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« Face aux annonces de Gabriel Attal, l’UNICEF plaide pour le maintien d’une justice adaptée aux enfants »

Gabriel Attal à Viry-Chatillon le 18 avril 2024, jour de ses annonces
BERTRAND GUAY / AFP Gabriel Attal à Viry-Chatillon le 18 avril 2024, jour de ses annonces

BERTRAND GUAY / AFP

Gabriel Attal à Viry-Chatillon le 18 avril 2024, jour de ses annonces

TRIBUNE – Les récentes annonces de Gabriel Attal pour répondre aux violences des mineurs soulèvent des questions cruciales sur l’équilibre entre sécurité publique et respect des droits fondamentaux de l’enfant. L’approche envisagée par le gouvernement privilégie la répression au détriment de la protection et de la prévention et suscite des inquiétudes légitimes quant à son efficacité et sa conformité aux normes internationales relatives aux droits de l’enfant.

En tant que président d’UNICEF France, je ne peux qu’être profondément préoccupé par ces déclarations.

L’ordonnance du 2 février 1945 crée une justice spécifique pour les mineurs, fondée sur un équilibre entre mesures éducatives et mesures répressives. Depuis 1945, cet arrêté a été modifié une quarantaine de fois, et son évolution a conduit à l’instauration d’un nouveau code de justice pénale pour mineurs, entré en vigueur le 30 septembre 2021.

Il est intéressant de constater que, même si ces modifications successives ont été dans un sens plus sévère depuis la fin des années 1990, le principe de la primauté de l’éducatif sur le répressif a toujours été maintenu et même réaffirmé.

Nous appelons le gouvernement à reconsidérer sa stratégie et à placer les droits des enfants au cœur de ses actions.

Or, c’est précisément ce principe que contredisent les récentes annonces, même si le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a exhorté la France, en 2023, à aligner sa justice pénale pour mineurs sur la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. de l’enfant (CIDE).

Dans l’arsenal des lois et principes qui défendent l’intérêt supérieur de l’enfant, l’article 40 de la CDE proclame que les enfants, même lorsqu’ils sont soupçonnés ou reconnus coupables d’infractions pénales, doivent être traités avec la dignité qui leur est due, compte tenu de leur leur âge et favoriser leur réinsertion dans la société. Il est crucial que la France respecte pleinement cette recommandation de l’ONU et l’engagement qu’elle a pris.

Permettre la comparution immédiate dès l’âge de 16 ans, surtout quand on connaît les dysfonctionnements de cette procédure concernant les majeurs, est totalement contraire à l’exigence d’une justice de qualité, prenant en compte la spécificité des jeunes, leur histoire et leurs conditions de vie ; cette procédure serait également en totale contradiction avec le nouveau principe de césure du procès pénal introduit en 2021 par le nouveau code de justice pénale des mineurs, qui fixe un délai de 9 mois après la condamnation, justement pour constater la manière dont le jeune la personne a évolué au cours de cette période et en tenir compte lors de la détermination de la peine.

Nous plaidons pour une approche basée sur les droits de l’enfant, qui reconnaît la primauté de l’éducatif sur le répressif.

Envisager de supprimer l’excuse de minorité va également à l’encontre de l’ensemble du droit pénal des mineurs car cette garantie est précisément conçue pour prendre en compte la spécificité de la situation du mineur et adapter la réponse judiciaire en conséquence.

La mesure consistant à sanctionner les étudiants « perturbateurs » dans leur dossier Parcoursup, leur attestation, leur CAP ou leur baccalauréat est tout aussi inquiétant. Cette disposition aura un impact précoce sur le destin des jeunes, compromettant ainsi la promesse émancipatrice de l’école et leur droit essentiel à l’éducation et à l’égalité des chances.

Quant aux sanctions envisagées à l’égard des parents (travaux d’intérêt général, amende en cas de non-comparution, etc.), elles semblent tout autant émaner d’une vision exclusivement punitive de la justice et n’auront pour effet que de perpétuer un cercle vicieux. de marginalisation des enfants et de leurs familles, le plus souvent déjà en situation de vulnérabilité. Loin de les aider à surmonter les tensions et les difficultés familiales, ces dispositions risquent de les plonger davantage dans la précarité économique et sociale.

La CDE, en vigueur depuis 1989, oblige les autorités à protéger tout enfant, ce qui appelle à reconnaître que les enfants en conflit avec la loi sont eux-mêmes en situation de danger.

A l’UNICEF France, nous plaidons pour une approche basée sur les droits de l’enfant, qui reconnaît la primauté de l’éducation sur la répression. Nous savons que la délinquance juvénile trouve souvent ses racines dans des situations de vulnérabilité et est souvent le symptôme d’une négligence plus large dans la garantie des droits de l’enfant. Nous réclamons constamment une prévention et un soutien accrus aux familles, aux professionnels et aux jeunes auteurs de violences.

C’est justement cette approche qui manque aux annonces du Premier ministre, alors même que la prévention spécialisée et la protection de l’enfance en France sont dans un état alarmant, au point que certains enfants et parents doivent attendre plus de six mois avant de voir un éducateur intervenir suite à une mesure d’aide éducative prononcée par le juge ; même si la pédopsychiatrie et la médecine scolaire connaissent également une crise sans précédent (un psychologue scolaire pour 2000 élèves, etc.) et que l’accès aux soins de santé mentale s’avère totalement insuffisant.

Les mesures annoncées risquent de compromettre le traitement spécifique que les enfants soupçonnés ou reconnus coupables d’infractions pénales ont le droit de recevoir en vertu de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant.

C’est pourquoi nous appelons le gouvernement à reconsidérer sa stratégie et à placer les droits des enfants au cœur de ses actions. Cela nécessite une action concertée de la part de tous les coéducateurs adultes de l’enfant, y compris les professionnels de l’éducation, les parents et la société civile. En investissant dans des solutions basées sur la prévention, la protection et la réadaptation, nous pouvons construire un avenir plus sûr et plus juste pour tous les enfants de notre pays.

Leur avenir dépend de notre engagement.

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Cammile Bussière

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