EXCLUSIF. Tennis : « Avec Hugo, on est en phase sur cet arrêt » explique Marc Barbier, l’entraîneur historique d’Hugo Gaston

Après quinze ans de collaboration, Hugo Gaston et Marc Barbier ont décidé de se séparer. Si la décision appartient au joueur, elle a été initiée par l’entraîneur (57 ans) qui s’est livré en exclusivité pour La Dépêche et est déjà revenu en Ligue Occitanie. Pendant ce temps, Hugo Gaston réalise un essai à Marrakech sous la houlette de Younes El Aynaoui (14e mondial en 2002). Une épreuve que le Toulousain devrait prolonger.
Quand avez-vous senti que la fin approchait avec Hugo ?
Un joueur et un entraîneur passent environ 200 jours par an ensemble. Il y a la relation personnelle et la relation professionnelle. Tout cela n’est pas étanche, il y a des transferts. Dans notre cas très particulier, puisque j’ai rencontré Hugo alors qu’il avait 5 ans et demi, nous sommes allés au-delà de cette dichotomie pour que le sujet sportif n’empiète pas sur le privé. Il n’y a donc pas eu de moment précis de rupture, de dispute ou quoi que ce soit. Après, l’entraîneur est toujours à la recherche de solutions pour son joueur. Quand on utilise tout un tas d’outils, au fil des mois, pour faire réagir le joueur sans y parvenir, des questions se posent. Et il était hors de question que je sois l’entraîneur qui s’accroche à son poste coûte que coûte, parce que la vie du circuit est addictive, parce qu’il fait bon rester dans la lumière ou parce que l’aspect financier intervient. Je voulais être honnête avec lui et avec moi-même. Je ne voulais pas être un escroc. On avait déjà plus ou moins abordé cette question de la séparation avec Hugo l’an dernier, après la tournée américaine (fin d’été) qui n’avait pas été très satisfaisante. Pourtant, nous avons terminé la saison ensemble, l’hiver s’est bien passé, les quatre semaines de préparation ont été formidables, notamment à Monte-Carlo en décembre avec de grands joueurs comme Medvedev, Auger-Aliassime et Hurkacz. J’étais très optimiste pour 2023. Cependant, la tournée australienne (janvier-février) n’a pas été aussi bonne que prévu d’un point de vue sportif. Après mûre réflexion, j’ai donc annoncé à Hugo que je n’irais pas avec lui en Amérique du Sud, en me disputant bien sûr. Sept semaines étaient prévues. Pendant longtemps. Ce n’était pas une sanction, juste une évidence.
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Pourquoi avez-vous refusé de partir ?
Je voulais qu’il soit seul pour qu’il puisse aussi penser par lui-même. J’ai commencé le processus, en fait. Cela m’a coûté à bien des égards. J’avais envie de cette tournée, elle m’a longtemps fait rêver. Le Chili, Rio, Cordoue, c’est fabuleux, j’aurais adoré y être. Ma conscience professionnelle m’a poussé à ne pas y aller. Au retour d’Hugo, nous avons fait le point. Nous avions chacun nos propres pensées. Il considérait que nous étions au bout du chemin et j’étais tout à fait d’accord avec ça. Le moment était très chargé d’émotion. Il m’a remercié, c’est sorti des tripes, et ça m’a touché le cœur. Je dis merci aussi.
« Il est hors de question pour moi de laisser croire qu’Hugo s’en fout »
Votre frustration de ne pas l’avoir amené à la cohérence souhaitée a-t-elle été un facteur central dans le processus de prise de décision ?
On ne peut pas manquer de cohérence au quotidien et en avoir en termes de résultats. C’était un des points sur lesquels j’étais en difficulté, en effet. Il le sait et il est très honnête sur ce qu’il fait ou ne fait pas. S’il n’est pas exigeant et discipliné au quotidien, il aura du mal à faire autre chose que frapper. Après, attention, hors de question pour moi de laisser croire qu’Hugo s’en fout. Plus de 15 ans, des entraînements manqués, je peux les compter sur les doigts d’une main. Il est toujours ponctuel, il a une bonne hygiène de vie générale, il n’est pas fêtard, beaucoup de choses sont très positives. Mais sur l’investissement dans certaines séances, oui, il y a des choses à améliorer.
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De quoi a-t-il besoin maintenant ?
D’un discours différent, de nouveautés. C’était le problème de notre longue relation. Peu importe à quel point vous êtes vigilant à ce sujet, l’usure du temps fait son œuvre. Le quotidien reste le quotidien. Le fait que Younes El Aynaoui soit dans le Top 15 mondial (14e en 2002), cela peut aussi le rassurer et l’inspirer.
« Il m’a fait pleurer, ce connard »
Qu’en est-il de votre avenir ?
D’ores et déjà, je tiens à remercier Pierre Doumayrou et Philippe Belou, les deux derniers présidents de la Ligue Occitanie, qui m’ont mis à la disposition d’Hugo alors qu’aucune autre ligue de France n’avait accepté une telle démarche. Ils ont toujours été derrière le projet, ne me demandant jamais de choisir entre Hugo et la Ligue. Nous avons ouvert la voie. Après, beaux hôtels et beaux tournois, c’est très bien, c’est bien de vivre des moments d’exception, mais cette orgie de voyages vous éloigne des vôtres. Au niveau de la vie privée, c’est compliqué. Donc je voulais aussi trouver un équilibre. A la Ligue, je passe à la formation des joueurs. De futures missions me seront confiées, d’encadrement, sans trop m’éloigner du terrain. Et Hugo, je vais maintenant le regarder à la télé. Sur un tournoi, ce serait trop lourd émotionnellement et ça n’aiderait personne. Dans cinq ou six ans, peut-être…
Quel est le meilleur souvenir que vous ayez partagé ?
Pour moi, le plus fort n’est ni Roland-Garros ni Bercy, c’est son titre aux Jeux Olympiques de la Jeunesse en 2018, remporté en Argentine. J’étais capitaine de l’équipe de France garçons. C’est la première fois que je le vois lâcher prise. C’était très fort. Il m’avait fait chialer ce connard.