Foi et politique
Depuis des années, certains nous expliquent A + B que la foi est une affaire personnelle, qui a peu, très peu à voir avec notre art de vivre ensemble. Qu’au fond, si nous voulons vivre unis, il n’y aurait rien de plus important ni de plus urgent que de mettre de côté les religions, qui sont sources, semble-t-il, de division. Les mêmes personnes, ou à défaut les mêmes, habitées par le même esprit, s’étoufferaient presque aujourd’hui de ne pas voir les religions, et notamment l’Église catholique, prendre position clairement dans le débat électoral actuel. Si ce n’est pour dire pour qui voter, du moins pour sonner haut et fort pour qui ne pas voter.
Donnons-leur d’abord raison : une institution, qui est aussi une autorité morale comme l’Église, qui se désintéresse de la situation politique française devrait en effet se poser la question de son utilité. Car sur la table des élections il y a la théorie du genre, l’accueil des migrants, la participation sincère aux institutions européennes et la loi sur la fin de vie, pour ne citer que les plus gros dossiers. Les évêques, dans leur diocèse comme au niveau national, prennent la plume. Ils ne donnent pas des consignes de vote, ce qui est passé de mode, mais des conseils pour que ce moment politique puisse être vécu sans crainte et, élément de langage nouveau, sans insulter l’avenir, c’est-à-dire l’après-élection où la communauté nationale il faudra trouver les voies et moyens de vivre ensemble.
Dans ce contexte politique très tendu, chacun ressent clairement le besoin de prendre du recul pour ne pas se laisser emporter par la vague d’émotions, de peurs ou d’impressions. Il s’agit d’éviter les approximations, tout en sachant que la foi catholique ne dicte pas le choix d’un bulletin particulier. L’Évangile, vingt siècles après sa rédaction, ne peut qu’être étranger au jeu des partis politiques français.
Néanmoins, la foi chrétienne joue un rôle dans le vote d’au moins deux manières. Le premier, comme une motion, un mouvement intérieur qui pousse à l’engagement. Au nom de la foi, mon vote est justifié en exigeant de ma part un engagement substantiel. Voter ne signifie pas se laver les mains de ce qui va se passer ensuite. Le vote est engagé. Et vice versa. Dans l’isoloir, nos engagements et nos amitiés nous « regardent » voter. L’isoloir n’est pas un évent, mais l’antre dans lequel il faut convoquer la vie réelle pour lui offrir la meilleure perspective d’avenir.
La deuxième voie est plus théologique. La foi, en réalité, offre un contrepoint permanent à la politique : elle me rappelle toujours que la pleine réalisation de l’idéal évangélique ne se fera qu’à l’horizon eschatologique, c’est-à-dire à la fin des temps. Mon choix n’est jamais vraiment entre A ou B car ni A ni B ne m’offriront un résultat pleinement souhaitable. Ce que j’opte, dans la foi, c’est la perspective du Royaume qui n’est autre que celle de la charité.