« L’Europe doit accélérer sinon elle calera »: le Français Stéphane Séjourné a débuté mardi à Bruxelles sa grande présentation orale devant le Parlement européen, qui entend les poids lourds de la nouvelle Commission.
Le macroniste doit convaincre qu’il est armé pour le vaste portefeuille de stratégie industrielle dont il a hérité. Un portefeuille crucial à l’heure où l’Europe est en plein bras de fer commercial avec la Chine et où l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis fait craindre une explosion des droits de douane pour accéder au marché américain.
Dans la journée, les députés entendent les six vice-présidents potentiels du nouvel exécutif européen. Ils pourront ensuite les adouber ou les défier lors d’un vote que les groupes politiques ont décidé de reporter plus tard, peut-être ce mercredi, sur fond de négociations de couloir.
Dans la matinée, le nouveau chef de la diplomatie européenne et ancien Premier ministre estonien Kaja Kallas et l’Italien Raffaele Fitto, chargé de la cohésion territoriale, ont été les premiers à être interviewés, qui ont duré plus de trois heures.
Mme Kallas a appelé à soutenir l’Ukraine « aussi longtemps que nécessaire, et avec autant d’aide militaire, financière et humanitaire que nécessaire ». « La guerre prendra fin lorsque la Russie se rendra compte qu’elle a commis une erreur » et « retirera ses troupes », a-t-elle déclaré.
Le diplomate de 47 ans a demandé aux Européens de « se serrer les coudes », alors que « le monde est en flammes ».
De son côté, Raffaele Fitto a insisté sur le fait qu’il n’était « pas là pour représenter un parti politique ou un Etat membre », mais pour « affirmer son engagement envers l’Europe ». « Mon premier parti politique a été la Démocratie chrétienne », a-t-il également souligné.
Car la gauche et le centre ne peuvent pas digérer que M. Fitto ait obtenu le titre de vice-président de la Commission alors qu’il appartient aux Fratelli d’Italia, le parti d’extrême droite de la chef du gouvernement italien Giorgia Meloni.
Cette vice-présidence suscite « beaucoup de discussions », prévient le centriste italien Sandro Gozi (Renew). « L’issue finale reste ouverte et incertaine. »
Les formations politiques se montrent cependant prudentes car faire tomber un rival les expose à des représailles de la part des commissaires de leur camp.
Au centre, Stéphane Séjourné a placé ses premières interventions sous le signe du « rattrapage économique », dans le sillage du récent rapport de Mario Draghi.
Considéré comme trop discret dans ses précédentes fonctions de ministre des Affaires étrangères, le Français de 39 ans doit prouver qu’il est à la hauteur.
D’autant qu’il a été choisi à la dernière minute, mi-septembre, par le président français Emmanuel Macron qui avait initialement exprimé son intention de reconduire Thierry Breton malgré son conflit avec la présidente de la Commission Ursula von der Leyen.
– « Ça ira bien » pour Séjourné –
Lors de son audition, le macroniste devrait également être taquiné sur l’accord de libre-échange controversé entre l’UE et les pays latino-américains du Mercosur, que la France conteste mais que la Commission semble encourager à signer.
Pour M. Séjourné, « tout ira bien, il est intelligent et connaît bien le Parlement », estime l’eurodéputé néerlandais Dirk Gotink (PPE, droite), rappelant que le centriste y a dirigé le groupe Renew de fin 2021 à début 2024. .
Les auditions de la Roumaine Roxana Minzatu, chargée des affaires sociales, et de la Finlandaise Henna Virkkunen (souveraineté numérique) sont également jugées sans grand risque.
L’Espagnole Teresa Ribera sera dans le viseur de la droite et de l’extrême droite en fin de journée. Le socialiste a hérité d’un important portefeuille sur la transition écologique et la concurrence.
Ses adversaires entendent l’interpeller notamment sur son opposition au nucléaire.
« Il sera attaqué », craint le socialiste français Christophe Clergeau. Mais, ajoute-t-il, « si le PPE (la droite) tire sur Ribera, nous tirerons sur tout le collège » le 27 novembre, date du vote global sur la nouvelle équipe dirigeante qui pourrait prendre ses fonctions début décembre.
La semaine dernière, dix-neuf premiers commissaires ont déjà reçu l’aval des députés. Seul le Hongrois Oliver Varhelyi (santé et bien-être animal) attend encore que soit décidé son sort.
L’audition de cet ami proche du Premier ministre hongrois Viktor Orban a suscité des critiques sur ses réticences à répondre aux questions sur l’accès des femmes à l’avortement ou sur les droits LGBT+.
publié le 12 novembre à 15h11, AFP