« Film de série B épouvantable » ou film « unique » ? Les critiques sont divisées sur le dernier film de Coppola
Acclamé ou critiqué, le dernier film de Francis Ford Coppola est loin de faire l’unanimité et suscite de très vives réactions. « Megalopolis » est sorti en salles ce mercredi.
C’est probablement le film qui a suscité le plus de débats au Festival de Cannes cette année. Présenté en compétition officielle, Mégalopole a marqué le retour de Francis Ford Coppola sur la Croisette. Et pas pour n’importe quel film : le cinéaste de 85 ans tourne cette fable romantique futuriste depuis 40 ans. Mais il a fallu attendre longtemps (versions abandonnées lors des attentats de New York, budget conséquent qui l’a obligé à investir 120 millions de dollars de sa fortune personnelle, issue de son entreprise viticole) avant que Mégalopole ne finit pas par sortir en salles, ce mercredi 25 septembre, et non sans polémique (Coppola est accusé de comportement inapproprié sur le tournage, voir ci-dessous).
Le public peut donc découvrir cette fable, qui transpose la décadence de l’Empire romain dans une version futuriste de New York, subtilement intitulée « Nouvelle Rome ». Cette ville, gangrenée par le populisme et la corruption, est l’objet d’une confrontation entre deux figures : celle d’un architecte, créateur génial et idéaliste novateur, qui veut la réformer, et celle du maire avant-gardiste, réfractaire au changement. L’amante du premier, également fille du second, se retrouve au milieu, tentant de concilier les points de vue de chacun pour redonner à la ville sa grandeur.
Que pensent les critiques Mégalopole ?
L’attente fut longue, les attentes élevées, pour un film présenté comme « ambitieux », « testamentaire » et « personnel ». C’est le cas de le dire, les critiques sont partagées : 52% d’avis positifs de la presse sur Rotten Tomatoes, une note légèrement meilleure de 60/100 sur Metacritic… Francis Ford Coppola ne met personne d’accord. Les conquis saluent l’expérience cinématographique qu’offre MégalopoleCinésérie affirme que ce film est « une expérience précieuse » qui « finit par toucher le cœur » malgré son « non-sens total ». Indiewire loue un « autoportrait criard, épique et singulier », tandis que Les Inrocks a été séduit par sa « sincérité et même une naïveté désarmante » servie par les « images les plus folles qu’on ait vues cette année », « quitte à envoyer la bienséance narrative aux oubliettes ».
A l’inverse, d’autres médias (dont nous) n’ont pas considéré que les idées de mise en scène évidentes de certaines scènes de Mégalopole Le Parisien rattrape complètement un film « complètement fou, pour le meilleur et surtout pour le pire » (Première). Le magazine spécialisé dans l’actualité cinématographique estime que « les expérimentations visuelles et narratives ne parviennent jamais à masquer un propos d’une naïveté étonnante » dans ce long-métrage qui « déborde de toutes parts ». Pour Le Parisien, Francis Ford Coppola signe « une méga-déception », la faute à « un récit décousu », « des scènes grotesques » et « une forme beaucoup trop pompeuse », tandis que Marianne estime que c’est « le film de trop » pour cet « immense cinéaste ».
« Un nanar terrible » pour BFM TV, « un film unique, désespéré, grandiose, grotesque » pour GQ… Personne n’est d’accord, vous l’aurez compris. Et comme la presse, on peut s’attendre à ce que Mégalopole divise l’opinion publique, mais ce qui est sûr, c’est qu’elle ne manquera pas de susciter des réactions.
Sur le papier, Mégalopole Le film a suscité la curiosité et semblait très prometteur dans sa volonté de transposer la mythologie romaine dans notre société moderne pour en pointer les excès, porté par des thématiques ambitieuses. Mais l’exécution est totalement ratée. Tout d’abord, l’écriture est pompeuse. Le film se noie dans les clichés, servis par une voix off sentencieuse et des dialogues affectés.
Tout est déjà vieux : la vision de la femme est archaïque (la mère, la vierge et la prostituée, littéralement) comme la vision d’une société fracturée en deux camps simplistes (les riches décadents et les pauvres sans histoire) qui cherche à pointer du doigt le populisme trumpiste, sans que cela soit jamais très bien fait.Les réflexions pseudo-philosophiques niaises sont enrobées de belles paroles et de citations de Marc Aurèle sur le progrès et la civilisation, mais ne rendent pas le film plus intelligent, bien au contraire.
Côté mise en scène, généreuse certes, elle n’est malheureusement pas meilleure. Les quelques bonnes idées distillées ici et là (et certains plans restent mémorables, témoins de la vision de son cinéaste) sont noyées dans un méli-mélo indigeste et prétentieux, empruntant au baroque et au kitsch sans unité. Le casting, alléchant sur le papier une fois de plus, ne suffit pas à sauver le film, et certains ne font office que de figurants, à l’image de Jason Schwartzmann ou Dustin Hoffmann. Pour un film qui se revendique futuriste mégalomane, Mégalopole est déjà daté.
Synopsis – Megalopolis est une épopée romaine se déroulant dans une Amérique moderne imaginaire en pleine décadence. La ville de la Nouvelle Rome doit absolument changer, ce qui crée un conflit majeur entre César Catilina, un artiste de génie doté du pouvoir d’arrêter le temps, et le maire archi-conservateur Franklyn Cicero. Le premier rêve d’un futur utopique idéal tandis que le second reste très attaché à un statu quo régressif protégeant l’avidité, les privilèges et les milices privées. La fille du maire et jet-setteuse Julia Cicero, amoureuse de César Catilina, est tiraillée entre les deux hommes et va devoir découvrir ce qui lui semble le mieux pour l’avenir de l’humanité.
Dans une enquête du Guardian publiée avant la projection de Mégalopole À Cannes, le comportement de Francis Ford Coppola sur le plateau a été jugé très inapproprié par les membres de l’équipe. Le journal rapporte que le réalisateur « forçait par exemple les femmes à s’asseoir sur ses genoux » et « essayait d’embrasser certaines figurantes, torse nu et légèrement vêtues ». Son manque de professionnalisme (« parce qu’aucun plan n’avait été établi, et qu’il ne laissait pas ses collaborateurs en établir un, il restait souvent assis dans sa caravane pendant des heures, ne parlait à personne, fumait souvent de la marijuana… ») a également été critiqué.
Le producteur exécutif Darren Demeter a démenti, affirmant que « Francis se promenait sur le plateau » pendant une scène « pour établir l’esprit de la scène en faisant de doux câlins et des bisous sur la joue aux acteurs et aux figurants. C’était sa façon de contribuer à instiller et à inspirer l’atmosphère du club, qui était si importante pour le film. Je n’ai jamais eu connaissance d’une quelconque plainte de harcèlement ou de mauvais comportement pendant le déroulement du projet ». De son côté, Francis Ford Coppola assure que c’est « totalement faux » même s’il reconnaît des contacts physiques : « Les jeunes femmes que j’ai embrassées sur la joue pendant la scène du réveillon étaient des jeunes femmes que je connaissais ». Des vidéos de la scène ont néanmoins circulé sur le réseau social X, où on peut le voir embrasser et enlacer des figurants.
GrP1