Face aux objectifs rarement atteints des gouvernements français, des prévisions trop optimistes ?
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Face aux objectifs rarement atteints des gouvernements français, des prévisions trop optimistes ?

Face aux objectifs rarement atteints des gouvernements français, des prévisions trop optimistes ?

C’est un budget doublement sensible qui a été présenté par le gouvernement en Conseil des ministres jeudi 10 octobre. D’abord parce que l’exécutif n’a pas la garantie d’avoir une majorité à l’Assemblée pour le voter. Mais surtout par le caractère inédit de l’objectif : réduire les dépenses de 40 milliards d’euros, et augmenter les recettes d’un peu moins de 20 milliards. En ligne de mire, Michel Barnier espère réduire le déficit public (la différence entre les recettes et les dépenses de l’Etat) à 5% du PIB en 2025, puis à 3% d’ici 2029.

Restaurer la crédibilité financière de la France est d’autant plus important pour l’exécutif que ses annonces sont scrutées de toutes parts. Sur les bancs de l’Assemblée bien sûr, mais aussi par les marchés financiers et les agences de notation, comme Fitch, qui doivent réévaluer la note de la France vendredi. En théorie, une dégradation de la note due à des prévisions mauvaises ou peu crédibles peut avoir des conséquences sur les taux d’intérêt auxquels la France peut emprunter.

Pour juger de la crédibilité des prévisions sur l’état des comptes publics français, plusieurs experts les observent à la lumière de l’écart entre les annonces des années précédentes et le déficit public constaté a posteriori. Inspirée d’un graphique issu d’une étude du cabinet britannique Oxford Economics, largement partagé sur En raison de ses obligations européennes, la France présente chaque année, en avril, un programme de stabilité censé démontrer à la Commission européenne les efforts du pays pour retrouver un déficit inférieur au seuil fixé. marque fatidique des 3%. Car au-delà, Paris s’expose à des sanctions des procédures de « déficit excessif ».

Comme le montre le graphique ci-dessous, un déficit équivalent à 5% du PIB en 2025, comme promis par Michel Barnier, serait nettement supérieur aux prévisions de ces dernières années. Les programmes de stabilité transmis par la France à Bruxelles entre 2022 et 2024 (lignes pointillées grises ci-dessous) promettaient, pour 2025, un déficit compris entre 3,7 et 4,1% du PIB, et une baisse sous la barre des 3% à partir de 2027. Pour l’instant, c’est un échec. . Pour justifier le dérapage actuel, le gouvernement invoque des recettes fiscales inférieures aux prévisions et une augmentation des dépenses des collectivités locales.

visualisation graphique

En juillet, la Cour des comptes a jugé « irréaliste » les objectifs affichés d’ici 2027, estimant que  » depuis deux ans, chaque nouvelle trajectoire pluriannuelle apparaît ainsi plus fragile que la précédente. Il est crucial de ramener le déficit en dessous de 3% et de remettre la dette publique sur une trajectoire décroissante ; mais cet effort doit être entrepris sur sur la base de prévisions plus précises et plus crédibles que ce n’est le cas aujourd’hui.

Si l’on fait un zoom arrière sur ce même graphique et observe ces données depuis 2019, on constate que la France se remet à peine de la crise liée au Covid-19. En 2020, le déficit public a atteint un niveau sans précédent, à 8,9% du PIB, en raison des mesures d’urgence mises en place. « quoi qu’il en coûte ». À crise exceptionnelle, réponse exceptionnelle : l’Union européenne décide alors de suspendre ses règles de discipline budgétaire jusqu’en 2022.

En 2021, le déficit constaté par l’Insee, à 6,6 % du PIB, s’est toutefois révélé bien inférieur à ce qui avait été anticipé dans le programme de stabilité de cette année (9 %). Comme le montre le graphique ci-dessous, les prévisions faites en 2021 (pointillés gris) dépassent largement la courbe rouge du déficit finalement constaté. Pour Raul Sampognaro, économiste au département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), « les recettes fiscales en 2021 et 2022 ont été très importantes par rapport au niveau de croissance française ». Une embellie qui n’a pas duré, après la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine et à l’inflation qu’elle a provoquée.

Si l’on remonte encore plus loin, jusqu’en 2000, on se rend compte que les objectifs sont en réalité rarement atteints. Depuis près de 25 ans, le déficit n’est tombé sous la barre des 3 % que depuis trois ans, alors même que toutes les prévisions des programmes de stabilité étaient censées l’amener jusque là. La France n’a suivi la trajectoire prévue qu’à quelques reprises. Les rares années où elle a fait mieux qu’annoncé correspondent à des périodes post-crise, comme en 2010, après la crise financière de 2008, ou 2021, après le choc initial du Covid-19.

Certaines années, les prévisions envoyées à Bruxelles tablaient même sur un retour au déficit zéro, comme prévu en 2012 pour l’année 2016. En 2018, avant que le Covid-19 ne frappe, Bercy visait même un déficit négatif, à -0,3. % du PIB. C’est-à-dire des comptes publics excédentaires. Un scénario qui fait probablement rêver l’administration financière, mais que la France n’a pas connu depuis 1974, rappelle l’Insee.

Ce graphique illustre « le manque de crédibilité des programmes de stabilité présentés »qui ont « toujours attendu une amélioration rapide du solde public »constate le site Fipeco, créé par François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes. Ce qui tempère néanmoins : « Les programmes présentés depuis 2011 se rapprochent des équilibres observés par l’Insee sur les deux premières années de la période de programmation. »

En réalité, pour Raul Sampognaro, prévisionniste à l’OFCE, il faut comprendre comment sont calculées ces prévisions : à partir des tendances macroéconomiques, mais aussi de la politique budgétaire (aussi bien celle qui est mise en place dans l’année en question que celle qui est prévue ensuite). « Certains de ces écarts proviennent d’erreurs dans les prévisions macroéconomiques. Tous les prévisionnistes du monde se trompent sur la situation macroéconomique, qui est plus volatile et difficile à prévoir. »concède-t-il. En outre, « pressions extérieures »comme la création du Haut Conseil des Finances Publiques en 2012, a poussé les acteurs à « supprimer le biais optimiste de certaines prévisions »ce qu’on a pu voir dans le passé, rassure Raul Sampognaro.

Mais l’économiste est d’accord : « Il commence à y avoir un problème de crédibilité avec les comptes publics français. Nous entrons dans un nouveau monde, avec un gouvernement minoritaire et beaucoup de divisions à l’Assemblée. Si les discussions budgétaires tournent mal, les marchés financiers peuvent réagir extrêmement vite. « 

Venu lundi à Luxembourg pour présenter les nouveaux objectifs financiers de la France, le nouveau ministre des Finances, Antoine Armand, s’est voulu rassurant auprès de ses homologues de l’Union européenne. « Il s’agit d’une trajectoire sérieuse, crédible et ambitieuse pour notre pays afin de respecter pleinement les règles budgétaires de l’UE », a-t-il encore une fois promis. Paris avait jusqu’au 31 octobre pour présenter sa trajectoire pluriannuelle des finances publiques, initialement attendue le 20 septembre.

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