Face au risque de voir « de grandes nations disparaître », World Rugby publie un rapport sur le climat « en contradiction avec le sport-spectacle »
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Face au risque de voir « de grandes nations disparaître », World Rugby publie un rapport sur le climat « en contradiction avec le sport-spectacle »

La fédération internationale a publié une étude alarmante sur les conséquences du changement climatique sur la pratique du rugby, alors qu’une nouvelle compétition entre 24 nations des deux hémisphères verra le jour en 2026.

France Télévisions – Éditorial Sport

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Le stade Raymond-Bourdon de Chinon (Indre-et-Loire), inondé après une crue de la Vienne, le 1er avril 2024. (GUILLAUME SOUVANT / AFP)

« C’est une première dans le monde du sport » se félicite Maël Besson. Spécialiste de la transition écologique, il a participé, au sein de l’agence Sport 1.5, à l’étude « Rugby et changement climatique : les impacts d’un monde à +2°C sur le rugby »publié par la fédération internationale World Rugby, mardi 4 juin. Ce rapport doit permettre aux instances internationales de se préparer aux conséquences du changement climatique, mais aussi d’accélérer les efforts vers un sport plus respectueux de l’environnement, en cohérence avec la « Stratégie environnementale 2030 » lancée. en 2022.

Cette étude intervient cependant moins de deux ans après l’intégration de cinq clubs sud-africains dans les compétitions européennes, et quelques mois après l’annonce de la création de la Coupe des Nations, qui réunira tous les deux ans 24 équipes nationales, multipliant les déplacements. entre les hémisphères nord et sud. « Nos modèles d’événements et d’organisation de championnats contredisent nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre »reconnaît Maël Besson.

Un avis partagé par Aurélien François, chercheur à l’Université de Rouen sur les questions de responsabilité sociale des organisations sportives : « Il y a une forte incompatibilité à vouloir augmenter, par exemple, le nombre d’équipes participant à une compétition et en même temps déclarer qu’on réduit son empreinte carbone. J’ai du mal à imaginer comment cela est réalisable.

Avant d’aborder les recommandations écologiques, le rapport, publié par World Rugby, identifie six risques climatiques susceptibles de toucher plus ou moins les dix pays étudiés : inondations des stades, fortes pluies et crues soudaines, températures élevées (supérieures à 35°C), sécheresses, humidité élevée, vents puissants et cyclones.

Le stade de rugby des Queensland Reds situé à Brisbane (Australie), inondé le 12 janvier 2011. (TORSTEN BLACKWOOD / AFP)

Dans ce scénario, chaque année, l’Afrique du Sud connaîtrait 15 jours supplémentaires de chaleur extrême, cinq des principaux stades de Nouvelle-Zélande pourraient être submergés, uUn tiers des 111 stades étudiés dans le monde seront exposés à des phénomènes cycloniques et tous les pays sont exposés à des sécheresses et des inondations plus fréquentes.

« Nous avons de grandes nations de rugby, comme les Fidji (11ème au classement masculin World Rugby)dont le territoire va disparaître avec la montée des eaux et le changement climatique », alerte Maël Besson. Les archipels du Pacifique, terrains de rugby vieux de plusieurs siècles, comptent parmi les territoires les plus exposés au changement climatique. Les capitales Apia (Samoa, 14e au classement World Rugby) et Nuku’alofa (Tonga, 15e) sont situées sur la côte, à moins de cinq mètres d’altitude, et les îles Fidji font face à des catastrophes de plus en plus violentes et fréquentes.

« Ce n’est que le scénario +2°C, donc le plus optimiste, dans le cas où on respecte l’accord de Paris. Ce sont des hypothèses plutôt conservatrices. Actuellement, nous sommes plutôt sur une trajectoire qui nous amène vers un réchauffement bien plus important que celui que nous envisagions dans le rapport. »

Maël Besson, spécialiste de la transition écologique pour Sport 1.5,

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Autres sujets de préoccupation : « Se pose la question de l’augmentation des périodes de sécheresse, qui vont rendre compliqué l’entretien des pelouses »indique celui qui a également travaillé avec le ministère des Sports et le WWF. « C’est particulièrement problématique au rugby, où on a besoin d’élasticité de la pelouse pour absorber les chocs, les plaquages… Si on a une pelouse trop sèche, on augmente le nombre d’accidents et on ne peut plus jouer. « . Déjà en 2022-2023, 350 matches ont été annulés ou reportés en France en raison des conditions climatiques, selon la Fédération française de rugby.

World Rugby n’hésite pas à imposer des objectifs chiffrés, notamment via son plan « Stratégie Environnementale 2030 », lancé il y a deux ans. Avec des annonces plus ou moins concrètes : « appliquer les principes de l’économie circulaire », « Réduire les articles à usage unique de 80 % d’ici 2027 », « réduire l’empreinte carbone des événements d’au moins 50 % d’ici 2030 »

Toutefois, cinq équipes sud-africaines ont rejoint les compétitions européennes la même année, et World Rugby a récemment validé la création de la Coupe des Nations, qui réunira tous les deux ans à partir de 2026 24 équipes nationales des deux hémisphères. « C’est complètement antithétique avec les déclarations liées à la réduction de l’empreinte carbone »tranche Aurélien François.

Un match international entre deux équipes éloignées émet environ quatre fois plus de tonnes d’équivalent CO2 qu’un match national, selon le rapport « Decarbonize Stadiums » du Shift Project. « 65 % de l’empreinte carbone des événements sportifs provient des déplacements des spectateurs »acquiesce le docteur de l’Université de Rouen.

« Mathématiquement, une grande partie du transport aérien ne rentre pas dans les limites planétaires et entre en conflit avec les objectifs d’atténuation et la survie même de la pratique sportive.regrette également Maël Besson. Nous sommes toujours dans le modèle du sport-spectacle où nous multiplions les événements internationaux. » Un modèle qui accélère peut-être sa propre chute. « Les dirigeants se retrouvent très vite confrontés à des choses inconciliablesombre Aurélien François. Le système est à blâmer. Un président de fédération, par exemple, est jugé en fin de mandat sur son bilan économique, sa capacité à augmenter le nombre de licenciés… On est déjà dans une perspective de croissance. »

« Le sport ne sera pas forcément la priorité dans un monde à +4°C. (…) Les sports, qui seront encore là demain, seront ceux qui auront intégré le contexte climatique et social, et qui auront évolué avec les conséquences du changement climatique.

Maël Besson, ancien porte-parole sportif du WWF

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En attendant sa transition volontaire ou forcée vers un modèle moins polluant, le rugby professionnel se prépare aux conséquences du changement climatique, avec une panoplie de solutions technologiques (arrosage souterrain, isolation des bâtiments) et organisationnelles (calendrier, horaires des matchs).

« Nous serons obligés d’adapter notre façon de pratiquerestime Maël Besson. Il y a des moments où nous déconseillerons de faire du sport aux amateurs car il fera trop chaud ou trop humide et ce sera dangereux pour la santé. (…) On peut aussi imaginer qu’il y a des périodes où l’on est plutôt dans le format ‘touch’ (sans plaquage) pour éviter les chocs sur des sols trop rigides. »

S’adapter pour survivre, le mot d’ordre d’un sport qui va subir de plein fouet les effets du changement climatique : « Il est certain qu’il n’y a pas de véritable solution à la montée des eaux dans les îles du Pacifique et le problème est : où vont-ils migrer ?

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