KAMIL KRZACZYNSKI / AFP
Kamala Harris et son colistier Tim Walz lors d’un rassemblement électoral le 20 août à Milwaukee, Wisconsin.
ÉTATS-UNIS – « Enfermez-le! » » En déplacement dans un bureau de campagne de son vice-président, mardi 22 octobre, Joe Biden s’est emporté à propos de Donald Trump, allant jusqu’à déclarer qu’il devrait être « enfermé ». « Politiquement parlant »il a ajouté. Mais cette formule extrême, « Enferme-le » en anglais, largement applaudi par les partisans démocrates, est un copié-collé d’une vieille rhétorique… de Donald Trump. Le milliardaire républicain l’a utilisé à plusieurs reprises lors de l’élection présidentielle de 2016 pour discréditer Hillary Clinton, prise dans l’affaire des courriers électroniques.
Désormais, ce slogan Le « style Donald Trump » se retrouve dans les quartiers démocrates et même dans les rassemblements de Kamala Harris. Lors d’un rassemblement dans le Wisconsin le 17 octobre, la foule a une nouvelle fois scandé « Enfermez-le! » « , au moment où la candidate montrait sur un écran géant un montage de son adversaire se vantant d’avoir annulé la garantie fédérale de l’avortement.
A l’approche du scrutin du 5 novembre et alors que les sondages restent très serrés, laissant ouverte la perspective d’un retour au pouvoir de Donald Trump, le camp démocrate renforce sa stratégie de campagne en s’inspirant directement de son adversaire pour mieux le combattre, au risque de flirter avec l’excès.
« Une mitrailleuse anti-Trump »
« En juillet, lors de son investiture comme candidate du parti, Kamala Harris a abandonné la stratégie de « campagne négative » de Joe Biden, c’est-à-dire mener une campagne basée sur le dénigrement de l’opposant, par « apparition de Donald Trump », se souvient Alexis Pichard, docteur en civilisation américaine, contacté par HuffPost. » Au contraire, elle avait envisagé une campagne plus positive, mettant en avant les progrès sociaux que peuvent réaliser les démocrates à la Maison Blanche.continue-t-il.
Cependant, « Depuis une à deux semaines, il y a un basculement dans la campagne démocrate, et un retour à cette stratégie orientée vers l’attaque contre Donald Trump ». Ce mardi 22 octobre en fournit un exemple édifiant : à la déclaration de Joe Biden s’ajoute celle de Barack Obama, qui prévenait que le pays ne pouvait pas se permettre d’élire un « Donald Trump plus vieux et plus fou », dont les discours sont « salades de mots ». Le même jour, le colistier de Kamala Harris, Tim Walz, a également statué que Donald Trump « sombré dans la folie »rapporte CNN.
Kamala Harris ne s’en prive pas non plus. Lors d’une courte allocution ce mercredi 23 octobre, elle a jugé que Donald Trump était « de plus en plus perturbé ». Sur X (anciennement Twitter) aussi, le démocrate multiplie les messages discréditant Donald Trump. « Ce compte est devenu une véritable mitrailleuse anti-Trump » image Alexis Pichard, qui constate que « La plupart des attaques tournent autour de sa santé et de son âge. »
La vice-présidente n’a par exemple pas manqué l’occasion de se moquer de son adversaire, âgé de 78 ans, lorsqu’il a passé une quarantaine de minutes à se déhancher silencieusement sur scène, au rythme de ses chansons préférées, en plein meeting en Pennsylvanie, laissant les électeurs perplexe. « J’espère qu’il va bien »a-t-elle écrit en republiant la vidéo de l’événement.
Des propos plus extrêmes pour séduire un électorat plus large
Cette ligne se rapproche cependant de plus en plus de celle de Donald Trump, habitué à dénigrer ses adversaires par tous les moyens, et qui présentait Kamala Harris comme une « déficient mental »le qualifiant à son tour de« idiot »de« incompétent »et « mauvaise personne » lors de ses réunions.
« Ce revirement de campagne intervient au moment où Kamala Harris cherche à s’unir par tous les moyens, pour éviter de chuter dans les sondages », observe Alexis Pichard. « Ces propos plus violents pourraient lui permettre de paraître « plus masculine » et mettre fin au sexisme qui pourrait inciter certains électeurs à ne pas voter pour elle, notamment les communautés afro-américaines. ». La vice-présidente des États-Unis n’a pas hésité à souligner qu’elle détient elle-même « un Glock »s’écartant de la tradition démocrate fermement engagée en faveur d’une plus grande réglementation des armes à feu. » Si quelqu’un force l’entrée chez moi, il sera abattu.elle a même plaisanté face à Oprah Winfrey.
Surtout, ces commentaires plus extrêmes sont « une manière de rappeler que Donald Trump est un danger pour la démocratie, qu’il n’est pas apte à diriger le pays, ce qui pourrait convaincre les républicains modérés de donner leur voix à Kamala Harris », souligne Alexis Pichard.
Mais cette rhétorique de la peur a ses limites : en ciblant ainsi son adversaire, Kamala Harris risque de se voir reprocher à nouveau par ses partisans de ne pas évoquer assez en profondeur son programme politique, ou tout simplement d’aller trop loin dans la démesure. « Si Kamala Harris discrédite Donald Trump, elle n’est pas allée jusqu’à dénigrer ses électeurs »note Alexis Pichard. Et pour prévenir : «C’est une ligne rouge à ne pas franchir. Hillary Clinton en a payé le prix en 2016, lorsqu’elle les a qualifiés de « pathétiques ».
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