EXCLUSIF : Comment la Chine compte obtenir davantage de soutiens pour son plan de paix en Ukraine à l’ONU
La Chine veut travailler dans les coulisses des Nations Unies pour obtenir le soutien international en faveur d’un accord visant à mettre fin à la guerre en Ukraine à des conditions favorables à la Russie, selon un document du gouvernement ukrainien.
Le gouvernement chinois s’est présenté cette semaine à l’Assemblée générale des Nations Unies avec un plan visant à solliciter le soutien des pays d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique afin de geler les lignes de bataille dans le conflit le plus meurtrier en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, selon le document obtenu par POLITICO.
Les États-Unis sont opposés à l’accord et les responsables ukrainiens en sont alarmés – à tel point qu’ils ont fait circuler le document parmi les diplomates réunis à New York pour l’Assemblée générale des Nations Unies.
Dans sa proposition, la Chine tente de persuader les diplomates de soutenir des pourparlers de paix axés sur « la prise en compte des intérêts de sécurité de chaque pays » avec l’objectif « d’empêcher la Russie de perdre » la guerre, selon le document.
Le document, rédigé par le gouvernement ukrainien en prévision des réunions de haut niveau de l’ONU de cette semaine, ne précise pas dans quelle mesure Kiev est au courant de la stratégie de la Chine. L’Ukraine fait également pression sur plusieurs fronts cette semaine pour dissuader ses alliés d’adopter le plan soutenu par la Chine. La mission ukrainienne auprès de l’ONU à New York n’a pas répondu à une demande de commentaire sur le document.
Le plan de Pékin à New York consiste à obtenir le soutien d’une vingtaine de pays « pour former une sorte de groupe ‘central’ qui, à l’avenir, pourra rapidement s’élargir (pour inclure) d’autres pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie », indique le document.
La Chine cherche à obtenir leur soutien pour son plan visant à lancer des pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine, sur la base d’une proposition conjointe Chine-Brésil en six points publiée en mai. Ce document appelle à « ne pas étendre le champ de bataille, à ne pas intensifier les combats et à ne pas provoquer aucune partie ». Cela permettrait à la Russie de poursuivre les hostilités à leur intensité actuelle ainsi que son occupation du territoire ukrainien. La proposition en six points repose sur « une conférence de paix internationale… reconnue à la fois par la Russie et l’Ukraine ».
L’ambassade de Chine à Washington a refusé de dire si elle s’efforçait de rallier de tels soutiens à l’Assemblée générale de l’ONU, mais a réitéré son souhait d’une solution diplomatique à la guerre. La Chine « soutient tous les efforts conduisant à une résolution pacifique de la crise », a déclaré le porte-parole de l’ambassade, Liu Pengyu.
Le document ukrainien circule cette semaine parmi les diplomates et les responsables de l’Assemblée générale des Nations Unies. Un responsable européen à l’ONU a déclaré que le plan de paix proposé par la Chine était en discussion lors de la réunion, mais n’a rien dit d’un effort concerté de lobbying de la part de la Chine.
Les responsables américains ont continué de souligner que tout processus de paix en Ukraine nécessite le soutien total de Kiev. « Une paix juste et définitive nécessite la pleine participation et l’assentiment de l’Ukraine… la Russie payant pour réparer les dommages qu’elle a causés », a déclaré mardi le secrétaire d’État Antony Blinken lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’Ukraine. Les responsables de l’UE ont exprimé des sentiments similaires.
Mais l’Ukraine est clairement préoccupée par le fait que le plan de la Chine prenne de l’ampleur. Le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy a profité de son discours devant l’Assemblée générale mercredi pour qualifier le plan de paix sino-brésilien d’effort « colonial ». Les diplomates ukrainiens exhortent également les législateurs américains à rejeter formellement le plan chinois, a rapporté lundi Punchbowl News
La volonté de Pékin de solliciter l’aide de l’Inde pourrait créer des problèmes particuliers à l’Ukraine. Kiev espère que New Delhi pourra l’aider à négocier un accord de paix avec lequel elle pourra vivre. L’ambassade indienne à Washington a refusé de commenter.
Si la Chine parvient à obtenir le soutien d’un large groupe de pays pour sa proposition, elle pourrait permettre à Pékin de la présenter comme une preuve que la « majorité mondiale » est favorable aux conditions de Pékin pour des négociations de paix entre la Russie et l’Ukraine, selon le document. Une présentation officielle du plan de négociations de paix aura lieu le mois prochain lors d’une réunion du groupe des BRICS, qui regroupe les économies émergentes autour du Brésil, de l’Inde, de la Russie et de la Chine, à Kazan, en Russie, selon le document.
Les ambassades de Russie et du Brésil à Washington n’ont pas répondu aux demandes de commentaires. Le département d’État a refusé de commenter et la Maison Blanche n’a pas répondu à une demande de commentaires.
Les démarches diplomatiques de Pékin coïncident avec les efforts déployés cette semaine par Zelensky pour obtenir le soutien de l’ONU et de Washington à son « plan de victoire » visant à mettre fin à la guerre.
Pour l’heure, les alliés de l’Ukraine ne voient pas en la Chine un médiateur désintéressé. Les responsables américains ont accusé la Chine d’avoir prolongé la guerre en apportant une aide militaire à la Russie, accusations que Pékin a niées.
Et à l’ONU, c’est Zelensky qui rassemble le plus de monde.
« Le seul plan de paix que nous acceptons pour le moment est celui du président Zelensky », a déclaré mercredi le président estonien Alar Karis à POLITICO.
Nick Taylor-Vaisey a contribué à ce rapport.
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