Nouvelles

Au Burkina Faso, la rentable culture de la fraise est devenue l’or rouge inattendu des paysans

Yiwendenda Tiemtoré fait partie de ces producteurs. De janvier à avril, sur les terres agricoles de Boulmiougou, quartier populaire de la banlieue de la capitale, les fraises « prennent la place des autres cultures », précise-t-il. Dès l’aube, avant que les températures n’atteignent les 40°C, il récolte les petits fruits rouges, puis les étale soigneusement sur des pagnes. Sur son terrain de près de 300 mètres carrés, arrosé par un puits maraîcher, il a planté des selvas et des camarosas, les variétés les plus cultivées au Burkina Faso. Sa récolte produit 25 à 30 kilos tous les trois jours.

Yiwendenda Tiemtoré étale les fruits sur des pagnes dans son champ pour les trier.


Yiwendenda Tiemtoré étale les fruits sur des pagnes dans son champ pour les trier.

FANNY NOARO-KABRE/AFP

Chaque jour, Jacqueline Taonsaon vend cinq à six kilos de fraises.  Pas plus, car avec la chaleur, il est difficile de les conserver dans de bonnes conditions.


Chaque jour, Jacqueline Taonsaon vend cinq à six kilos de fraises. Pas plus, car avec la chaleur, il est difficile de les conserver dans de bonnes conditions.

FANNY NOARO-KABRE/AFP

Demande croissante

La culture de ce fruit qui aime autant le soleil que l’eau peut surprendre dans ce pays sahélien. Or, la production de fraises est estimée à 2 000 tonnes par an au Burkina. Et s’ils sont avant tout plébiscités par la clientèle locale, plus de la moitié sont exportés vers les pays voisins. Les fraises sont véritablement devenues l’or rouge du pays. « Nous recevons des commandes de l’étranger, notamment de Côte d’Ivoire, du Niger et du Ghana. La demande continue d’augmenter et les prix sont attractifs », rapporte Madi Compaoré, maraîcher et spécialiste des fraises qui forme plusieurs producteurs locaux. Durant sa période de production, les quatre premiers mois de l’année, les fraises se vendent en moyenne à 3 000 francs CFA le kilo (4,50 €), un prix élevé par rapport aux autres fruits et légumes.

« Nous recevons des commandes de l’étranger, notamment de Côte d’Ivoire, du Niger et du Ghana »

Culture artisanale

La superficie totale consacrée à la production de fraises au Burkina Faso était d’environ 58,5 ha en 2020 pour une production totale estimée à 2 035,8 t avec des rendements compris entre 20 et 35 t/ha (Papea, 2020). A titre de comparaison, en France, on cultive 3 900 hectares de fraises pour 73 800 tonnes (chiffres 2023). Les producteurs burkinabés, qui alternent fraises et céréales, privilégient les sols argileux pour les fraises qu’ils labourent manuellement, et produisent leurs propres graines. L’irrigation se fait par aspersion avec un arrosoir, l’eau étant puisée, lorsque les barrages s’assèchent, par des motopompes, dans des puits artisanaux. Le Camarosa (80 % des plantations), qui produit de gros fruits rouge foncé, semble le mieux adapté aux conditions agro-climatiques. Il y a quatre floraisons par an. Le Maroc, la Tunisie, le Kenya, le Sénégal et le Mali sont également producteurs de fraises.

A Ouagadougou, les fraises du Burkina Faso envahissent les étals des marchés locaux.


A Ouagadougou, les fraises du Burkina Faso envahissent les étals des marchés locaux.

FANNY NOARO-KABRE/AFP

L’irrigation se fait par aspersion à l’aide d’un arrosoir, l’eau étant puisée par des motopompes dans des puits artisanaux.

L’insécurité due aux violences jihadistes et aux bouleversements politiques dans ce pays qui a connu deux coups d’État militaires en 2022, n’a pas affecté la production, concentrée dans les deux principales villes du pays, Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. , même si « le secteur n’est pas très bien organisé », concède M. Compaoré.

Depuis les années 1970

Selon le Programme d’appui à la promotion de l’entrepreneuriat agricole (Papea) au Burkina, le chiffre d’affaires de la campagne fraise 2019-2020 s’est élevé à plus de 2 milliards de francs CFA (environ 3 millions d’euros).

Dans les années 1970, cette culture a été introduite « grâce à un expatrié français qui a ramené quelques plantes pour son jardin », raconte Madi Compaoré. Aujourd’hui, poursuit-il, de plus en plus d’agriculteurs se lancent dans cette culture : « C’est l’une des plus rentables tant pour les producteurs que pour les revendeurs. »

Les femmes trient les fraises avant de les emmener au marché.  La culture des fraises leur assure trois à quatre mois de travail dans les exploitations, entre janvier et avril.


Les femmes trient les fraises avant de les emmener au marché. La culture des fraises leur assure trois à quatre mois de travail dans les exploitations, entre janvier et avril.

FANNY NOARO-KABRE/AFP

La moitié de la production est vendue sur les marchés locaux, l'autre moitié est exportée.


La moitié de la production est vendue sur les marchés locaux, l’autre moitié est exportée.

FANNY NOARO-KABRE/AFP

Et il n’est pas rare que les primeurs en fassent une spécialité. Jacqueline Taonsa, commerçante, n’hésite pas à abandonner les pommes et les bananes pour les vendre en saison. A vélo, elle sillonne les quartiers de Ouagadougou, un grand saladier en équilibre sur la tête. Chaque jour, elle perd cinq à six kilos, pas plus. « Avec la chaleur, il est difficile de conserver les fraises longtemps. Nous prenons donc des quantités que nous pouvons vendre rapidement dans la journée. »

Marges de 200 à 300%

De son côté, Adissa Tiemtore, ancienne vendeuse de fruits et légumes, s’est reconvertie dans les pagnes tissés. Mais il a maintenu son commerce de fraises. Pas question pour elle de se priver de marges de 200 % à 300 % : « Je ne recommence que pendant la saison des fraises, pour gagner un peu d’argent et aussi pour mes anciens clients, qui continuent de me les commander. » Elle visite les producteurs pour s’approvisionner : « J’arrive à avoir de quoi vendre chaque jour pendant les trois/quatre mois de production. « .

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr
Bouton retour en haut de la page