Divertissement

Festival Off d’Avignon : 2024, un tournant ?

Festival Off d'Avignon 2024

Photo Jacky Godard / Photo12 via AFP

Le Festival Off d’Avignon a présenté son premier bilan. Une édition 2024 marquée, certes, par un contexte très particulier, mais où les tendances, notamment celles de précarité et de concentration, qui se dessinent pourraient s’accentuer.

Il y a dans chaque conférence de presse quelque chose d’un exercice de style. Le pré-bilan du Festival Off d’Avignon 2024, qui s’est tenu vendredi 19 juillet au matin, trois jours avant la fin de l’événement, n’a pas dérogé à cette règle. Il a réuni sur scène plusieurs membres des équipes d’AF&C : Marie-Claire Neveu (Mugwort Company) et Laurent Domingos (Les Mots, le Corps et la Note et co-président du conseil d’administration de l’AF&C) du collège des Compagnies ; Harold David (Théâtre Atypik et co-président du Conseil d’Administration de l’AF&C), Raymond Yana (Alya Space et secrétaire du conseil d’administration) et Pierre Lambert (Présence Pasteur) du collège des Théâtres. Le quintet a détaillé les chiffres de cette 58e édition, présenté ses « valeurs ajoutées »puis esquissé le « Les défis pour 2025 et les années à venir ». Tandis que le  » défis «  concernent notamment une harmonisation des dates des événements avec les « valeurs ajoutées » – on appréciera ce terme qui sent bon l’entrepreneuriat – énumérés différents dispositifs – comme les trains TER supplémentaires reliant Avignon à des villes du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône –, le contexte politique, ou encore les différentes animations du Village du Off. Mais ce sont les chiffres qui étaient les plus attendus.

Pour cette année 2024, le nombre de spectacles à l’affiche a augmenté : l’événement a réuni 1 709 spectacles et événements – une quarantaine ayant été ajoutée après la clôture du programme papier – proposé par 1 384 entreprises et joué dans les quelques 231 salles de 141 théâtres. Ce nombre vertigineux d’émissions signale un mouvement qui pourrait bien se généraliser : le doublement des créneaux de jeu.Les équipes n’ayant plus les moyens d’être présentes à Avignon – la location de la salle et tous les autres frais (hébergement, charges, salaires…) constituent un investissement extrêmement important, alors que la précarité s’accroît –, elles sont de plus en plus nombreuses à ne jouer que la moitié du festival, ou les jours pairs ou impairs. Du côté des genres, en revanche, rien ne change et c’est bel et bien le théâtre qui domine dans les classements de spectacles.Il en va de même pour le public : la majorité des spectateurs vient de France, que ce public acquière la carte Off dématérialisée (94% domicilié en France), passe par la plateforme Ticket’Off (90%) ou bénéficie d’accréditations professionnelles (91%).

Une baisse de fréquentation de 15 à 25 %

La comparaison du nombre de professionnels accrédités pour cette année 2024 – il faut noter que tous les professionnels ne sont pas accrédités – à celui de 2023 permet de se faire une idée de la tendance de cette 58e édition : alors que 2 507 professionnels étaient accrédités en 2023, ils sont 2 139 cette année. Et, si les chiffres ne sont pas encore définitifs, Les hypothèses prévoient une baisse de fréquentation de 15% à 25% par rapport à l’année dernièreAlors que près de deux millions de billets (1 955 000) avaient été vendus pour les 1 491 spectacles de 2023 – marquant une forte hausse de fréquentation par rapport à 2019, année de référence pré-Covid – AF&C table cette année sur 1 440 000 billets vendus en fourchette basse (pour 19 461 600 euros de recettes) et 1 635 000 billets en fourchette haute (pour 22 097 000 euros de recettes).

Une baisse liée, suppose-t-on, autant à l’avancement des dates du Festival en raison des Jeux olympiques qu’au contexte très particulier des élections législatives.. Comme l’a rappelé Laurent Domingos, « ces deux événements sont entrés en collision avec le modèle économique et l’écosystème de l’Off »La première semaine a été marquée par une « fréquentation extrêmement faible »ce qui a conduit à une « énorme asymétrie » – précision que, si la majorité des représentations Off ont débuté le 3 juillet, près de 25 % des spectacles programmés étaient visibles dès le 29 juin. « Quand on commence par une mauvaise semaine, le bouche-à-oreille passe difficilement, il y a peu de monde dans les rues et les équipes s’épuisent à distribuer des tracts. C’est dommage que la fin soit un peu en demi-teinte, et l’alignement des dates avec le In va remédier à cela, mais ce n’est pas du tout la même chose si le début est mauvais. »

Une première semaine « très spécial »

Et c’est peu dire que les échos des équipes artistiques soulignent l’étrangeté de ce festival.. Pour l’acteur Samuel Churininterprète dans Lettres à AnneC’est « le festival le plus spécial (qu’il a) Nous avons vécu. Au Transversal, qui est un théâtre permanent d’Avignon, la programmation a débuté le 29 juin. Nous avons galéré la première semaine, mais c’était une semaine très particulière, marquée par les élections. Il n’y avait personne à Avignon et nous avons appris par les hôteliers que de nombreux retraités qui avaient réservé pour cette semaine ont annulé pour cette raison.. Si le reste du festival s’est très bien déroulé pour l’équipe, dont le spectacle a affiché complet dès la deuxième semaine et continue de bénéficier d’un « Un formidable bouche à oreille », Samuel Churin souligne comment, à l’échelle mondiale, la manifestation « La première semaine a été sacrifiée »avant d’ajouter : « Le festival étant plus concentré en termes de jours, la fréquentation totale est logiquement plus faible ».

Ayant décidé de ne pas débuter les représentations à Présence Pasteur du (très beau) Salade, tomates, oignons porté par l’acteur Jean-Christophe Folly que le 3 juillet, la société Chajar Jams constate la même dynamique. Comme l’a détaillé l’administrateur et responsable de la production et de la distribution Jennifer Boullier : « L’affluence était vraiment importante, qu’il s’agisse du public professionnel ou non. » Quoi qu’il en soit, l’importance du bouche à oreille demeure, conduisant à de fortes ventes de billets. « de date à date. Si c’est un peu lent au tout début, avoir un festival raccourci (16 dates de représentation, NDLR) permet d’avoir de meilleurs gabarits et est moins fatigant pour l’équipe”.

Un Avignon comme les autres ?

Cette question d’endurance constitue également l’une des forces du festival, qui permet aux équipes de jouer sur la durée et ainsi de pouvoir peaufiner leur show.. C’est ce qui est évoqué Eva Zingaro-Meyeractrice membre du collectif Habemus papam avec Ferdinand Despy, Simon Hardouin et Justine Lequette. La jeune équipe ayant écrit, réalisé et interprété En une nuit a bénéficié de conditions particulières et avantageuses. Sa programmation à La Scala Provence était liée à son obtention du Prix Impatience 2023 et n’impliquait pas de location de salle – un poste budgétaire souvent extrêmement lourd pour les compagnies. Bien que l’équipe n’ait été présente que sur une partie du festival, souligne Eva Zingaro-Meyer « le plaisir de jouer neuf fois et de voir le spectacle se dérouler »Ayant débuté le 12 juillet, le collectif a également pu bénéficier du pic de fréquentation en plein festival. « On a le sentiment que le spectacle est reçu par le public, ce qui est un plaisir. Par rapport à la pression que peut générer Avignon, on vit donc le festival plutôt sereinement. »

Avignon 2024, alors, un festival pas comme les autres ? Selon Samuel Churin, un habitué de l’événement – ​​l’acteur ayant joué à la fois dans le In et le Off –, c’est finalement « Un Avignon comme un autre. Il y a des spectacles qui, grâce au bouche-à-oreille, se vendent vite et d’autres qui peinent. C’est immuable, et c’était aussi comme ça cette année ». L’acteur note néanmoins une tendance, liée au fait que « Les spectateurs sont éclairés. Ils ne veulent pas perdre leur temps avec des spectacles semi-amateurs ».

Cela entraîne une convergence du public vers « des théâtres hautement référencés. Le 11, le Train Bleu, la Manufacture, le Théâtre des Halles et – quoique dans une moindre mesure – la Factory – Théâtre de l’Oulle ont affiché complet très rapidement. Les spectacles qui y sont présentés sont très produits – et vu les prix des créneaux, ça ne peut être que très produit –, donc les programmateurs vont aussi beaucoup dans ces théâtres. Il y a aussi les théâtres bourgeois d’Avignon (le Théâtre du Balcon, le Théâtre des Béliers, le Chien qui fume) dont la programmation un peu plus classique et proche du privé – avec des spectacles qui finissent aux Molières – marche aussi bien..

L’écart entre ces lieux très identifiables et d’autres parfois plus petits, où  » Il faut se battre « tend donc clairement à s’élargir, et rien n’indique que ce mouvement ne puisse être attribué qu’au contexte très particulier de cette année. On ne peut que constater à quel point cette accentuation de la concentration vers certaines structures et des difficultés plus grandes pour les plus petites entre largement en résonance avec la situation actuelle de structuration du champ théâtral public. Et si le Festival d’Avignon n’était, finalement, que le miroir éternel de ce qui se joue dans et au théâtre ?

caroline châtelet – www.sceneweb.fr

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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