faits connus de la direction d'Emmaüs à la fin des années 1950 – Libération
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faits connus de la direction d’Emmaüs à la fin des années 1950 – Libération

faits connus de la direction d’Emmaüs à la fin des années 1950 – Libération
Affaire Abbé Pierrecas

Des documents exclusifs consultés par « Libération » démontrent que des personnalités importantes du mouvement étaient au courant des agressions sexuelles reprochées au religieux, et des risques de réitération, dès les années 1957-1958.

Depuis le début de la crise provoquée par les révélations des violences sexuelles commises par l’abbé Pierre, la direction du mouvement Emmaüs s’est enfermée dans un lourd silence. Ses proches et confidents, ceux des années 90 et 2000, comme son dernier secrétaire particulier Laurent Desmart, son ancien confesseur Jean-Marie Viennet ou encore l’ancien président d’Emmaüs France Antoine Sueur, affirment, comme un seul homme, ne pas ne pas avoir été au courant. des turpitudes des religieux. « Compte tenu de l’ampleur des faits et de leur époque, nous n’avons aucun doute : les faits n’auraient pas pu être complètement cachés du début à la fin. Par contre, on ne sait pas qui savait, qui savait quoi et quelle était leur place dans l’organisation. A ce jour, nous n’avons aucune trace d’une interpellation officielle des autorités du mouvement.», déclarait encore, le 9 octobre à l’hebdomadaire catholique Le pèlerinAdrien Chaboche, directeur d’Emmaüs International. Plusieurs documents d’archives consultés par Libérer Ils attestent cependant que la direction d’Emmaüs avait connaissance à la fin des années 1950 des faits reprochés à son fondateur.

« Des accidents à venir et peut-être des scandales »

A la suite de scandales, une crise majeure éclate en effet au cours de l’année 1957. Elle se traduit par l’internement, dans une clinique psychiatrique très chic en Suisse, de l’abbé Pierre, son exclusion de la gestion d’Emmaüs et le contrôle par procuration de sa banque. compte et sa messagerie personnelle. Les instances dirigeantes de l’association, son conseil central, gèrent conjointement avec l’Église catholique les conséquences de ces décisions drastiques. « Nous sommes tous (quand je dis tous, j’entends tous les dirigeants et membres de l’association Emmaüs jusqu’aux amis provinciaux engagés ou aux conseillers religieux que nous avons pu consulter) à considérer comme impossible le retour à une situation similaire à celle nous le vivons depuis plusieurs mois », » écrit, dans une lettre adressée à l’abbé Pierre le 27 décembre 1957, Yves Goussault, sanctionnant la mise à l’écart du fondateur. Cet intellectuel, sociologue de formation, investi dans les questions de développement, est l’un des premiers compagnons de l’abbé Pierre, l’une des personnalités marquantes, à cette époque, du mouvement.

C’est Goussault lui-même, comme il l’a dit au curé, qui était chargé de transmettre à sa fidèle secrétaire Lucie Coutaz, qui l’a connu dans la Résistance, les informations sur les violences sexuelles commises par l’abbé Pierre. « Concernant le conseil d’Emmaüs (…) seule Mlle Coutaz est restée à l’écart, mais cela était dû au fait qu’elle ignorait totalement les événements : j’ai pu m’entretenir longuement avec elle à plusieurs reprises.», décrit Goussault. Dans cette même lettre, le membre de la direction d’Emmaüs fait plusieurs allusions, sans s’étendre sur la question, au scandale provoqué par le comportement de l’abbé Pierre. Il mentionne ainsi «le risque que nous avons pris. Goussault mentionne également qu’il « J’ai reçu de multiples confidences pendant des mois » et que c’est lui « impossible de rester complice d’une telle situation. » Il a même peur d’être « responsable de futurs accidents et peut-être de scandales ».

Au Conseil d’Emmaüs, Goussault n’est pas le seul à être conscient des causes de la crise majeure de 1957-1958 et à participer directement à sa gestion. Au début de son internement à Prangins, l’abbé Pierre approuva, le 30 décembre, un protocole qui fixait les termes de son existence pour les mois à venir. Il lui est ainsi interdit de «retourner dans votre environnement habituel à Paris sans l’avis formel de votre médecin traitant» et ce dernier est le seul à décider »activités que l’abbé Pierre peut exercer« . Plusieurs personnalités ont contresigné le document qui Libérer a pu obtenir. Parmi eux, Georges Lilaz, le directeur du BHV qui fut l’un des premiers mécènes du mouvement et membre de son conseil central. Lui-même prend également ses distances avec Emmaüs à la fin des années 1950.

« Un retour au vieux chaos »

La stratégie de mise à l’écart de l’abbé Pierre s’est vite soldée par un échec. Au bout de quelques mois, le fondateur d’Emmaüs va remettre en question le protocole Prangins, reconstituer son secrétariat en Suisse grâce à l’aide de Lucie Coutaz et changer de médecin. Ce revirement inquiète fortement Yves Goussault pour l’avenir même d’Emmaüs. Dans une note confidentielle, datée du 20 septembre 1958, adressée au Conseil du mouvement qui Libérer a pu obtenir en exclusivité, il dénonce le risque de «un retour au vieux chaos« . Il remet en cause le rôle trouble de Lucie Coutaz qui a finalement été écartée de la direction car « elle a refusé de reconnaître les faits auxquels nous avons été brutalement confrontés.» «A ceux qui sont venus la voir, elle ne s’est jamais arrêtée répéter, ajoute Goussault, qu’il n’y avait que calomnies et manœuvres et que tout reprendrait rapidement sous la direction du « seul leader voulu par Dieu ». Nous avons fait preuve de patience et avons tout essayé.

Cet épisode important de la vie d’Emmaüs est-il simplement tombé dans l’oubli, justifiant l’attitude des dirigeants actuels ? Dans le mouvement, l’affaire ne semble pas totalement inconnue. Dans une lettre interne qui Libérer a pu consulter, un ancien responsable d’Emmaüs s’est prononcé, le 6 août 2024, contre ceux qui contestaient les accusations portées contre l’abbé Pierre. « De mon côtéelle écrit, Je savais depuis le début des années 2010 que les premiers faits remontaient à 1957, voire avant.»

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