Avec ce nouveau long métrage à la réalisation, Daniel Auteuil plonge le spectateur dans une affaire judiciaire qui interroge la recherche de la vérité, l’intime conviction et le difficile travail d’un avocat.
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Pour son sixième film en tant que réalisateur, Daniel Auteuil s’est inspiré d’une histoire vraie, celle d’un avocat intimement convaincu de l’innocence de son client, un bon père de famille accusé du meurtre de sa femme. Particulièrement remarqué lors de sa présentation en sélection officielle au Festival de Cannes en séance spéciale, Le fil sort en salles le 11 septembre.
Nicolas Milik (Grégory Gadebois) prépare le dîner pour ses cinq enfants lorsque la police vient l’arrêter. Le corps de sa femme a été retrouvé, la gorge tranchée. Maître Monier (Daniel Auteuil) vient l’assister pendant sa garde à vue, à la place de sa femme fatiguée, qui lui a demandé ce petit service. Elle reprendra l’affaire le lendemain, lui promet-elle.
Mais Maître Monier décide de plaider cette affaire aux assises. La première depuis un procès au cours duquel il avait innocenté un meurtrier récidiviste. L’avocat, convaincu de l’innocence de son client, se jette corps et âme, jusqu’à l’obsession, dans la préparation de la défense de Nicolas Milik.
Après avoir réalisé quatre adaptations des romans de Pagnol et une pièce de Florent Zeller, Amoureux de ma femme En 2018, Daniel Auteuil annonçait qu’il ne souhaitait plus passer derrière la caméra. Et pourtant, avec cette nouvelle production, il s’attaque à un scénario original inspiré d’une histoire vraie, racontée entre autres affaires par l’avocat pénaliste du barreau de Lille Jean-Yves Moyart, connu sous le nom de Maître Mô pour ses chroniques publiées dans un blog. Chroniques reprises dans un livre Dans l’embuscade : Chroniques de la justice pénale ordinaire (La Table ronde, 2011), réédité en 2021 aux éditions Les Arènes.
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Avec ce nouveau film, Daniel Auteuil explore de très près, du point de vue de l’avocat, la recherche de la vérité intime d’un homme, dans le contexte d’un procès aux assises. Qui est Nicolas Milik, que s’est-il réellement passé cette nuit-là ? Le spectateur assiste aux débats, à la reconstitution présumée des faits, aux échanges entre l’accusé et l’avocat, et se construit une conviction intime au fil du récit, à l’image du jury qui devra trancher dans une affaire où il n’y a ni aveux ni preuves.
Daniel Auteuil a choisi de transposer cette histoire du Nord au Sud, celle de la Camargue et des arènes, et de faire jouer taureaux et toreros en arrière-plan, comme une allégorie de l’avocat et de l’accusé projetée dans un tribunal comme dans une arène. Les images de la région, plans larges, images en mouvement, constituent des moments de suspension, des bouffées d’air dans cette histoire par ailleurs tournée en grande partie dans la salle d’audience, la cellule, le parloir, espaces clos dans lesquels la caméra est collée aux visages des protagonistes.
« Je sais que je vivrai, une fois de plus, avec les particularités supplémentaires de cette affaire, l’heure que tous les pénalistes redoutent le plus, l’heure exécrable, angoissante, effrayante, épuisante, qui précède ce qui est pourtant l’essence de mon métier : me lever et plaider pour l’homme que j’assiste », déclare dans l’un de ses derniers posts l’avocat, décédé d’un cancer en 2021.
« Tu es le seul à me respecter »« C’est ce que m’a dit Nicolas Milik à Maître Monier à l’issue de son procès, résumant la mission de l’avocat par cette phrase tragique. « Je crois toujours qu’il y a du bon dans chaque homme et que l’une des tâches de l’avocat est de le trouver et de le révéler. L’avocat est le frère en humanité de son client. C’est la meilleure définition, je pense, de ma profession. » déclarait Jean-Yves Moyart sur France Inter en 2011.
Daniel Auteuil rend hommage au travail de ces avocats qui choisissent de défendre les hommes, quel que soit leur crime, et montre, grâce à l’interprétation magistrale du duo Auteuil/Gadebois, la relation très particulière qui peut s’établir entre un avocat et son client.
Ce film rend également hommage à la justice dans son ensemble et au travail de chacun. Alice Bélaïdi est très convaincante dans le rôle de la procureure générale, Sidse Babett Knudsen dans celui de l’avocate et épouse qui rappelle à son mari de garder la tête froide et Isabelle Candelier dans celui de la présidente de la Cour.
Le film ne laisse pas de côté les victimes, notamment à travers les interventions des enfants, ou le rôle de la sœur de la victime, incarnée par Aurore Auteuil, la fille du réalisateur. Le film met également en lumière les limites de la justice, qui peut parfois faillir, car elle est rendue par des hommes, armés alors qu’il n’existe aucune preuve autre que leur intime conviction.
Bref, Daniel Auteuil fait le tour du sujet et s’attaque avec succès au film de procès, porté à l’apogée par Anatomie d’une chute par Justine Triet Et Saint-Omer par Alice Diop. Traité ici comme un instrument de sondage de l’âme humaine, Le filavec son dénouement étonnant – une fin brève, claire et nette, qui contraste avec le long temps mis à enquêter et à rechercher la vérité – nous laisse abasourdis.
Genre : drame
Directeur: Daniel Auteuil
Acteurs : Daniel Auteuil, Grégory Gadebois, Sidse Babett Knudsen, Alice Belaïdi, Suliane Brahim, Gaëtan Roussel
Pays : France
Durée : 1h55 minutes
Sortie : 11 septembre 2024
Distributeur : Films de zinc
Synopsis :Depuis qu’il a disculpé un meurtrier récidiviste, Maître Jean Monier ne prend plus en charge d’affaires criminelles. La rencontre avec Nicolas Milik, un père de famille accusé du meurtre de sa femme, le bouleverse et ébranle ses certitudes. Convaincu de l’innocence de son client, il est prêt à tout pour l’aider à gagner son procès aux assises, retrouvant ainsi le sens de sa vocation.
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