Fin de la retraite paisible de l’ancien gouverneur syrien en Californie
Droit comme un « i », au garde-à-vous et en costume noir, Samir Othman Al-Cheikh fait face au président syrien Bachar Al-Assad dans une salle de réception du palais présidentiel à Damas en 2011. L’homme est au sommet de sa carrière. Il vient d’être nommé gouverneur de la province de Deir ez-Zor, qui borde l’Euphrate. Alors que la Syrie s’enfonce dans la guerre civile, M. Al-Cheikh doit prendre en main la situation dans cette région de l’est du pays : une tâche qu’il s’acquittera avec zèle.
C’est une autre image, prise onze ans plus tard, en 2022, qui allait provoquer sa chute. Samir Othman Al-Sheikh était alors établi en Californie, où il avait obtenu un visa d’immigrant. Il a été reconnu, sur une photo partagée sur les réseaux sociaux, par une de ses compatriotes, originaire d’Idlib comme lui. Elle a alerté le militant des droits de l’homme Omar Alshogre. Ce rescapé des geôles syriennes, devenu un visage connu de l’opposition anti-Assad, s’est lancé sur la piste de Samir Othman Al-Sheikh, l’a localisé et a transmis l’information aux autorités américaines.
Le 10 juillet, des agents du département américain de la Sécurité intérieure ont arrêté M. Al-Sheikh, 72 ans, à l’aéroport international de Los Angeles alors qu’il s’apprêtait à embarquer sur un vol pour Beyrouth, la capitale libanaise. La veille, un juge avait émis un mandat d’arrêt à son encontre à la demande des services de sécurité. Il est le plus haut responsable du régime syrien arrêté à l’étranger depuis 2011. Il est accusé d’avoir menti aux services d’immigration lors de sa demande de visa puis de sa demande de citoyenneté américaine.
Localisé via les réseaux sociaux
« Samir Othman Al-Sheikh a été arrêté pour tentative de fraude à la naturalisation. Il a menti sur ses documents officiels, notamment sur sa demande de visa. », explique Maria Cure, membre de l’ONG américaine Syrian Emergency Task Force. M. Al-Sheikh a ainsi déclaré sous serment qu’il n’avait « commis, ordonné, instigué, aidé ou participé de quelque manière que ce soit à des exécutions extrajudiciaires, des assassinats politiques ou d’autres actes de violence. » M. Al-Sheikh est également accusé d’avoir fourni de faux documents et de fausses informations. Ces délits sont passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à dix ans de prison.
Avant de prendre la tête du gouvernorat de Deir ez-Zor, le responsable syrien a dirigé la prison d’Adra, dans la banlieue de Damas, où des milliers d’opposants politiques ont été incarcérés, de 2005 à 2008. Au moins cinq anciens détenus de ce pénitencier ont porté plainte contre lui pour torture et meurtre. Ils affirment que M. Al-Sheikh se promenait dans la prison, approuvant les exécutions et regardant les détenus se faire pendre dans une cour de l’établissement appelée « place des exécutions ».
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