Face au « danger », l’avionneur lance une chasse aux coûts et un gel des embauches
Vague de froid dans la division aéronautique d’Airbus. Depuis quelque temps, nous nous éloignons de nos objectifs. Pour le dire plus simplement, notre trajectoire est en danger. « , prévient Christian Scherer, PDG d’Airbus Commercial Aircraft dans une lettre adressée aux salariés le 12 juillet, révélée par l’agence Reuters et que La galerie a pu consulter.
Pour se remettre sur les rails et rester le premier avionneur mondial face à l’historique Boeing et à l’ambitieux chinois Comac, Airbus a lancé un vaste programme d’amélioration des performances, baptisé LEAD!. Le plan sera officiellement présenté aux représentants du personnel en septembre, mais les grandes lignes ont déjà été définies par le patron de la branche Commercial Aircraft, la plus importante du groupe Airbus : « économiser 2024 en termes de livraisons et d’écarts de coûts, saisir les opportunités de croissance et maximiser notre montée en puissance et améliorer notre efficacité (opérationnelle, organisationnelle, projets) ». Il est précisé qu’il sera appliqué « dans toute l’entreprise, à tous les niveaux. »
Gel du recrutement de cols blancs
La recherche de contrôle et de réduction des coûts par la rationalisation de l’organisation et des processus est une démarche courante dans l’industrie aéronautique. Mais il est beaucoup plus surprenant de voir que l’avionneur a initié une limitation des effectifs, » ce dernier représentant une part importante de la base de coûts « , même s’il est en plein essor.
Airbus compte recentrer ses troupes sur la réussite de cette augmentation de production et la sécurisation des livraisons. Pour cela, il compte « arrêter les projets internes non critiques « , » initier la mobilité interne vers les activités essentielles « , précise un porte-parole du groupe. Même si aucun plan social n’est à l’ordre du jour, selon les informations de La galerieun gel des embauches pour les cols blancs (notamment dans l’ingénierie) a été annoncé par la direction et au niveau des cols bleus (production) le groupe entend adopter une stratégie de recrutement raisonné.
Il s’agit d’une véritable pause après deux années de vastes campagnes d’embauche. En 2023, le géant de l’aéronautique avait réalisé 13 000 créations nettes d’emplois dans le monde au niveau du groupe. Airbus Commercial Aircraft représentait à lui seul 60 % des postes ouverts. Interrogé sur les recrutements pour cette année par La galerie En février dernier, lors de la publication des résultats annuels, Guillaume Faury déclarait : » D’ici 2024, nous devrions embaucher la moitié de ce que nous avons fait l’année dernière, selon des estimations prudentes. »
« Les employés surpris »
Ce nouveau projet a été accueilli avec étonnement dans les rangs du constructeur. C’est encore une surprise pour la plupart des salariés car le groupe gagne encore beaucoup d’argent et on ne s’attendait pas forcément à ce que la direction annonce un plan d’économies de cette ampleur. « , commente Hervé Pinard, coordinateur CFDT chez Airbus.
Florent Veletchy, coordinateur CFTC du groupe Airbus, a reçu des réactions assez mitigées à ces annonces : « Certains qui travaillent dans les opérations et la livraison des aéronefs disons « super », on va allouer des ressources à mon équipe. Quand d’autres, au contraire, ont peur de devoir chercher un autre emploi si leur projet est annulé. »
Le syndicaliste comprend les raisons qui ont poussé la direction à lancer ce plan :
« Airbus gagne un peu d’argent quand un avion est commandé, mais surtout quand il est livré. Donc livrer 30 avions de moins crée des problèmes de trésorerie importants. Le fait qu’il n’y ait pas de plan social est rassurant. Cependant, la réorganisation va affecter des milliers de projets au sein d’Airbus. Cela pourrait perturber beaucoup de salariés et nous serons prudents sur la manière dont les salariés sont traités. »
Une chaîne d’approvisionnement en difficulté
En effet, le 24 juin, Guillaume Faury, Président exécutif du groupe Airbus, a annoncé une révision à la baisse des objectifs de livraison d’avions affronter « à des problèmes spécifiques de chaîne d’approvisionnement en cours, principalement dans les moteurs, les aérostructures et les équipements de cabine ». Le constructeur aéronautique européen vise désormais 770 appareils livrés en 2024, là où il en avait prévu 800.
Et ce pendant que leL’avionneur européen a brûlé beaucoup de cash pour se donner les moyens d’augmenter sa production. Il a ainsi brûlé 1,8 milliard d’euros au premier trimestre 2024, soit le double du montant de la même période l’an dernier.
» La bonne nouvelle est que nous sommes sur une courbe de croissance solide. La demande pour nos produits reste élevée et notre montée en puissance est pleinement justifiée… La mauvaise nouvelle est que certains fournisseurs majeurs nous ralentissent et que nos efforts pour accélérer nos activités principales se sont révélés insuffisants pour nous permettre d’atteindre notre ambition. Cela nous a conduit à communiquer au marché une révision à la baisse de nos prévisions. C’est une grande déception pour nous tous, en tant que leader de l’industrie aéronautique commerciale. « , analyse Christian Scherer.
Par ailleurs, compte tenu des difficultés rencontrées en parallèle par la division spatiale, le groupe a également revu à la baisse ses objectifs financiers pour l’exercice en cours. La prévision de résultat opérationnel ajusté passe ainsi d’une fourchette comprise entre 6,5 et 7 milliards d’euros à un objectif de 5,5 milliards d’euros.
A long terme, Airbus reste toutefois confiant et table toujours sur un doublement de sa flotte dans les vingt prochaines années. Dans son Global Market Forecast publié aujourd’hui, il a même revu légèrement à la hausse ses chiffres par rapport à l’année dernière et prévoit une flotte mondiale de plus de 42 000 appareils en 2043.