FMême si je n’ai pas voulu fermer la porte du « quoi qu’il en coûte » assez tôt, elle a fini par claquer bruyamment. La nouvelle trajectoire budgétaire que le gouvernement a été contraint de tracer à la hâte, après le dérapage du déficit en 2023, dessine un chemin pour le moins tortueux tant sur le plan économique que politique. A peine esquissée, la feuille de route que l’exécutif a transmise le 9 avril au Haut Conseil des finances publiques semble difficile à tenir. Si l’objectif reste le même, ramener le niveau du déficit public en dessous de 3% du PIB d’ici 2027, les démarches à entreprendre s’apparentent à un parcours du combattant difficile à surmonter.
A court terme, face à un déséquilibre entre dépenses et recettes qui devrait désormais s’établir à 5,1% en 2024, il s’agit de trouver 10 milliards d’euros d’économies, qui viendront s’ajouter aux 10 milliards déjà programmés. seulement… il y a deux semaines. Ce déchaînement soudain trahit une situation où le pouvoir est dans le flou, alors que les agences de notation financière doivent rendre dans quelques jours leur verdict sur la soutenabilité de la dette française.
La question qui se pose au gouvernement est de savoir comment remettre de l’ordre dans les comptes en l’absence de majorité. C’est finalement la stratégie de l’évitement qui a été adoptée après une succession de couacs au sein de l’exécutif sur l’opportunité d’opter pour un budget collectif voté par le Parlement. Ces fausses notes ont renforcé le sentiment d’incertitude qui règne au chef de l’Etat. A la veille d’élections européennes qui démarrent mal pour la majorité, Emmanuel Macron a finalement tranché, estimant qu’il y avait plus à perdre qu’à gagner en entamant un débat parlementaire susceptible de jeter une lumière crue sur l’incompétence du pouvoir en matière de Finances publiques.
C’est plutôt la créativité budgétaire qui a été sollicitée : faute de pouvoir annuler les crédits déjà votés, Bercy demande que les sommes ne soient pas dépensées afin de pouvoir les récupérer en fin d’année. Un tour de passe-passe qui en dit long sur l’étroitesse des marges de manœuvre.
Argument paradoxal
A cette situation peu glorieuse, alors que les yeux de nos voisins européens sont tournés vers notre incapacité à tenir nos engagements, s’ajoute la menace de censure de la part des oppositions, qui entendent ne pas laisser passer l’occasion de sanctionner le gouvernement. Cela pourrait avoir lieu lors de l’examen du prochain projet de budget, cet automne. La droite, qui n’a pas soutenu la réforme des retraites, l’une des rares initiatives de réduction des dépenses d’Emmanuel Macron, veut retrouver sa virginité budgétaire.
« La censure est notre arme antifiscale », affirme Olivier Marleix, président du groupe LR à l’Assemblée, qui soupçonne la majorité de préparer une hausse des impôts pour combler les déficits. L’argument est paradoxal dans la mesure où la gauche, qui est susceptible de soutenir cette motion de censure, y voit au contraire une manière de rompre avec le refus du gouvernement d’augmenter les impôts.
Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, la dette est devenue au fil des années l’impensé d’un président qui ne voit le salut que dans la croissance et le plein emploi. Mais comme ni l’un ni l’autre n’est décrété, la fin du quinquennat s’annonce comme une longue épreuve pour trouver des solutions durables à l’équation budgétaire, dans un contexte politique et social qui ne s’y prête guère.