« Nous nous attendons à ce que la BCE continue de baisser ses taux directeurs et de les maintenir en dessous de ceux de la Fed. » (Crédits : Réserve fédérale BCE)
Par Raffaele Prencipe et André Figueira de Sousa, gestionnaires de fonds obligataires chez DPAM
La Fed va-t-elle faire le premier pas vers de nouvelles baisses des taux d’intérêt alors que la BCE reste à un niveau élevé après une première baisse en juin ?
Nous nous attendons à ce que la BCE continue de réduire ses taux directeurs et de les maintenir en dessous de ceux de la Fed. Évidemment, l’ampleur des baisses sera plus importante aux États-Unis, car le point de départ des taux est plus élevé (5,375 % contre 4,0 %).
La Fed a un double objectif : assurer la stabilité des prix et maximiser l’emploi. Elle a récemment déplacé son attention de l’inflation vers le marché du travail pour guider sa politique monétaire. En effet, elle est devenue plus accommodante face au ralentissement de l’inflation et à la stabilisation du marché du travail. Elle est peut-être déjà en retard, ce qui augmente la probabilité d’une baisse de 50 points de base cette année.
En revanche, la BCE se concentre sur l’inflation, et notamment sur la croissance des salaires. Il est donc peu probable que la BCE adopte une attitude ouvertement accommodante et elle restera vigilante quant aux éventuels effets secondaires inflationnistes. Nous nous attendons néanmoins à ce que la BCE réduise ses taux en septembre.
Quel rôle jouent les données actuelles sur le marché du travail aux États-Unis et en Europe ?
Aux États-Unis, le marché du travail s’est stabilisé après une période post-crise très forte. Les offres d’emploi sont revenues à leurs niveaux d’avant la crise, les créations d’emplois ont ralenti et le taux de chômage est remonté à 4,2 %. Il est possible que les données se détériorent encore et que des coupes budgétaires soient à prévoir.
En revanche, l’emploi joue un rôle secondaire pour la BCE. Le taux de chômage actuel dans la zone euro est historiquement bas. La croissance des salaires a été élevée en raison des augmentations ponctuelles visant à compenser l’inflation ces dernières années. Cependant, le risque d’une spirale salaires-prix a considérablement diminué, ce qui renforce la confiance de la BCE dans le retour progressif de l’inflation à son objectif de 2 % au fil du temps.
Comment les différentes approches de la Fed et de la BCE affecteront-elles les marchés financiers ?
En théorie, les marchés devraient s’attendre à davantage de la part de la Fed, compte tenu de son soutien au plein emploi.
Les investisseurs pourraient privilégier les obligations américaines alors que la Fed devient plus agressive dans la réduction des taux d’intérêt, réduisant ainsi l’écart de rendement entre la dette souveraine américaine et européenne et influençant les flux de capitaux et les primes de risque.
Cette divergence de politique économique a également eu des répercussions sur le taux de change euro-dollar, l’euro se renforçant face au dollar alors que les marchés anticipent un ralentissement plus marqué aux États-Unis. Toutefois, cette vision est peut-être trop optimiste quant à la résilience de l’Europe. Les défis structurels, tels que la faible productivité, le vieillissement de la population et les pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs, laissent penser que l’économie européenne pourrait ralentir aussi rapidement, voire plus rapidement, que l’économie américaine.
Les attentes de baisse des taux pourraient-elles être exagérées et quelles pourraient être les conséquences possibles pour les investisseurs ?
La crainte que les marchés financiers aient intégré trop de baisses de taux de la part de la BCE et de la Fed est justifiée, mais nous ne partageons pas ce point de vue.
Les marchés anticipent actuellement un changement de politique monétaire, passant d’une politique stricte à une politique neutre. Il est toutefois également possible que les données économiques se détériorent encore davantage et justifient un changement plus important vers une politique monétaire plus accommodante.
Les tendances désinflationnistes devraient se poursuivre. À mesure que la croissance des salaires ralentit, le risque d’une spirale salaires-prix diminue, ce qui conforte les banques centrales dans leur confiance dans le retour progressif de l’inflation à son objectif de 2 % à moyen terme. Les taux d’intérêt nous semblent donc attractifs à ces niveaux.