Dans le cadre luxueux d’un palais près de Sintra, non loin de la capitale portugaise, l’ombre des élections françaises planait sur le séminaire annuel de la Banque centrale européenne (BCE), qui se déroulait du lundi 1euh le mercredi 3 juillet. Officiellement, pour reprendre les mots de Christine Lagarde, sa présidente, l’institution monétaire se contente d’être » vigilant « . Au cours des différents panels de discussion, le sujet n’a été abordé qu’indirectement. Pas un seul mot politique n’a été prononcé. Mais lors des pauses café, des déjeuners et des visites des châteaux de la région, la question était sur toutes les lèvres : « Mais que se passe-t-il en France ? »
La BCE sait qu’elle pourrait être appelée à intervenir si la panique s’empare des marchés financiers après l’arrivée d’un gouvernement du Rassemblement national, ou en l’absence de majorité. Mais elle se trouve face à un dilemme, résumé ainsi par un financier présent dans l’assistance (il a requis l’anonymat car le fonds pour lequel il travaille ne l’autorise pas à s’exprimer publiquement) : « Soit la BCE envoie le message qu’elle n’interviendra pas, et cela risque de générer un mouvement d’inquiétude sur les marchés ; soit elle fait savoir qu’elle est prête à intervenir, et cela risque de donner carte blanche à un gouvernement français pour faire n’importe quoi. »
Mmoi Lagarde s’est tout simplement permis une déclaration volontairement ambiguë : « La Banque centrale européenne fera ce qu’elle doit faire. Notre mandat est la stabilité des prix, qui dépend à son tour de la stabilité financière. Nous sommes attentifs car c’est notre travail. » En privé, elle refuse d’en dire plus. Pas question de s’exposer à une éventuelle polémique, à quelques jours du second tour des législatives.
Dans ces conditions, les dirigeants de la BCE semblent osciller entre fermeté, attentisme et silence. « Nous ne pouvons pas envoyer le message qu’un gouvernement peut faire ce qu’il veut »insiste le gouverneur d’un pays « frugal »c’est-à-dire très attentif à ses finances publiques. « Nous devons être prêts à intervenir »rétorque un second, venu d’un pays méditerranéen. Qui ajoute, en guise d’explication : « Si quelqu’un meurt d’une crise cardiaque, nous le sauvons d’abord. Ce n’est qu’après que nous le mettons au régime. »
A l’écoute de ces avis plus ou moins contradictoires, un message semble émerger des huit gouverneurs de la BCE (sur vingt-six) à qui Le monde En cas de panique financière qui se propagerait dans toute la zone euro, la BCE interviendra, mais elle a la ferme intention de laisser dans un premier temps les marchés libres de sanctionner un gouvernement français s’il annonce des dépenses jugées inconsidérées. « Beaucoup de gens disent qu’il serait bon que la France ait un peu peur »« Cela pourrait être une manière d’envoyer un message au gouvernement français, mais aussi à tous ceux de la zone euro : le respect des règles budgétaires n’est pas facultatif », résume un ancien banquier central présent sur place. « Nous savons que les marchés ont un rôle à jouer dans la discipline budgétaire, et nous ne détruirons pas ce rôle. »explique Yannis Stournaras, le gouverneur de la banque centrale grecque.
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