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Exposition : à Colmar, la mort sied si bien à la peinture germanique



Que ce soit dans l’imposante nef de la chapelle, dans les grandes salles situées autour du cloître, ou dans une ferme monolithique (Ackerhof), les peintures germaniques exposées au musée d’art d’Unterlinden à Colmar – un ancien couvent dominicain – ne peuvent laisser de marbre. La preuve. Ici, un saint démembré vivant à l’aide d’un crochet métallique. Là-bas, un chef de guerre décapité devant ses compagnons d’armes. Plus loin, un Christ crucifié dont le sang coule abondamment des blessures. Le supplice continue.

Plus loin encore, une « récupération » de corps de femmes vierges atrocement mutilées, sans oublier une sainte Catherine suppliante, prête à subir le supplice de la roue… Une vision insoutenable ? Oui et non, car d’une réelle beauté tant ses peintures macabres attirent le regard par leurs couleurs chatoyantes et leurs compositions magnifiques. Couleur, gloire et beauté est le titre de cette étonnante exposition, encore visible jusqu’au 23 septembre inclus. L’intention est claire : annoncer clairement les grandes qualités de ces peintures produites dans le Rhin supérieur, région du Saint-Empire romain germanique, à la fin du Moyen Âge (de 1450 à 1540). Des peintures qui sont aussi remarquables par leur grande abondance de personnages, dont certains – si on regarde bien – font des grimaces horribles au visiteur.

« La géographie artistique ne correspond pas toujours aux limites des entités politiques »

Quelles étaient les fonctions de ces œuvres ? Où ont-elles été réalisées et par qui ? Qui les a commandées ? En trois parties, l’exposition répond admirablement à ces questions. Peintes, pour la plupart, pour des institutions religieuses, il s’agissait d’objets de dévotion produits dans les ateliers des villes de Strasbourg, Bâle, Colmar et Fribourg. Autrement dit, une partie occidentale du Saint-Empire romain germanique, un empire gigantesque réunissant l’Allemagne actuelle, les Pays-Bas, la Suisse, l’Autriche, les territoires polonais, tchèques et italiens, mais aussi français (Lorraine, Franche-Comté, Bourgogne, Savoie, etc.).Cependant, la géographie artistique ne correspond pas toujours aux frontières des entités politiques, et les peintures germaniques des collections françaises, dont une partie est exposée à Unterlinden, comprennent des peintures réalisées dans les parties germanophones du Saint-Empire romain germanique.« , constate Isabelle Dubois-Brinkmann, directrice des musées municipaux de Mulhouse.

Les fleurons de cette production, visibles dans cette exposition, sont essentiellement des retables. Ces œuvres monumentales, peintes ou sculptées (parfois les deux), sont caractéristiques de l’art religieux de l’Europe chrétienne des XVe et XVIe siècles.Un retable est toujours doté d’images complexes composées de figures saintes et/ou de scènes religieuses. Sa fonction est à la fois esthétique, religieuse et éducative.expliquent Camille Broucke et Magali Haas, commissaires de l’exposition. Dans les régions germaniques, le retable prend systématiquement la forme de paires de volets peints s’ouvrant et se fermant sur un caisson contenant généralement des sculptures. De plus en plus imposantes au fil des ans, ces œuvres collectives (peintres, sculpteurs et menuisiers) sont, aujourd’hui, rarement complètes, du fait des guerres, des révoltes ou d’autres réformes religieuses. Cela n’empêche pas d’admirer, par exemple, la pièce la plus célèbre du musée d’Unterlinden : le retable d’Issenheim.

Récemment restauré et objet de nombreuses publications, ses panneaux peints qui montrent notamment la visite de saint Antoine à saint Paul l’Ermite ou la déploration du Christ sont le symbole de cet art germanique médiéval si peu (re)connu en France.

Les amateurs de cette peinture religieuse, si centrée sur la mort et la beauté, ne manqueront pas de visiter le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon, ainsi que le musée des Beaux-Arts de Dijon, qui proposent également, à travers une exposition, une histoire de la peinture médiévale germanique dans les collections françaises. L’occasion de goûter à ces « « Les métamorphoses ultimes de l’univers gothique »comme l’écrivait l’historien de l’art André Chastel en 1950. Nous en ressortons, en effet, transformés.

« Couleur, gloire et beauté », au Musée Unterlinden, à Colmar. Jusqu’au lundi 23 septembre inclus.

GrP1

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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