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faut-il vraiment craindre de voler à bord d’un Boeing ?

Plusieurs incidents impliquant des avions Boeing se sont produits ces derniers mois. Sans nier les responsabilités du constructeur, les experts appellent à relativiser.

Les temps sont durs pour Boeing. Depuis plusieurs mois, les incidents impliquant des avions de l’avionneur américain se multiplient. Rien que ces derniers jours, plusieurs vols opérés par les avions du constructeur ont connu des incidents plus ou moins graves.

A commencer par le Paris-Seattle d’Air France mardi. En raison d’une « odeur chaude ressentie dans la cabine », le Boeing 787-9 de la compagnie aérienne nationale a été détourné vers un aéroport canadien. Le lendemain, un Boeing 767 cargo de Fedex a été contraint d’atterrir sur son fuselage à l’aéroport d’Istanbul, alors même que le train d’atterrissage avant ne s’était pas ouvert. La séquence noire s’est poursuivie jeudi avec la sortie de piste d’un Boeing 737-300 à Dakar qui a fait onze blessés et l’atterrissage d’urgence d’un 777-200 d’Air France le même jour.

Ces incidents sont de plus en plus suivis et rapportés par les médias. Notamment depuis l’accident, le 5 janvier, d’un Boeing 737 MAX 9 d’Alaska Airlines aux Etats-Unis, lorsqu’une porte s’est détachée en vol. Début mars, un Boeing 777 a fait la une de la presse pour avoir perdu une roue de train d’atterrissage au décollage. Cette répétition des accidents est-elle le résultat d’un problème profond chez Boeing ou d’un simple effet loupe et d’un mauvais alignement des planètes ? « Un peu des deux », répond le consultant aéronautique Gérard Feldzer.

Lanceurs d’alerte

En avril, quatre lanceurs d’alerte, parmi lesquels des employés actuels et anciens de l’avionneur, ont témoigné devant une commission d’enquête du Sénat américain pour prévenir de « graves problèmes » dans la production des avions 737 MAX, 787 Dreamliner et 777.

« En 2019, j’avais décrit la production chaotique et le travail déplorable des autorités qui enquêtaient sur les deux accidents (de Lion Air et d’Ethiopian Airlines qui ont fait 346 morts en 2018 et 2019, NDLR). Rien n’a changé après les deux crashs, à moins que des mesures ne soient prises, toute personne montant à bord d’un avion Boeing court un risque », a déclaré Ed Pierson, ancien patron de Boeing, notamment sur le programme 737 MAX. De son côté, Boeing s’est défendu en se disant « confiant dans la sécurité et la durabilité » de ses avions.

Boeing n’est pas seul responsable

Trois des quatre modèles d’avions commerciaux fabriqués par Boeing font aujourd’hui l’objet d’une enquête du régulateur américain, la FAA. « Oui, il y a des défauts, mais il y a différentes causes. Cela ne remet pas en cause l’ensemble de l’entreprise», tempère Gérard Feldzer. Car Boeing n’est pas seul responsable : « Il faut distinguer les erreurs de conception, comme on l’a vu pour le 737 MAX, des erreurs de production qui incluent aussi les erreurs de fabrication des sous-traitants », ajoute l’ancien pilote de ligne.

En effet, les accidents de deux Boeing 737 MAX 8 en 2018 et 2019 étaient liés à un problème de conception du système MCAS censé protéger l’avion du décrochage. « Quand les Américains ont vu le succès d’Airbus avec l’A320 neo, c’était une course. Les ingénieurs de Boeing ont perdu de la puissance par rapport aux financiers et ont subi une pression folle pour sortir l’avion le plus vite possible », explique Gérald Feldzer. « Il y avait une logique financière, la volonté d’engranger un maximum de profits », complète Arnaud Aymé, spécialiste du transport chez Sia Partners.

Mais là encore, l’avionneur n’était évidemment pas le seul fautif, selon Jean Serrat, consultant aéronautique de BFMTV : « En 2016, lorsqu’ils (ont installé ce système MCAS), la FAA avait dit aux ingénieurs de Boeing : ‘Vous êtes aux commandes’ de le contrôler soi-même, de le certifier». La FAA, en raison de problèmes de personnel, n’a pas joué son rôle de régulateur indépendant.

Entretien des compagnies aériennes

L’incident d’Alaska Airlines en janvier – qui a fait quelques blessés légers – était dû à un problème de production. L’avion, un Boeing 737 MAX 9, a été livré en octobre. Le rapport préliminaire de l’Agence américaine de sécurité des transports (NTSB), publié le 6 février, révèle qu’il manque « quatre boulons destinés à empêcher le support du capuchon de monter vers le haut ».

Enfin, la troisième cause d’incidents, selon les experts, concerne les problèmes de maintenance. Et c’est le point commun de la plupart des incidents repérés ces derniers mois. Si les deux premières causes relèvent de la responsabilité de l’avionneur ou des sous-traitants, la troisième relève de la responsabilité de la compagnie aérienne. « C’est l’entreprise qui doit entretenir l’appareil. (…) C’est une cause d’incidents assez fréquente», constate Arnaud Aymé

« On a vu par exemple lorsque ce Boeing a perdu une roue au décollage que c’était sûrement un manque d’entretien de la part de l’entreprise », indique Gérard Feldzer, qui estime qu’« on ne peut pas condamner de la même manière le problème de conception de le 737 MAX, des incidents plus « fréquents » survenus ces derniers mois sur les 787 Dreamliner et 777.

« Si vous cherchez des problèmes, vous les trouverez »

Plusieurs experts appellent donc à relativiser face aux incidents qui semblent se multiplier chez Boeing. Depuis l’épisode du 737 MAX en 2018 et 2019, « il y a un effet de loupe qui fait que tout incident qui concerne Boeing est plus suspecté que s’il arrivait à Airbus », assure Arnaud Aymé.

« Chaque incident survenu à bord d’un avion Boeing cette année a fait la une des journaux, suggérant que les avions Boeing ne sont pas sûrs », notaient fin mars les analystes du gestionnaire d’actifs Bernstein. « La réalité est que le nombre d’incidents aux Etats-Unis sur des avions Airbus et Boeing jusqu’à présent cette année est proportionnel » à leur présence dans les flottes des compagnies américaines, ont-ils déclaré.

« Il n’y a pas eu un seul mort depuis plus de dix ans aux Etats-Unis, même si des millions de personnes prennent l’avion chaque année », a également déclaré Aboulafia à l’AFP. Mais « si vous cherchez les problèmes, vous les trouverez », poursuit-il, soulignant que des milliers d’avions volent chaque jour à travers le monde.

Par ailleurs, Airbus ne semble pas épargné par les incidents, y compris ceux de production, comme la présence d’un composant contaminé dans des pièces du moteur Pratt & Whitney, qui touche des centaines d’avions, cloués au sol pendant de longues périodes. mois. «C’est connu, mais en petit comité» car moins médiatisé, constate Bertrand Vilmer, expert aéronautique et consultant au cabinet Icare aéronautique. En tout cas, Arnaud Aymé assure qu’il ne faut pas avoir peur de monter à bord d’un Boeing : « Il faut moins avoir peur de monter à bord d’un Boeing ou d’un Airbus que dans une voiture ou à vélo. le transport aérien reste le plus sûr au monde.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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