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Fanny Fontan, réalisatrice : « Juger de l’urgence en étant soi-même dans l’urgence ? Absurde « 

Fanny Fontan, réalisatrice : « Juger de l’urgence en étant soi-même dans l’urgence ?  Absurde « 

La réalisatrice Fanny Fontan signe la quatrième saison de la série documentaire Greffiers officiels. Portraits d’avocats ainsi que de justice française, vus de Marseille.

Pour sa quatrième saison, la série documentaire Greffiers officiels installe sa caméra à Marseille. La deuxième ville de France est un concentré d’inégalités qui se rencontrent au carrefour des apparences immédiates. En suivant les traces de trois jeunes avocats qui défendent ceux qui n’ont pas les moyens de se payer un ténor du barreau, la réalisatrice Fanny Fontan (Comment vous dire au revoir, Quartiers nord avec Romain Fiorucci) porte un regard sur notre système judiciaire qui en dit long sur la ville et la société en général. Entretien.

Cette quatrième saison est présentée par France Télévisions comme se déroulant sur un territoire « fortement connoté et lourd de stéréotypes ». Pourquoi avez-vous accepté cette prise de conscience ?

Fanny Fontan

Directeur

Au début, j’ai refusé, d’autant plus qu’il provenait d’une production parisienne ! Mais, pour une fois qu’on peut demander à quelqu’un qui habite là-bas de nous parler de la ville, autant s’en emparer.

Que montre cette justice souvent expéditive ?

Il y a un effet amplificateur sur les dysfonctionnements sociétaux. Marseille, plus qu’une ville ouvrière, est une ville inégalitaire, et ces inégalités se voient dans le fonctionnement de la justice.

Les apparences immédiates sont-elles le miroir de la réalité de la ville ?

C’est là que nous voyons le coût de ce qui se passe dans la société. Notamment sur la question des stupéfiants. En une après-midi de comparution immédiate, les trois quarts des affaires qui suivent concernent ce sujet. Je me suis dit qu’on allait tomber dans un cliché, mais c’est aussi une réalité à Marseille.

Même devant les tribunaux, on parle de lutter contre l’économie parallèle. Mais en réalité, dans les quartiers les plus pauvres, c’est souvent le plus important : il n’y a pas d’emplois, pas de services publics, etc.

C’est un échec de la République. Nous avons abandonné ces quartiers et laissé s’installer une économie parallèle. Et cela remplit les tribunaux et les prisons. Elle mobilise la police, la justice, l’argent public… Combien de milliards d’euros sont dépensés aujourd’hui pour cette politique répressive ? Combien pour les opérations « fonds propres » ? Ce qui m’intéresse, c’est de montrer que ce sont surtout des petites mains que l’on voit défiler au bar.

Ces enfants, aliénés dans un système ultracapitaliste, se retrouvent immédiatement devant les tribunaux pendant que les donneurs d’ordre sont au soleil à Dubaï. De nombreux jeunes Marseillais prennent conscience du risque. Alors ceux qui se rassasient font venir de la main d’œuvre d’ailleurs, de Montpellier, de Paris. C’est une exploitation de ceux qui sont plus pauvres qu’eux, des chômeurs, des immigrés sans papiers…

On voit les dysfonctionnements de la justice sur le fond, mais aussi sur la forme : les conditions d’exercice sont déplorables.

La production a été choquée de voir l’état du tribunal de Marseille. Mais c’est une réalité. Il y avait des jours d’hiver où le chauffage ne fonctionnait pas, d’autres où il pleuvait dans les salles d’audience… Sans compter les moments où les logiciels ne permettaient pas d’accéder aux dossiers pour préparer les audiences. Nous jugeons l’urgence en étant nous-mêmes dans l’urgence. Il y a quelque chose d’assez absurde, mais montrer ce parallèle est révélateur.

« C’était intéressant de montrer ces jeunes avocats se débrouiller comme ils peuvent. »

Et pourtant ces avocats ne perdent pas pied, ils se battent pour leurs clients et leurs conditions de travail. Comment les avez-vous choisis ?

Ils faisaient écho à ce que je voulais raconter et à la ville. Ils sont combatifs, engagés, humains, résilients. Autant d’adjectifs qui collent parfaitement à Marseille.

Traditionnellement, la justice ne se filme pas, sauf en coulisses. Comment contourner la difficulté ?

La complexité d’un procès criminel ou d’une comparution immédiate est que la plupart des citoyens ne savent pas ce qui se passe lorsqu’ils sont pris dans les rouages ​​de la justice. Quand on est amené devant un juge, après vingt-quatre heures de garde à vue dans des geôles où ça sent la pisse, après avoir peu dormi, quand on n’est pas lavé, puis qu’on se présente aussitôt dans une salle d’audience, n’importe qui peut se faire écraser. Pour les plaidoiries, ils sont reconstitués devant la caméra, avec Pauline, Tiphaine et Nawel. C’était intéressant de montrer ces jeunes avocats se débrouillant comme ils peuvent.

Tiphaine dit qu’elle ne l’est pas « Je ne sais pas si cela a un réel impact, mais parfois ça aide ». Êtes-vous dans le même état d’esprit lorsque vous travaillez sur un sujet comme celui-ci ?

Ce qu’elle dit me touche en tout cas. Ils essaient de rendre un peu de justice, de faire respecter la loi pour tout le monde. J’aimerais faire entendre un message, sensibiliser. C’est ce qui me permet d’avancer dans mon métier.

Nominés officielssérie documentaire, diffusée sur France TV.

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