F-15, Chinook, B-52 : Boeing promet une nouvelle vie à ses anciennes gloires

Conçu par McDonnell Douglas dans les années 1970, l’avion de chasse F-15 Eagle a fêté l’année dernière ses 50 ans de loyaux services au sein de l’US Air Force. A Saint-Louis, Missouri, l’avion de chasse règne toujours en maître et fait même peau neuve. Sa dernière version, le F-15EX Eagle II devrait être commandé en 200 exemplaires par l’US Air Force. Les deux premiers exemplaires ont été livrés en 2021 sur une première tranche de 8 appareils commandés pour 1,2 milliard de dollars. Et à Saint-Louis, l’ancien siège de McDonnell Douglas, devenu le premier site de production de la branche défense de Boeing avec près de 15 000 salariés, on n’hésite plus à considérer que le chasseur de supériorité aérienne aura un jour cent ans. .
Le F-15, béquille nécessaire du F-35 ?
C’est du moins la promesse de Prat Kumas, vice-président du programme F-15 chez Boeing. L’US Air Force ne pourra pas se contenter des F-35 de Lockheed-Martin, qui devait initialement prendre tout l’argent. « Depuis dix ans, nous avons investi 6 milliards de dollars dans la modernisation du Strike Eagle et aucun chasseur au monde ne rivalise avec sa puissance et sa rapidité », déclare le dirigeant de Boeing. En janvier dernier, deux F-15EX ont démontré une capacité de transport de missiles étendue de 12 missiles air-air. En effet, les défauts du F-35, avion furtif mais faiblement armé, ont donné au fameux bimoteur (1300 exemplaires construits) de nouvelles perspectives.
« F 35 et F-15 seront les deux mamelles du combat aérien américain pendant des décennies », prédit Prat Kumas, le premier, expert en communication désignant les cibles, quand le second, saura les atteindre, grâce à son agilité et son capacité inégalée d’emport de missiles guidés et de bombes. Depuis vingt ans, Boeing maintenait une cadence de production minimale de douze exemplaires par an. Désormais, le constructeur se déclare prêt à doubler sa production à 24 appareils par mois dès l’an prochain pour servir l’US Air Force. Boeing envisage même de tripler sa production, si certains contrats à l’export sont confirmés. Mais pour l’instant, l’Indonésie, candidate potentielle au F-15, a choisi le Rafale. Boeing est également en concurrence en Inde pour approvisionner l’armée de l’air indienne.
Gardez une longueur d’avance sur la supériorité aérienne
A quelques semaines de l’ouverture du salon aéronautique du Bourget, Boeing met en avant ses nouvelles ambitions dans le secteur de la défense, ce qui a permis au groupe d’amortir la crise du Covid et celle du 737 Max ces dernières années. En 2021, les activités de défense ont supplanté la branche aéronautique civile en termes de chiffre d’affaires. L’an dernier, ils pesaient 23,16 milliards de chiffre d’affaires contre 25 milliards pour l’aviation commerciale et 17,6 milliards pour la branche services et maintenance. A fin mars, le carnet de commandes atteignait 58 milliards de dollars dans la défense et l’espace, dont 30% à l’export.
Indépendamment de la domination du chasseur F-35, commandé par centaines, « nous resterons les maîtres des chasseurs aériens », promet Steve Nordlund, vice-président de Boeing Defence and Space, citant la production des F-15 et des derniers exemplaires des F/A-18 Super Hornet à l’US Navy et mettant l’accent sur deux projets majeurs du groupe, le développement d’avions sans pilote et le lancement du nouvel avion d’entraînement de l’US Air Force, le T-7A Red Hawk.
En attendant, c’est encore dans les vieilles marmites que l’on construit les meilleurs programmes. Pour Boeing, après quatre années de lourdes pertes, la reprise mondiale des investissements militaires est une occasion en or de prolonger la vie de ses anciens best-sellers.
Merci Europe
Et le salut vient en grande partie de l’Europe. L’Allemagne, où Boeing emploie à peine 1 000 personnes, s’apprête à dépenser environ 13 milliards de dollars pour acheter 60 hélicoptères lourds Chinook et cinq avions de surveillance maritime P-8. L’Allemagne deviendra ainsi le client le plus important de Boeing après l’armée américaine. Un client solvable qui a aussi le mérite de n’exiger aucune contrepartie industrielle pour ses commandes, contrairement à son voisin polonais. Deuxième client étranger potentiel de Boeing Defence and Space (BDS), Varsovie a déclaré vouloir acheter 96 hélicoptères d’attaque Apache pour remplacer ses hélicoptères de l’ère soviétique.
« Le programme Apache pour la Pologne démarre », se réjouit à Philadelphie Rich Sikora, directeur de la stratégie des avions à décollage vertical chez Boeing. Le Congrès devrait se prononcer avant l’été sur cette commande en FMS (foreign military sale), après quoi Boeing pourra négocier avec le gouvernement polonais les conditions du contrat et notamment les contreparties industrielles accordées à la Pologne. Pour l’instant, Varsovie a confirmé une commande accélérée de huit modèles à livrer cette année.
Pourtant, rien n’est gravé dans le marbre, prévient un expert polonais de la défense. « Notre gouvernement annonce chaque semaine de nouvelles acquisitions de matériel militaire, sans avoir la moindre idée de la manière dont il va les financer », commente Bartosz Glowacki, rédacteur en chef d’Altair. De toute façon, il y a peu de chance que le contrat Apache soit finalisé avant les nouvelles élections législatives polonaises prévues en octobre prochain.
Pas d’urgence. Chez Boeing, l’Apache reste le best-seller du groupe avec quelque 80 livraisons par an et l’USA Air Force vient de passer une nouvelle commande de 184 hélicoptères en début d’année. Après plus de quatre décennies de service, l’AH-64 Apache en est maintenant à sa sixième version (AH-64E v6) et les efforts de modernisation se poursuivent.
La bouffée d’air frais allemande
A Philadelphie, où sont produits les Chinook et les V-22 Osprey, le commandement allemand apporte en tout cas une bouffée d’air frais. L’hélicoptère bi-hélice, rendu célèbre par la guerre du Vietnam, est aujourd’hui disponible à 950 exemplaires dans une vingtaine de pays. Ces dernières années, Boeing ne fabriquait plus qu’une vingtaine d’exemplaires par an, le rythme minimum pour faire vivre le programme. Avec les 60 Chinook de seconde génération (CH-47F Block II) destinés à la Bundeswher, Boeing prévoit de porter la production à 18, puis 24 unités par an.
« Le Chinook d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui des années 60, insiste Dan Maltese, tout a été progressivement repensé avec l’utilisation renforcée de la fibre de carbone en version 2 ». Un modèle d’assaut est actuellement en développement pour les forces spéciales américaines, tandis que les Chinook allemands seront les premiers à être équipés d’une perche pour pouvoir être ravitaillés en vol. Le parlement allemand a donné la semaine dernière son feu vert à l’achat, ce qui devrait permettre à Boeing de finaliser l’accord cet été.
Berlin n’a demandé aucune contrepartie industrielle à ce méga-investissement. Pas plus qu’il ne demande son achat de cinq avions de surveillance (P8), dont le premier doit être livré en 2024, et qui devait faire l’objet d’un programme commun avec la France sur la base d’un Airbus A330 ou d’un Dassault. Faucon. La France a décidé de poursuivre le programme en solo, mais contester la domination de Boeing sera difficile. Développé à partir d’un avion civil 737, Boeing a déjà livré 160 P8 et prévoit d’en produire une dizaine par an pour répondre aux multiples commandes.