On ne saura jamais quelles voix manquaient au cinéaste iranien Mohammad Rasoulof pour que le jury du Festival de Cannes décerne sa Palme d’or à un autre que lui. En l’occurrence l’Américain Sean Baker pour Anora, une comédie rapide, mais pas fondamentale, sur une strip-teaseuse mariée au fils d’oligarques russes.
Lire aussi : Cannes 2024 : hommage à George Lucas, standing ovation… Temps forts de la cérémonie de clôture
Vendredi matin, dans la salle de conférence de presse du Palais des Festivals, il y avait une électricité qui faisait espérer une victoire de Les graines du figuier sauvage. Pour la plupart des journalistes présents, Cannes a enfin décroché sa Palme d’Or, après dix jours de compétition. C’était sûr, ça allait se jouer entre lui et Jacques Audiard dont la comédie Émilie Pérez était sur toutes les lèvres.
« Seulement » un Prix Spécial du Jury
C’est finalement un Prix Spécial du Jury qui a récompensé le grand film de Rasoulof qui raconte l’intrusion du mouvement Femmes ! Vie ! Liberté ! dans la famille d’un juge d’instruction de Téhéran. Ce thriller psychologique poignant est émaillé de vidéos de jeunes filles brûlant leurs voiles et de violences policières, véhiculées sur les réseaux sociaux iraniens lors des émeutes contre le régime déclenchées par la mort de la jeune Mahsa Amini, en 2022.
Vague d’émotion
« Mon peuple vit chaque jour sous un régime qui le prend en otage. » a rappelé sur scène le réalisateur qui a terminé son film dans la clandestinité et a fui son pays où il a été condamné à huit ans de prison et de flagellation. Une vague d’émotion parcourut les fauteuils en velours rouge. Et deux standing ovations ont salué cet homme courageux qui a rappelé que le cinéma peut aussi être une question de vie ou de mort.
Un Prix Spécial du Jury, c’est bien. Mais l’attribution d’une Palme d’Or aurait été un geste politique bien plus important. Surtout à la fin d’un festival censé dénoncer toutes les oppressions faites aux femmes. Et aux yeux du monde et des mollahs, la photo de George Lucas, le père de Guerres des étoiles, remettre la récompense suprême à Rasoulof, eût eu tant de force !