Faut-il se préparer à la guerre ? - La réponse de Patrick Artus
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Faut-il se préparer à la guerre ? – La réponse de Patrick Artus

Faut-il se préparer à la guerre ? – La réponse de Patrick Artus

Après la chute du mur de Berlin, les pays occidentaux ont estimé que les conflits armés deviendraient très peu probables, l’URSS n’étant plus perçue comme une menace. De fait, ils ont réduit très fortement leurs dépenses militaires : de 6,8 % du PIB en 1986 à 3,4 % du PIB en 2023 aux États-Unis, de 5,5 % à 2,2 % sur la même période au Royaume-Uni, et de 3 % à 2 % en France. Les dépenses militaires de l’ensemble des pays de l’Union européenne sont tombées à 1,5 % du PIB en 2016, avant de se redresser légèrement de 2020 à 2023, où elles ont atteint 1,8 % du PIB.

Mais aujourd’hui, la perception du risque d’un affrontement entre les pays occidentaux et la Russie, entre la Chine et les États-Unis, a été fortement revue à la hausse, avec la volonté russe d’unifier les territoires russophones et avec l’expansionnisme chinois en Asie du Sud-Est.

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Il est également devenu évident que le fait de disposer d’armes nucléaires ou d’être allié à un pays qui en possède ne constituait pas une dissuasion crédible, en raison de l’impossibilité d’utiliser des armes nucléaires compte tenu de leurs effets dévastateurs ; les pays occidentaux, et particulièrement les pays européens, ont compris qu’ils devaient disposer d’armes de dissuasion conventionnelles, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Il existe des exemples historiques où l’augmentation des dépenses militaires (avant la Première et la Seconde Guerre mondiale) a conduit à la guerre, mais il existe aussi des exemples où la dissuasion a empêché des guerres, de la fin de la guerre du Vietnam aux années 2010. Il ne s’agissait pas seulement de dissuasion nucléaire, mais d’un équilibre des forces conventionnelles. Aujourd’hui, si la Russie et la Chine font un effort significatif pour s’armer, et si les pays occidentaux ne font pas de même, cet équilibre sera rompu.


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Mais il reste à se demander si l’Europe est capable de faire un effort significatif pour réarmer et développer ses industries militaires. L’Europe est déjà confrontée à des besoins très importants d’augmentation de ses investissements (investissements nécessaires à la transition énergétique, à l’amélioration de la gestion de l’eau, à la relocalisation d’industries stratégiques – batteries électriques, semi-conducteurs, panneaux solaires, principe actif des médicaments) et de ses dépenses publiques de retraite et de santé, avec le vieillissement de la population.

Si l’on ajoute à cela une forte augmentation nécessaire (probablement de près d’1 point et demi de PIB) des dépenses militaires, un problème de choix et de financement apparaîtra. De 1986 à 2023, l’Europe a augmenté ses dépenses de protection sociale de 3 points de PIB et la réduction des dépenses militaires a permis à la pression fiscale de n’augmenter que de 2 points de PIB.

S’il faut trouver 5 points de PIB pour financer des investissements supplémentaires, des dépenses publiques et des dépenses militaires, et si les règles de la politique monétaire et budgétaire restent inchangées, le seul choix sera entre une augmentation massive des impôts et une réduction très significative de la générosité de la protection sociale. Le modèle social européen risque d’être mis à mal par la nécessité d’augmenter fortement les dépenses militaires.

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