Il y a trop de vin sur le marché. Les consommateurs s’en moquent, surtout le vin rouge. Ce constat a donné lieu au programme massif d’arrachage de vignes en France. L’objectif a été fixé à 100 000 hectares, soit 13 % du vignoble national, ce qui correspond à un excédent de 5 millions d’hectolitres.
La démarche, souvent vécue comme un crève-cœur par les vignerons, n’a pas encore attiré autant de bénévoles qu’il faudrait pour atteindre l’objectif souhaité. Malgré la prime de 6 000 euros par hectare.
« Sur la base des déclarations d’intention et des projections, on estime que 60 000 hectares de vignes seront arrachés et que cela ne suffira pas à éviter les excédents », explique Samuel Montgermont, vigneron et négociant de la vallée du Rhône. Le problème ne se limite pas à Bordeaux. Il touche tous les vignobles et dépasse les frontières.
Pas de retour en arrière
« Il ne faut pas se leurrer. Le déclin de la consommation de vin est bien réel. Plus d’un tiers des Français déclarent ne jamais boire de vin. On ne reviendra pas en arrière et on ne pourra pas irriguer les vignes là où elles en ont besoin. La société ne l’acceptera pas », affirme Samuel Montgermont, même si en 2024, le climat exécrable devrait suffire à éviter une surproduction avec d’importantes attaques de mildiou et d’oïdium stimulées par une humidité excessive.
A l’absence de consommation s’ajoute l’absence de relève pour de nombreuses exploitations, faute de rentabilité. « En Côtes-du-Rhône, on devrait produire 50 hectolitres par hectare. Souvent, on ne dépasse pas 38 hectolitres, ce qui est très insuffisant pour générer un revenu », explique Samuel Montgermont.
Surmenés, les sols sont fatigués et ont besoin de se reposer pour restituer la matière organique indispensable. La faible demande en vin constitue une opportunité de ce point de vue, selon les professionnels.
Plusieurs options
Toutes les régions viticoles réfléchissent à la manière dont les surplus de raisins pourraient être utilisés. Les coopératives, souvent plus touchées par les difficultés d’écoulement du vin, réfléchissent beaucoup à la manière de trouver de nouveaux débouchés. Les possibilités sont nombreuses.
L’industrie cosmétique, intéressée par les polyphénols et les antioxydants dont regorge le raisin, est l’une des pistes explorées. Des cépages pourraient être modifiés pour alimenter l’industrie cosmétique. Les moûts de raisin pourraient servir d’édulcorant dans certains jus de fruits, comme le jus de tomate. Des cultures alternatives comme l’olivier, le pistachier ou le grenadier commencent à voir le jour.
Rendre le consommateur moins inhibé
La manière dont nous envisageons le vin est également en pleine révolution. « Il faut rendre le vin moins complexe et le consommateur moins complexe », explique Samuel Montgermont. « Avec autant d’appellations, de terroirs et de cépages, nous avons érigé un mur entre nous et le consommateur. Les jeunes vignerons devraient penser à faire des vins faciles plutôt que de viser le Saint Graal. »
Une tendance commence à émerger avec une génération qui s’éloigne des appellations. Une manière de se démarquer et de s’affranchir d’une image. La rigidité du cahier des charges, par ailleurs établi par la profession, est perçue comme un frein à l’adaptation des vins au marché. De nombreuses discussions ont lieu pour les remettre au goût du jour.
Une grande réflexion est également en cours du côté des marques, qui vendent encore plus de la moitié des vins en France. La présentation par région pourrait disparaître au profit d’un classement plus simple par couleur. Les distributeurs, qui font des marges appréciables sur le vin, sont prêts à former des conseils. Différemment. Dans une direction plus créative sur le mode des « bar-tenders ».
L’idée de la canette
Les bouteilles pourraient aussi changer de look. Les vins capsulés n’ont pas convaincu, mais certains professionnels poussent l’idée d’autres présentations comme les canettes, plus adaptées à un public jeune. Une option qui est loin de faire l’unanimité.
« En France, dès qu’on casse les codes, c’est assimilé à de la mauvaise qualité », objecte Samuel Montgermont. La communication sur l’accord mets-vins est perçue comme un moyen efficace de développer la consommation, mais elle reste à développer.