Finale Top 14 – « Dernière journée » : reportage sur les traces de Didier Lacroix, président de Toulouse
C’est le récit d’une journée particulière, celle de la finale vécue par un président de club candidat Brennus. Didier Lacroix a accepté de prendre le Midi Olympique dans ses traces et de partager ces moments très particuliers. Du stress de la préparation au point culminant du match, immergé au cœur d’une journée unique.
Soudain, il y a eu ces larmes, soudaines et rares. Capturé sur le banc de touche au moment de la délivrance, quand Ange Capuozzo marquait le dernier essai d’une finale devenue récital. Il n’y avait plus de suspense depuis près d’une heure mais ce plongeon de l’Italien fut une délivrance pour Didier Lacroix, qui nous confia ainsi : « Quand la plus belle page d’histoire dont on a rêvé devient réalité, il y a forcément une forte émotion. Sur le moment, j’ai du mal à m’en rendre compte mais le plaisir est extraordinaire et à la hauteur de nos attentes après cette saison sacrément éprouvante. Je suis très fier de ce qu’ont fait tous les joueurs, ceux qui étaient sur la feuille de match comme ceux qui ont gagné contre Clermont, Montpellier, Lyon ou qui plus récemment ont affronté La Rochelle… »
Une neuvième tentative pour incarner tout ce Toulouse que le président avait imaginé lors de sa prise de fonction dans l’institution, en juillet 2017 : quatre-vingts mètres d’un mélange entre audace, talent, convictions, folie et surtout vitesse, comme si le temps ne devait jamais être perdu. Une tentative comme le pendant du chef-d’œuvre – un brin plus échevelé – signé par Romain Ntamack un an plus tôt pour renverser La Rochelle. Cette fois, Bordeaux a été mis à la torture et Lacroix, malgré les larmes de ceux qui lâchaient, a conservé une forme de pudeur face à ce succès XXL en faisant le tour des joueurs et du staff, disséminés sur le terrain. « MERCI. » « Bon travail les gars. » Avec des embrassades pour mieux remplacer les longs discours et des yeux qui brillent pour témoigner de l’admiration. « L’émotion n’est pas plus forte que les années précédentes, même si c’est impossible à comparer. La pression était juste différente… »
Marti, une source d’inspiration
Des sensations confirmées quelques instants plus tard, lorsque l’on retrouve Laurent Marti dans les couloirs du Vélodrome. Pour des mots simples entre deux hommes qui se respectent, comme l’ont déjà démontré leurs échanges au moment du tirage au sort des vestiaires, magnifiquement mis en scène vendredi midi dans le cadre somptueux du Cercle des Nageurs de Marseille. » J’ai beaucoup réfléchi cette semaine à ce que j’allais dire en me retrouvant face à Laurent qui évoluait, comme vous le savez, chez les juniors au Stade Toulousain. C’était avec mon grand frère Michel. Je les ai suivis. »
Et d’ajouter : « Plus tard, Laurent est celui qui a donné du sens et qui a été pour moi une source d’inspiration. Il fait partie de ces personnes qui ont été marquées par l’institution (Stade Toulousain). Mais s’il peut attendre un peu avant de remporter son premier titre avec UBB, je suis intéressé. » Son souhait est exaucé et Lacroix remporte son sixième trophée en tant que président pour autant de finales (4 Boucliers, 2 Coupes d’Europe/Coupe des Champions) ; il se rapproche un peu plus de son palmarès en tant que joueur (6 Boucliers et 1 Coupe d’Europe, entre 1994 et 2001).
La drôle de journée du président toulousain a ainsi officiellement débuté au bord des piscines où s’entraînent Florent Manaudou et Frédéric Bousquet. La nuit précédente avait été courte et la matinée calme. Un peu de musique, quelques appels téléphoniques, emails et SMS auxquels il faut répondre. Tout s’est accéléré tout au long de l’après-midi, entre brefs échanges avec les joueurs dans le hall de l’hôtel NH Prado avec vue sur la Méditerranée, obligations protocolaires et rencontres professionnelles. Dont une réunion de travail avec les associés, en compagnie de Philippe Jougla et Philippe Chausson, tous deux membres du Directoire. Ils forment la garde rapprochée des dirigeants avec Ugo Mola et Marc Doncieux. Sans oublier Franck Bélot et Pascal Médina, jamais loin. Comme Bruno Gravelet et Jean-Luc Brumont. Au bord de la piscine, Lacroix distribue à tous des polos brodés pour la finale, en lettres argent et or.
De la présence, quelques mots
Tout a changé vers 19 heures, alors que les Toulousains se sont peu à peu retrouvés dans le salon pour le dernier briefing du coach avant le match. Ugo Mola s’est exprimé seul, entouré des joueurs et de son staff. Lacroix était l’un des rares à ne pas faire partie du groupe. « J’ai besoin d’être avec eux et de partager ces moments si particuliers… Je suis là, mais je ne parle pas. Cette journée leur appartient. C’est juste un moment que je partage avec eux. Tout au long de cette journée, je suis simplement à l’écoute, notamment avec Ugo. Nous échangeons par moments, notamment autour d’éléments de langage. Je n’interviens que très peu dans la journée… »
Et d’ajouter : « J’ai fait mon discours d’avant-finale le mercredi précédent au moment de la « bière du président », c’est une de nos traditions. Je leur ai dit la chance que j’avais de devoir jouer cette deuxième finale et de pouvoir écrire l’histoire. » 19h30, fin de l’entretien et départ pour le Vélodrome avec l’escorte de motards pour éviter les embouteillages. Plongée dans les entrailles du stade, passage par les vestiaires, sortie sur la pelouse vers 20h. Lacroix retrouve ses comparses, Lucien Simon et Frédéric Calamel, les poches pleines de grigris. Puis il s’échappe quelques instants pour embrasser son fils Matéo, installé derrière les poteaux avec les supporters et les espoirs du Stade sacrés champions de France début juin. Il se dirige ensuite vers le panier présidentiel, où il retrouve Alexandra, sa compagne et future épouse, et la troupe des dirigeants de la Ligue ou de la Fédération avant de redescendre peu avant 21h pour le protocole d’avant-match, les hymnes et la présentation des joueurs.
« C’est facile d’être le président de ce club »
Le reste, vous le savez. Didier Lacroix a vécu une finale au scénario plus apaisé qu’à l’habitude. » Ne vous méprenez pas, il y a toujours du stress… J’ai encore du mal à réaliser ce que les joueurs viennent de faire après une saison incroyable. Nous ne voulons pas que ça s’arrête, tellement ce que nous avons vécu ensemble a été fort. , je veux juste leur dire merci. Après la Coupe du monde, ils ont fait preuve d’une résilience incroyable. C’est facile d’être président de ce club, composé de gens simples comme Antoine (Dupont), de gars ordinaires qui font des choses extraordinaires. , oui, c’est facile et agréable, du caractère, de l’humanité, de la solidarité et de la convivialité. Sans oublier la loyauté et l’honnêteté. Mais au-delà de ce doublé, je veux retenir les performances de nos équipes de jeunes, avec les titres évidemment et. ces treize joueurs de notre équipe qui ont notamment participé à la finale de la Champions Cup contre le Leinster, tout cela a du sens.
23 heures, fin du bal. Lacroix retrouve ses hommes sur la pelouse pour un ballet d’embrassades. La troisième mi-temps peut débuter dans l’intimité des vestiaires. Le traditionnel cigare à la main, lunettes de soleil sur le nez, pieds nus et cravate volée par Dupont. Une photo avec le Shield partagée avec Peato Mauvaka pour annoncer sa prolongation. Lacroix trinque avec les joueurs, les félicite et reçoit aussi ses félicitations. Deux heures plus tard, il est l’un des tout derniers à quitter les vestiaires pour s’engouffrer dans un bus bondé, et traverser Marseille jusqu’à l’after-party organisée par le club sur le toit des Terrasses du Vieux port. C’est Marseille, Didier. Pour une nuit blanche et une fête partagée entre les joueurs. Tradition, pour toujours.