Festival de Genève : pour la 48e édition, du théâtre intense et des performances sur les scènes de La Bâtie
Du très grand au très petit, des machines infernales aux dialogues intimes : à Genève, le souhait d’un art vivant tous azimuts devient réalité.
Genève (Suisse), correspondance privée.
Les spectacles se succèdent et ne se ressemblent pas. Dans une trentaine de lieux de la métropole genevoise, La Bâtie invite à découvrir des esthétiques contemporaines venues de Suisse, d’Europe et d’ailleurs. On y retrouve des artistes récemment découverts et des noms confirmés, voire légendaires : c’est rien moins que la grande chorégraphe américaine Lucinda Childs qui a ouvert la programmation de cette 48 édition.et édition.
Pour sa deuxième semaine, cette polyphonie de formes a montré la scène comme un champ d’intensités, un lieu de dramaturgie à la limite de la déflagration ou carrément explosive. Il suffit de regarder la Comédie de Genève, Ophélie a du talentde la chorégraphe autrichienne Florentina Holzinger : commençant comme une parodie d’un concours de talents télévisé, le spectacle finit par dynamiter radicalement les cadres dramatiques et bienséants.
Une sorte d’orgie d’hélicoptères
Torse nu, un équipage de femmes pirates mêle des numéros de cirque ou de cabaret à quelques gestes chocs – endoscopie, mutilations, examen gynécologique. Le tout se termine par une sorte d’orgie d’hélicoptères, un grand déploiement de bruit et de moyens qui s’arrête un peu, après les affirmations performatives sur les corps féminins, ici montrés comme divers, souverains et entièrement libérés.
Au POCHE/GVE, changement de dimension : dans cette petite salle, la violence n’éclabousse plus, elle jaillit. Réalisé par Maya Bösch, Dans la solitude des champs de coton matérialise par une ligne de néons la tension invisible qui lie, autant qu’elle les oppose, le client et le dealer de la pièce de Koltès. Le premier (Fred Jacot-Guillarmod) assure qu’il ne cherche rien, l’autre (Laurent Sauvage) veut le convaincre du contraire, mais refuse de dire ce qu’il vend.
Comme Patrice Chéreau dans sa mise en scène de 1995, Maya Bösch place le public de part et d’autre d’une scène sous la forme d’une ruelle sombre. Les phrases s’insinuent brusquement dans le décor vide, les rapports de force se maintiennent puis se déplacent au gré des mots, plaçant au centre un texte que l’on entend d’autant mieux.
Du burlesque au triste
Plus loin, au Pavillon ADC, nous sommes à la limite du discours. Danseuse de la troupe La Ribot Ensemble (qui joue simultanément au festival sa brillante Juana Fictionprésenté à Avignon en juillet), la jeune Mathilde Invernon signe, avec Cloche d’extrémitéun geste d’une certaine singularité. Sur scène, elle et Arianna Camilli arrivent comme deux clowns en costumes gris, mains sur les hanches et ventre en l’air, dans des parodies d’hommes maladroits et sans vergogne – les « connards » désignés par le programme de la salle. Peu à peu, des bribes de gros mots sortent de leurs bouches immobiles, façon ventriloque.
D’abord burlesques, ces réminiscences d’hommes haïs, ainsi conjurées, finissent par s’ouvrir sur un soudain éclat de tristesse. A la fin, juchée sur des haut-parleurs ronflants, Mathilde Invernon pleure. Non pas parce qu’elle a été émue par son propre travail, mais parce que la tension corporelle exigée par cet exorcisme la fait pleurer. A Genève, on ne fait pas les choses à moitié.
La Bâtie – Festival de Genève, du 29 août au 15 septembre, infos : www.batie.ch/fr/pendant-festival. Cloche d’extrémité en tournée au Subs (Lyon), les 3 et 4 octobre ; Dans la solitude des champs de coton en tournée à La Filature (Mulhouse), du 15 au 17 octobre.
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