Fin des concessions : les plagistes italiens se préparent au pire
La moitié des plages italiennes sont payantes, mais désormais, suite à une directive européenne, les gestionnaires de stations balnéaires risquent de perdre leurs concessions.
En Italie, les licences de location de transats et de parasols sont traditionnellement contrôlées par les familles et transmises de génération en génération. Selon l’hebdomadaire italien L’Espressocité par Ouest-France, 42% des plages italiennes sont privatisées par des « lidos » (ou (lidi)établissements balnéaires qui font payer l’accès au bord de mer. De plus, 8 % des plages sont privatisées sous d’autres formes.
Le quotidien national italien La République a recensé 12 166 plages sur les 7 900 kilomètres de côtes italiennes (soit 2 000 de plus qu’en France métropolitaine). En moyenne, pour un « ombrellone e lettino » (transat-parapluie) traditionnel, L’accès à une plage privée coûte 15 € par personne.
Mais il y a un peu plus d’un an, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que les concessions d’exploitation côtière ne peuvent pas être renouvelées automatiquement et doivent être soumises à une procédure de sélection impartiale et transparente.
A Fiumicino, une portion de littoral située à une heure de route de Rome, tout le monde parle des concessions balnéaires et de l’absence de loi nationale les réglementant. Les gestionnaires des « lidi » s’inquiètent des « dictats » de Bruxelles à leur égard.
Mais plutôt que d’appeler à la grève pour sensibiliser, comme l’ont fait nombre de leurs collègues récemment à l’approche des changements imposés par les autorités européennes, une dizaine de commerçants locaux se sont mobilisés pour faire face au défi de perdre potentiellement leur licence en raison de l’attribution de leurs concessions par le biais d’appels d’offres publics.
Pour éviter d’être condamné à une amende, le gouvernement italien aurait dû se conformer à la directive Bolkestein il y a 10 ansL’objectif est d’accroître la compétitivité en libéralisant le marché dans un certain nombre de secteurs. La controverse dure depuis des années et certains opérateurs craignent pour l’avenir de leur activité, notamment après que les concessions ont été prolongées jusqu’à fin 2024 seulement.
Marco Lepre, exploitant de clubs de plage, dirige le groupe qui représente un total de 11 entrepreneurs répartis sur les 2 km de côte de Fiumincino. « L’objectif de cette initiative est de participer aux appels d’offres qui semblent désormais inévitables en utilisant nos meilleurs outils et nos meilleures compétences en tant que réseau d’entreprises », explique Lepre. « Notre idée est de partager des projets qui permettront à la municipalité locale de se démarquer et d’obtenir le meilleur score ».
M. Lepre explique que le fonctionnement du secteur en Italie est très différent de celui des autres États membres de l’UE, où les familles vivent de cette activité depuis des décennies. « Ils ont investi des ressources et créé un style de vie qui se transmet de génération en génération », poursuit M. Lepre.
Ce type d’entreprise familiale a un impact significatif sur l’économie italienne et sur la Le secteur du tourisme, qui représente environ 6% du PIB du paysOr, le Conseil d’État a récemment jugé que les concessions ne pouvaient pas être renouvelées automatiquement, ce qui aggrave les effets de la procédure d’infraction lancée par la Commission européenne en 2020.
Certaines organisations professionnelles, dont Federbalneari, ont confiance dans les efforts du gouvernement pour résoudre le conflit : « Nous avons décidé de ne pas faire grève, car nous pensons qu’il est préférable de nous asseoir à la même table avec toutes les parties prenantes et de travailler ensemble sur une réforme », explique Marco Maurelli, président de Federbalneari Italia.
« Nous nous préparons à tous les scénarios. Nous espérons que le gouvernement jouera son rôle de liaison avec la Commission européenne dans ces négociations très complexes et épuisantes », a poursuivi Maurelli. « Le gouvernement Meloni a présenté un document formel pour négocier une réforme avec la Commission européenne. C’est la première fois depuis 15 ans que cela se produit et nous avons confiance dans les actions du gouvernement ».
Comme l’explique Elonora Poli, directrice du think tank Centro Politiche Europee, qui a largement couvert le sujet, les plages italiennes sont la propriété de l’État et peuvent être gérées à des fins lucratives grâce à des concessions accordées par les autorités locales, comme les régions ou les municipalités. « Mais le temps presse », dit-elle, « et avec un cadre juridique aussi ambigu, les conséquences pour l’Italie de l’absence d’une loi nationale pourraient être très importantes. »
« L’Italie est confrontée à des amendes très élevées », a poursuivi Poli. « Ce n’est pas un problème qui a commencé avec le gouvernement Meloni, c’est un problème auquel le pays est confronté depuis des années. Il faut des règles au niveau national pour établir comment les concessions doivent être renouvelées. Elles devraient ensuite être appliquées par toutes les municipalités et régions. »
À quelques mois de la fin de l’année – et de la possible fin de leurs concessions – les exploitants de clubs de plage devraient poursuivre leur combat.
Sources supplémentaires • Ouest-France, adaptation : Serge Duchêne