis que la liberté politique et la liberté illimitée de l’industrie et du commerce détruiront les monstrueuses inégalités de richesse, l’analyse appliquée à toutes les sortes d’idées, dans toutes les écoles, détruira l’inégalité des Lumières, plus funeste encore et plus humiliante. »
En 1795, la première promotion, exclusivement masculine, réunit pendant quatre mois quelque 1 500 élèves dans un amphithéâtre du Muséum d’histoire naturelle. Leurs professeurs, d’éminents intellectuels comme Bernardin de Saint-Pierre, Monge, Berthollet, Daubenton, dispensent des cours qui couvrent toutes les sciences et tous les domaines. « humanités ».
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