Ouvert en septembre 2009, l’hypermarché Odysseum ne fêtera pas ses 15 ans. Le 30 septembre, à 13 heures, le rideau tombera définitivement. Selon la direction nationale, des discussions sont en cours. Dans le magasin, les rayons sont dévastés. Personnel et clients, divisés.
« Non, pas de commentaires. » Dans l’allée centrale, ce jeudi en toute fin de matinée, les deux membres de la direction font des allers-retours, saluent le personnel. Ils perdent le sourire devant le journaliste. Aucun commentaire. Les rayons parlent d’eux-mêmes. Vides. Désertés. Très peu de produits à vendre. Et très peu de clients. Ceux qui sont là espèrent surtout profiter de la braderie.
« J’espère qu’il y aura un nouveau signe »
Comme Maëva, seule avec Mae, 1 an, dans une crèche dévastée : « C’est triste de voir le magasin comme ça. Je pense surtout au personnel. Avant, je venais faire mes courses, mais c’est devenu trop cher. Maintenant, je viens voir les soldes. Un dossard à -70 %, ça m’intéresse. » Marianne, quant à elle, se concentre sur l’alimentation : « J’habite au Millénaire, à deux arrêts de tram d’ici. J’espère qu’il y aura un nouveau magasin. Je viens ici depuis quatre ans, mais là, ils n’ont plus tous les produits du quotidien… Je suis dégoûtée, j’aime bien Casino. Avant, j’allais à celui de la Lyre, j’habitais là-bas. » Elle confie : « Je suis une ancienne caissière au Monoprix Comédie, je discute avec le personnel. Ils sont stressés, ils en ont marre. C’est déjà un métier difficile… »
« Depuis 1898. Ce n’est pas rien, en fait. »
Quelques employés s’affairent ici et là. Ils prennent le temps de discuter entre eux ainsi qu’avec les clients. Voyez le magasin comme ça, « C’est déchirant, explique Clarisse (nom d’emprunt), qui a perdu le compte de ses années de travail dans cet hypermarché. J’aime Odysseum, j’aime Casino. Nous étions la plus vieille marque commerciale française encore en activité. Depuis 1898. Ce n’est pas rien. Je suis attaché à Casino. On a vu que ça se détériorait, qu’il y avait de moins en moins de produits, de moins en moins de monde. La première fois qu’on nous en a parlé, c’était en décembre…«
« Les discussions sont toujours en cours »
Pas de reprise donc. Le lundi 30 septembre, le magasin fermera définitivement ses portes. La raison officielle, selon un porte-parole basé à Vitry : « le recentrage du groupe Casino sur les magasins de proximité ».
Les employés ont vu des marques concurrentes apparaître et disparaître. Mais rien ne s’est produit. Du moins pour l’instant. « Ces derniers mois, le groupe Casino, avec l’aide des élus locaux, a travaillé d’arrache-pied pour trouver un repreneur, C’est ce que dit la direction nationale à Midi Libre. Les discussions sont toujours en cours, mais à ce jour aucune offre n’a été finalisée. »
Et qu’en est-il des clients fidèles ? Ils peuvent utiliser le solde de leur cagnotte sur place d’ici le 30 septembre. Ils peuvent également l’utiliser dans « nos commerces de proximité (Casino shop, Le Petit Casino, SPAR et Vival) », écrit le porte-parole.
Depuis décembre, Clarisse a eu le temps de faire son analyse : « Il y a beaucoup de points noirs. Le loyer était exorbitant. Après, c’est un site à ciel ouvert, avec des escalators partout, mais on n’en a aucun qui vient directement chez nous. Quand il pleut des cordes, les clients n’ont pas le choix : soit ils attendent, soit ils sont trempés parce qu’à un moment, il n’y a pas le choix, il faut y aller. On n’a pas non plus de parking gratuit, au bout de deux heures il faut payer, c’est un facteur. Et surtout, on n’a pas de station-service. »
« Je saurai rebondir »
Ce que Clarisse va faire ensuite, elle ne le sait pas encore. Marie (nom modifié) est dans la même situation. Ou presque. Elle ne sait pas encore de quoi demain sera fait. Pourtant, elle s’avoue « Presque contente en fait que ça ferme. Je suis jeune, je vais m’entraîner et faire autre chose. Je vais pouvoir rebondir. C’est dommage, on s’entendait à 90 %. C’est une grande famille. C’est ça qui va me manquer : le lien qu’on avait les uns avec les autres au quotidien. »
« Quand je vois la boîte de Ricoré à 9€… »
Un peu plus loin, ce collaborateur n’a aucun scrupule. Est-ce qu’il ferme ? « C’est bien fait ! C’est catastrophique mais c’est bien fait. Quand je vois la boîte de Ricoré à 9 € alors qu’on peut la trouver ailleurs à 6 € et même moins… Des prix comme ça n’étaient pas tenables pour le client. Et ce n’était pas seulement à cause de l’inflation ou du Covid. »
Cruel. Mais un sentiment partagé par d’autres. Notamment par certains commerçants du centre commercial voisin qui ne faisaient pas leurs courses à côté de leur magasin, notamment à cause des prix. Reste désormais à trouver une vocation à ces 12 000 m2 de locaux.2 d’un espace commercial vide. Un trou béant.