Face à un cacao de plus en plus cher, le « faux chocolat » peut-il devenir une alternative crédible ?
A moins de trois semaines de Noël, franceinfo s’intéresse au chocolat et notamment aux prix du cacao qui s’envolent. Face à l’explosion des prix, une entreprise allemande a créé Choviva, un chocolat… sans cacao.
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Comment s’adapter à un chocolat toujours plus cher ? Sur les marchés mondiaux, une tonne de cacao coûte actuellement environ 10 000 euros. Le prix a plus que doublé en 2024, suite aux mauvaises récoltes au Ghana et en Côte d’Ivoire, les deux principaux pays producteurs. La situation est telle que les scientifiques ont découvert comment fabriquer du chocolat sans cacao. Le produit est même déjà en vente en Allemagne, notamment dans une grande chaîne de supermarchés.
Ce faux chocolat a été développé par Planet A Foods, une start-up allemande. Fondée il y a trois ans à Munich, cette entreprise emploie 60 personnes. Jessica Karch révèle la recette du Choviva, qu’on ne peut pas appeler chocolat sans cacao. « A la place des fèves de cacao, nous utilisons des graines de tournesol, biologiques et locales.décrit-elle. Les étapes de fabrication sont en fait les mêmes que celles du chocolat normal, c’est-à-dire la fermentation et la torréfaction, ce qui donne le goût du chocolat. »
L’ambition n’est surtout pas de remplacer le chocolat, mais de proposer une alternative. « La production de cacao est menacée par le réchauffement climatiqueexplique Jessica Karch. Si on continue comme ça, il n’y en aura plus. Nous sommes convaincus qu’il faut proposer autre chose, notamment pour les produits de masse, comme les biscuits ou les barres chocolatées. »
« Choviva permet de réduire de 80 % les émissions de CO2 car les champs de tournesols sont sur place. Cela plaît à de nombreux partenaires et consommateurs.
Jessica Karchsur franceinfo
Les contrats se multiplient avec des enseignes de supermarchés en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Le produit devrait arriver en 2025 en France. Mais les 2 000 tonnes produites ne représentent qu’une goutte d’eau dans l’océan par rapport à la demande mondiale de vrai chocolat. Cette quantité représente 0,04% des cinq millions de tonnes de cacao consommées chaque année dans le monde.
En France, on ne se prive pas de manger du chocolat. Chaque Français mange en moyenne 7 kg par an. Alors face à la flambée du prix du cacao, la plupart des chocolatiers traditionnels répercutent cette hausse sur leurs prix. « Il le faut, sinon ça va mal tourner pour moi »témoigne Christophe Bertrand, propriétaire d’une chocolaterie à Savigny-sur-Orge dans l’Essonne, au sud de Paris. Il confirme avoir dû augmenter ses prix d’environ 10 %.
A la tête d’une petite chaîne appelée Reines Astrid, comptant quatre magasins en région parisienne, il met tout en œuvre pour contenir la hausse. « Pour m’adapter, j’ai dû acheter environ une tonne de beurre de cacao en janvier, car ce n’était pas cher et je savais que ça allait augmenter. Mais pas au point d’augmenter. » dit Christophe Bertrand.
« On était à 9 euros le kilo en janvier, aujourd’hui on est à 30 euros le kilo. »
Christophe Bertrand, propriétaire d’une chocolateriesur franceinfo
Mais ces prévisions nécessitent des liquidités : « Par exemple, sur le cacao, j’en ai envoyé 20 000 euros au Cameroun en juillet, pour préacheter environ trois tonnes de cacao, parce que j’en ai besoin et parce que c’est le seul moyen de le rendre un peu moins cher pour moi. »confie le patron.
Pourtant, pour Christophe Bertrand, également secrétaire général de la Confédération des chocolatiers et confiseurs, il n’est pas question de remplacer le cacao par du faux chocolat. Il ne croit pas du tout à la fin de la production : « Depuis les années 2000, on nous dit d’être prudent, il n’y aura plus de cacao. Un producteur de cacao produit environ 300 kilos par hectare, avec une moyenne de trois hectares. Et ce producteur de cacao, si on l’entraîne à mieux tailler ses arbres, on peut produire deux ou trois cacao de plus. Donc avant qu’il y ait une pénurie, franchement, il faudra du temps. »
Christophe Bertrand retrouve son laboratoire en préparation de Noël : les fêtes de fin d’année représenteront jusqu’à 40 % de son chiffre d’affaires.
La grande majorité du chocolat est vendue en grande surface. Les grandes marques répercutent également cette hausse du cacao dans leur prix, mais dans une moindre mesure. La barre chocolatée a augmenté en moyenne de 8 % en un an, selon l’institut Nielsen IQ, spécialisé dans la surveillance des prix à la consommation. Il existe également tous les produits chocolatés dont la teneur en cacao peut être très réduite.
« Vous avez des produits chocolatés, attention ce n’est pas du chocolat, et on peut avoir des taux de cacao inférieurs à 20%explique Xavier Terle, président de ProteinXTC, spécialiste de l’agroalimentaire. Ce sont des produits à l’anglaise, si j’ose dire, avec un niveau de chocolat qui n’est pas du tout le même. Sur les produits bas de gamme, l’impact de l’augmentation du cacao est moindre car il y a tout simplement moins de cacao dans le produit. » Certains espèrent surtout que la crise n’a été que cyclique, liée aux aléas climatiques et que les prix du cacao reviendront à la normale en 2025.