Fécamp vous prend dans ses filets

« J’ai oublié de vous dire qu’à Fécamp j’avais vu le large à la pleine lune. Spectacle magnifique. Ces quelques mots signés par Victor Hugo à son épouse Adèle Foucher ne suffisent pas à résumer la beauté d’une des plus grandes villes de la Côte d’Albâtre. L’intérêt pour cette ville est souvent sous-estimé en comparaison avec Étretat et ses falaises, Dieppe et son château fort. Et pourtant, la ville chère à Guy de Maupassant regorge de lieux et de paysages tout aussi emblématiques, même s’il faut dire qu’en arrivant par la gare, le charme n’est pas immédiat. Le fast-food qui lui fait face, point de rencontre de nombreux jeunes de Fécamp, n’a pas de quoi faire rêver. Pourtant, quelques mètres plus loin, le long du quai Bérigny vers le port de plaisance, l’odeur de la friture laisse place à l’air marin, dont le parfum iodé chatouille délicatement les narines. Ce n’est qu’un avant-goût.
Sous le signe du poisson
Fécamp est indissociable de la pêche à la morue et au hareng. A partir du 16e siècle, les pêcheurs de Fécamp prennent la mer pour rejoindre les eaux glacées de l’île de Terre-Neuve, au large du Canada, dans l’océan Atlantique. Baptisés Terre-Neuve, ces morutiers sont partis des mois à la fin de l’hiver, laissant derrière eux leurs familles. Une absence notamment symbolisée sur la plage de Fécamp par une statue de pierre dite « En Attente » représentant une femme face à l’horizon et édifiée en 1953 par Georges Thurotte.
Pêché depuis des siècles, le poisson a longtemps fait la réputation de la ville, premier port morutier de France après la Seconde Guerre mondiale. Si la belle histoire (à approfondir au musée des Pêcheries) entre Fécamp et la pêche à la morue s’est terminée en 1987 avec la vente du dernier chalutier, le hareng reste un élément fondamental du lieu. Célébré chaque année en novembre lors des bien nommées fêtes du hareng, le poisson y est encore fumé de manière artisanale. Si le fumoir du Grand Quai, dernière saurisserie de Fécamp, a fermé ses portes il y a près de trente ans, les équipements et les locaux ont été restaurés et se visitent.
Une liqueur qui ravit le palais
Pour déguster du hareng toute l’année, il faut se rendre Chez Nounoute, sur la place Nicolas-Selle. Une véritable institution tenue par une femme de marin colorée. Au menu : fruits de mer, salade Fécampoise ou encore moules marinières. L’adresse La Table de Benoît, en centre-ville, vaut également le détour.
Autre étendard du rayonnement de Fécamp à travers le monde, la Bénédictine. La célèbre liqueur exportée sur tous les continents aurait été, selon la légende, inventée en 1510 à l’Abbaye de Fécamp par le moine bénédictin Dom Bernardo Vincelli. Mais pendant la Révolution française, la recette s’est perdue. En 1863, le Fécampois Alexandre Prosper Hubert Le Grand, industriel et négociant en vin, le découvre par hasard dans un des livres de sa bibliothèque. Il travaille alors à recréer le nectar qu’il baptise Bénédictine. Il fait construire le palais du même nom (situé rue Alexandre-le-Grand), d’inspiration néo-gothique et Renaissance, lieu de production qui abrite encore aujourd’hui la distillerie. L’histoire du breuvage est à découvrir au sein du palais, avec la visite du musée et des ateliers d’initiation à la fabrication de la Bénédictine jusqu’à sa dégustation.
Cap Fagnet, panorama époustouflant sur la mer et le port
Après quoi, une marche digestive s’impose en direction des falaises. Elles surplombent la ville et les plages de galets. Au nord, le Cap Fagnet, point culminant de la Côte d’Albâtre, culmine à 110 mètres et offre un panorama époustouflant sur la mer et le port. Ici, les traces de l’occupation allemande sont encore présentes, puisque les imposants blockhaus, systèmes de défense imaginés par l’ingénieur nazi Fritz Todt en 1942, sont ouverts au public. Au sud de Fécamp, le sentier des falaises mène à la vallée de Grainval, où se situe le « rocher qui pleure », une cascade d’eau douce jaillissant des falaises. Le lieu est également accessible depuis la plage de Fécamp. Il est conseillé de s’y rendre à marée basse et sans longer le rocher pour des raisons de sécurité. Le spectacle est tout aussi agréable.
Grb2