Faut-il s'inquiéter de la vente du Doliprane par Sanofi à un fonds d'investissement américain ?
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Faut-il s’inquiéter de la vente du Doliprane par Sanofi à un fonds d’investissement américain ?

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Boîtes de Doliprane, en France, le 21 avril 2024. (AMAURY CORNU / AFP)

Ce changement de drapeau pourrait remettre en cause la volonté de souveraineté et de délocalisation de la production de drogue en France. De quoi renforcer les inquiétudes sur de potentielles pénuries à venir.

Doliprane devrait bientôt devenir américain. Sanofi a annoncé vendredi 11 octobre qu’il négociait avec le fonds d’investissement américain CD&R pour lui céder le contrôle de sa filiale de produits de gré à gré Opella. Cette dernière chapeaute une centaine de marques dont le populaire Doliprane, mais aussi Mucosolvan, Maalox et Novanuit… Un changement de pavillon pour le médicament le plus vendu en France qui suscite une vague d’inquiétudes.

« Nous ne laisserons pas Sanofi céder la production du Doliprane à un groupe américain »a réagi Charles Rodwell, député du groupe Ensemble pour la République, sur le réseau social macronia. Le nouveau locataire de Bercy retrouvera également celui de Laurent Wauquiez sur son bureau. Le président du groupe Droit Républicain lui demande « que l’État agisse pour protéger nos fleurons industriels et assurer la souveraineté sanitaire de la France ».

Un peu plus tôt, ce sont les députés du Nouveau Front populaire qui sont montés au créneau. « Il est impensable d’abandonner notre souveraineté sur la production de ce type de médicaments »a lancé le député insoumis Eric Coquerel, président de la commission des finances, pour garantir le «maintenir les sièges et les centres de décision sur le territoire national».

L’annonce de Sanofi semble contredire la volonté affichée d’Emmanuel Macron de « déménager » la production de certains médicaments en France. « Il y a un manque de cohérence et un manque de volonté politique. » critique l’économiste Nathalie Coutinet, spécialiste du secteur de la santé.

« D’un côté, on fait de grandes annonces de souveraineté et de l’autre, on laisse les laboratoires vendre à des fonds d’investissement étrangers. »

Nathalie Coutinet, économiste

sur franceinfo

Actuellement, le Doliprane est fabriqué dans les usines de Lisieux (Calvados) et de Compiègne (Oise). Mais l’annonce de Sanofi pourrait potentiellement changer la donne. « Le risque d’externalisation et les risques de pénurie associés sont encore plus grands si le choix des nouveaux actionnaires est de privilégier une autre zone géographique »prévient Nathalie Coutinet.

Un risque d’autant plus grand que les tentatives de délocalisation de la fabrication du principe actif du Doliprane n’en sont qu’à leurs balbutiements. Actuellement, le paracétamol est acheté à l’étranger, notamment en Asie. Mais une usine de fabrication de ce principe actif est en construction à Roussillon (Isère). « Que va devenir cette entreprise qui a été largement financée par l’État, avec des subventions publiques ? demande Nathalie Coutinet. « Les nouveaux actionnaires pourraient décider de continuer avec des principes actifs qui viennent d’Inde ou de Chine. »

Du côté des pharmaciens, nous observons également cette vente avec beaucoup d’attention. « Il va falloir être très vigilant. Si je dois dénoncer des choses, je le ferai. »assure Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Si le pharmacien refuse tout « procès d’intention » contre Sanofi, il souligne l’importance de trouver « une souveraineté française » dans la production de médicaments.

« Il y a quelques années, il y avait à la fois la grippe et une grosse épidémie de Covid-19. Lorsque la Chine a fermé ses frontières, nous n’avions plus rien. Je ne veux plus de ça.

Pierre-Olivier Variot, président du Syndicat des syndicats de pharmaciens d’officine

sur franceinfo

La décision de Sanofi pourrait également faire boule de neige. « Toutes les « big pharma » se retirent de leurs activités génériques et grand public »explique Nathalie Coutinet, qui cite notamment Novartis ou la tentative avortée du groupe Servier de céder sa filiale Biogaran. « Il y a un recentrage assez général des laboratoires pharmaceutiques sur leurs activités d’innovation »ajoute l’économiste. Une stratégie affichée par Sanofi depuis plusieurs années.

La raison ? « La rentabilité du Doliprane est un peu ‘pépère’, alors que si on sort un nouveau médicament, la rentabilité est exponentielle »note Nathalie Coutinet. Un argument de poids pour les entreprises « très financiarisé » et dont les principaux actionnaires sont des fonds de pension, explique l’économiste. « Derrière ces choix, il y a une pression sur la rentabilité. »

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