L’opérateur qui souhaite lancer une liaison régionale à grande vitesse et à haute fréquence entre les métropoles du Grand Ouest a surmonté ses derniers obstacles, finalisé sa dernière levée de fonds de 400 millions d’euros et va lancer la production de ses trains. Il promet une offre de rupture.
Dans la bataille des nouveaux opérateurs cherchant à s’attaquer au TGV de la SNCF, la société Le Train est désormais sur le point de réussir son pari. Alors que Railcoop a été liquidée et que Kevin Speed est interrogé, la compagnie ferroviaire surmonte méthodiquement les obstacles.
Forte d’un cadre juridique prêt, d’une demande ferroviaire en constante augmentation, de ses autorisations ferroviaires et d’une grande partie de son financement, l’entreprise souhaite lancer une liaison régionale à grande vitesse et à haute fréquence entre les métropoles du Grand Ouest.
« 2024 est pour nous une année charnière, tant sur le plan financier qu’industriel », confirme Alain Gétraud, fondateur et président de la jeune entreprise, et ancien salarié de la SNCF, à BFM Business.
« Nous changeons de phase et nous avançons conformément à la trajectoire même si évidemment ce n’est pas du gâteau, nous sommes très sincèrement confiants. »
Une levée de fonds finalisée avant la fin de l’été
L’entreprise a déjà levé 15 à 20 millions d’euros pour lancer son projet, constituer le capital social, obtenir les assurances nécessaires et l’entretenir, financer ses autorisations et agréments de circulation, ce qui n’est déjà pas une mince affaire, car ils constituent une sorte de « garantie de sérieux » de l’opérateur pour rassurer les investisseurs. C’est tout ce qui fait la différence entre une entreprise ferroviaire et un projet d’opérateur ferroviaire…
Elle finalise surtout deux levées de fonds : 50 millions d’euros pour le corporate et 350 millions pour le matériel roulant : 10 rames TGV commandées à l’espagnol Talgo. Selon nos informations, le tout devrait être finalisé avant la fin de l’été.
« Ces levées se font auprès d’acteurs qui nous font confiance depuis le début : notamment le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel. Et avec des acteurs complémentaires qui correspondent à nos valeurs. Nous avons élargi le spectre, mais nous avons souhaité choisir des investisseurs qui soient cohérents avec qui nous sommes et ce que nous souhaitons faire », souligne le gérant.
Méthode toujours avec le développement progressif du back office commercial et technologique qui doit être concomitant au lancement de l’offre. Le Train aura une maquette 100% numérique et la qualité du système d’information (billettique, remplissage des trains, tarifs, etc.) est essentielle.
Braconnage du CIO de Ouigo
« C’est un gros morceau sur le point d’être finalisé », confirme Alain Gétraud qui peut se féliciter d’une belle prise de guerre. Il recrute Olivier Dominguez au poste de Chief Technology & Information Officer, il a été Chief Information Officer de Ouigo (ou DSI pour directeur des systèmes d’information) à la SNCF entre 2020 et 2024. Inutile de dire qu’il connaît ce genre de plateforme…
Il n’en reste pas moins que le projet a pris beaucoup de retard, car l’entreprise a dû se tourner vers du nouveau matériel roulant (de Talgo espagnol) alors qu’elle misait (en vain) sur des opportunités de seconde main dans son projet initial.
La fabrication des premiers trains devrait débuter « normalement » à la fin de l’année, « le plus rapidement possible », insiste le dirigeant sans être plus précis. Soit un lancement commercial en 2026 compte tenu des délais de fabrication. Mais Alain Gétraud entend relativiser ce retard.
« La fabrication d’un train ne commence pas par la première soudure. Nous avons réalisé la phase de conception, le design, le prototypage des sièges, l’aide au chargement des vélos, le pack technologique… Et nous aurons un rythme de livraison assez rapide. , au moins 2 trains par mois mais il y a plusieurs scénarios », confie-t-il.
Au total, 10 rames ont été commandées au constructeur espagnol. A priori donc, Le Train disposera de tous ses TGV avant mi-2026.
« Espace dans nos trains, inclusivité »
Avec une offre que Le Train souhaite « rompre » avec celle existante. « Nous sommes innovants en matière d’accessibilité, d’inclusivité, d’accueil des personnes à mobilité réduite, de vélos, ce n’est pas anecdotique », précise le gérant.
Si des tarifs très attractifs seront proposés (moins de 60 euros pour un Bordeaux-Nantes), l’opérateur ne compte pas jouer la carte du low cost :
« Nous ne serons pas sur des trains à capacité, nous sommes sur un modèle fréquentiel donc il y aura de la place dans nos trains. Il n’y aura pas de rangées de trois sièges, mais 2+2. Nous sommes là pour créer de la valeur et du service, le facteur prix n’est pas si important lorsque nous interrogeons des clients potentiels. Ils veulent de la fréquence, du service grâce à une tarification équilibrée, juste et accessible. actuels et futurs », explique Alain Gétraud.
Il n’en demeure pas moins que le modèle économique ferroviaire est fragile et soumis à des variables importantes : comme le prix des péages payés à SNCF Réseau. Ils ont augmenté de 8% cette année et la rumeur court que le gérant souhaite ensuite de nouvelles augmentations significatives.
« Nous avons développé notre modèle avec prudence… Mais si nous voulons le développement du train en France, il faut se concentrer sur le coût de l’infrastructure. Je suis convaincu que s’il y a plus d’offres, les moyens de SNCF Réseau augmenteront », ce qui devrait permettre de stabiliser le prix des péages », espère le gestionnaire. Rien n’est cependant moins sûr compte tenu des investissements colossaux que doit consentir le gestionnaire pour régénérer le réseau.
Ambitions dans les trains d’équilibre du territoire
Le Train est candidat aux appels d’offres de l’Etat pour l’exploitation des lignes Nantes-Bordeaux, Nantes-Lyon et Nantes-Lille Intercités. Des lignes déficitaires mais qui sont financées par l’Etat. Est-il vraiment temps pour Train de se lancer sur ce marché difficile ?
« Il serait incompréhensible de ne pas répondre à l’État, de ne pas faire de propositions avec notre ADN de services, nos critères, estime Alain Gétraud et les usagers de ces lignes veulent du service. Si on fait bien le travail, cela peut être rentable», assure-t-il.
Le risque est néanmoins calculé puisque l’Etat reste l’autorité organisatrice alors que la marque Le Train ne sera pas utilisée. « Cela restera Intercités et nous serons concessionnaires », explique le gérant. Les gagnants de ces appels d’offres seront connus à la fin de l’année.