L’épargne des ménages n’a jamais été aussi importante et pourtant la valeur de leurs actifs financiers n’a augmenté que de manière imperceptible (+1,4 % entre fin 2019 et fin 2023) une fois corrigée de l’inflation. Comment résoudre ce paradoxe ?
Les comptes financiers nationaux établis par la Banque de France sont juge de paix pour connaître l’évolution des actifs. Elle se décompose en celle qui naît des flux d’épargne financière et celle qui relève de la revalorisation des biens constituant le patrimoine.
Des évolutions hétérogènes
Le flux des investissements financiers des ménages a fortement augmenté. Durant la décennie 2010, ils étaient de 107 milliards d’euros par an en moyenne. De 2020 à 2023, ils sont passés à 181 milliards par an. Ces flux très élevés ont permis une augmentation du stock d’épargne de 12,5%. Cette augmentation elle-même se compare à une inflation cumulée sur la période de… 12,7 %. La hausse des prix équivaut donc à l’augmentation de la richesse qui proviendrait des seuls flux d’investissement.
De son côté, la réévaluation des actifs financiers des ménages a permis de les augmenter de 1,7% depuis fin 2019. Surtout, les actifs ont connu des évolutions très hétérogènes. Commençons par celui qui a la masse la plus importante : les dépôts effectués par les ménages.
Ceux-ci ont attiré 57 % des flux d’investissements entre 2020 et 2023 (contre 44 % dans les années 2010). Ces dépôts ne sont sujets à changement de valeur qu’en proportion des intérêts qu’ils produisent lorsqu’ils sont capitalisés. Cependant, même si l’inflation a ralenti, elle reste supérieure au taux moyen qui rémunère les dépôts. Cette dernière est de 1,87% début 2024. La rémunération des dépôts n’efface donc pas leur perte de valeur réelle provoquée par l’inflation.
Le lourd poids des obligations
Passons ensuite aux actions et participations qui font partie du patrimoine des ménages. Ceux-ci se sont fortement réévalués, gagnant 16 % depuis fin 2019. Mais, dans le même temps, la valeur du troisième grand type d’actifs a baissé.
En effet, les titres des assurances-vie ont perdu 8,5% de leur valeur. Ces titres sont constitués en grande partie d’obligations dont le cours a baissé à mesure que leurs taux ont augmenté depuis 2020. Leur poids dans le patrimoine financier des ménages étant supérieur à celui des actions détenues, la baisse de leur valeur a presque entièrement compensé l’impact positif de la augmentation de la valeur des actions sur celle des actifs.
Cette perte de valeur des obligations reste virtuelle pour les ménages qui portent le plus souvent ces titres obligataires dans un contrat garantissant le capital. Mais si un ménage demande la liquidation de son système d’assurance, c’est alors l’entreprise qui gère son contrat qui devra supporter la perte de valeur pour être constatée.
Au-delà de cet enjeu financier, deux points sont à souligner. Qu’elle soit abondante ou non, le choix de l’allocation de l’épargne est fondamental pour éviter qu’elle ne baisse en termes réels à cause de l’inflation. Cette dernière n’est rien d’autre qu’une perte de valeur de la monnaie contre laquelle les ménages se protègent par un accroissement de leur effort d’épargne grâce à l’effet des soldes de trésorerie réels analysés il y a plus de cent ans. années par Arthur Cecil Pigou.
Les actions, le meilleur investissement
Ensuite, que ce soit sur les quatre ou quarante dernières années, les actions restent le placement ayant la meilleure performance en termes de valorisation des actifs financiers. La meilleure garantie qu’elle ne s’érode pas face à l’inflation reste de privilégier les actions, tant à moyen qu’à long terme.
Or, sur les quatre dernières années, les actions n’ont attiré que 12,5% des flux d’investissement des ménages. C’est mieux que la proportion de 3,7% observée au cours de la décennie 2010 mais cela reste maigre quand on pense aux besoins d’investissement qui nous attendent pour les transitions énergétiques, environnementales et numériques ainsi que pour la réindustrialisation.
Denis Ferrand est directeur général de Rexecode