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Filip nous a parlé d’addictions, d’homophobie et de politique

Le Filip, grand finaliste de la saison 3 de « Drag Race France ».
© Jean RANOBRAC – FTV Le Filip, grand finaliste de la saison 3 de « Drag Race France ».

© Jean RANOBRAC – FTV

Le Filip, grand finaliste de la saison 3 de « Drag Race France ».

DRAG RACE FRANCE – L’heure du sacre approche à grands pas (et en talons hauts). Ce vendredi 19 juillet, Ruby On The Nail, Le Filip, Leona Winter et Lula Strega joueront leurs dernières cartes à l’occasion de la diffusion sur France 2, à 22h40, de la finale de cette troisième saison de Course de dragsters en France.

Après la présentation de leurs singles individuels, qu’on espère aussi bons que ceux de Sara Forever l’an dernier, deux des quatre dernières drag queens encore en compétition auront pour mission de s’affronter lors d’un lypse « légendaire » face à Nicky Doll. Qui la reine mère du drag français va-t-elle élire pour succéder à Keiona ?

Même si elle n’a pas remporté un seul maxi-challenge cette saison, l’un d’entre eux a réussi à se démarquer. Tata Fifi, Finette, Fineline, Fifounette « , pour reprendre ses mots du premier épisode, il s’agit bien de Filip.

Originaire de Croatie, la reine de l’humour et du stand-up comedy, ne mâche pas ses mots, et nous l’a rappelé lors des épreuves et en atelier, avec des blagues parfois scabreuses, mais toujours spontanées et hilarantes. Celle pour qui  » rien n’est jamais trop sérieux » a également marqué l’histoire du jeu vidéo en livrant un récit rare et mesuré de ses propres addictions, un sujet important au sein de la communauté LGBT+. Je n’avais pas réalisé pendant longtemps à quel point cela était devenu une béquille pour moi. La drogue aussi, bien sûr », elle a confié dans l’émission.

HuffPost : C’était un tête-à-tête comme on en voit rarement au cinéma. Était-ce difficile d’en parler ?

Le Filip: Je ne trouve pas cela courageux, comme certains me l’ont dit, mais simplement normal et nécessaire. À partir du moment où j’ai su que j’allais participer à l’émission, j’ai compris que j’allais devoir parler de moi. Je suis un livre assez ouvert. Je n’ai pas honte, ou peut-être que je suis fou. Mon but ici était de « dire les termes » et de parler des choses qui sont dans ma vie. Le terrain était propice : je suis aujourd’hui en bien meilleure santé et je m’écoute beaucoup plus qu’avant.

Qu’est ce qui a changé ?

Mon entourage, d’une part. Nous avons traversé ensemble ces mêmes épreuves. Collectivement, à force de discussions, nous avons pu nous donner des conseils, parler sans honte ni jugement de nos luttes pour rester sobres. D’autre part, mon corps a changé. J’ai presque 30 ans et naturellement, il se fatigue. Une question a commencé à se poser : est-ce que je veux mourir ou est-ce que je veux vivre encore quelques années ?

Finalement, j’ai perdu des amis. Quand c’est arrivé, surtout à cet âge-là, ça a été un choc. Naïvement, je ne pensais pas qu’on pouvait mourir à 20 ans. Cela a influencé ma façon de voir les choses et la fragilité de la vie. Rien n’est éternel.

Aujourd’hui, les personnes LGBT+ ont 2 à 5 fois plus de risques de développer des addictions. Vous a-t-il semblé important d’aborder le sujet ?

Il y a toujours un besoin d’information, y compris sur l’alcool. Il est encore très glamourisé dans la culture européenne. En tant que Croate, l’alcool m’a été présenté dès mon plus jeune âge. Il a quelque chose de très banalisé, alors qu’il est en soi un poison. Cela reste des fruits pourris avec lesquels on s’enivre.

En plus, je ne suis pas parfaite. J’aime le Prosecco et faire la fête. Je ne veux pas dire à qui que ce soit ce qu’il doit faire, mais plutôt qu’il y ait la possibilité de s’informer et de savoir exactement dans quoi on s’engage. Et si jamais les choses tournent mal, il existe des moyens de se protéger, de se soigner.

Cette saison a aussi été l’occasion pour vous de revenir sur les agressions homophobes dont vous avez été victime dans votre pays d’origine, la Croatie…

Et en France ! Cela a commencé au collège, voire à l’école primaire, avant de se poursuivre au lycée. J’ai toujours été étonnée que des gens aient la foi de régler leurs comptes physiquement, d’être bouleversés par l’existence de quelqu’un d’autre au point d’en venir aux mains.

Depuis, cela m’arrive dans des contextes de fête, notamment la nuit quand j’étais isolée. Je n’aurais jamais pensé que c’était le moment où j’allais me faire frapper. C’est le côté surprenant qui est terrifiant. On a beau essayer d’être discret, cela arrive quand on s’y attend le moins. On ne peut pas passer sa vie à regarder derrière soi dans la rue.

Ces derniers mois ont été marqués par de nombreuses attaques, notamment homophobes. Comment avez-vous traversé cette période ?

Ce n’est vraiment pas une joie avec la polarisation de la société. J’ai l’impression que tout le monde veut se battre entre eux sur des questions culturelles. J’ai l’impression d’avoir retrouvé certaines manières de voir ou de parler des autres, proches de ce que je connais en Croatie. Voir des manifestations fascistes, c’est quelque chose que je n’aurais jamais pensé voir en France. C’est effrayant.

J’ai essayé de mobiliser sur les réseaux sociaux en parlant de mon expérience avec un gouvernement d’extrême droite en Croatie, histoire de montrer qu’il n’y a vraiment pas besoin de tenter ça en France. Ça n’apporte rien.

Lors d’un rassemblement entre les deux tours, Sara Forever a prononcé un discours puissant rappelant que le drag est et restera politique. Partagez-vous cet avis ?

Oui, absolument. Comme tous les êtres humains, nous avons nos propres intérêts. Mais j’espère que ces derniers mois ont ouvert les yeux à davantage de drag queens, qu’ils les ont poussés à s’engager et à comprendre leur place dans le tissu social. Chacun d’entre nous, à sa manière, peut créer des espaces de discussion et des espaces où nous pouvons faire bouger les choses.

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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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