Chloé Berry
Publié le
Le vent serait-il en train de tourner pour Elon Musk ? Frasques, polémiques, positions extrêmes… Les agissements du milliardaire qui œuvre désormais pour le gouvernement américain exaspèrent jusqu’en France.
Cette semaine, à Toulouse, nos journalistes racontaient qu’un groupe d’anarchiste est allé jusqu’à brûler une quinzaine de Tesla en réaction au salut nazi d’Elon Musk.
Du côté de Lyon, le cap n’a pas encore été passé. Mais un autre mouvement anti-Musk appelle à incendier des concessions Tesla, comme le rapporte notre rédaction locale.
Ils sont nombreux à vouloir se désolidariser du patron de l’entreprise cotée en bourse. Y compris au sein des propriétaires de Tesla. Au volant de leur voiture électrique dernier cri, certains ont honte de rouler pour le problématique repreneur de X (ex-Twitter).
actu.fr a recueilli les témoignages de ceux qui vont jusqu’à vendre leur véhicule pour ne plus être assimilé au sulfureux milliardaire.
Les ventes de Tesla chutent en France, un rapport avec Elon Musk ?
Les ventes de Tesla sont en chute libre. Le constructeur américain de voitures électriques a vu ses ventes baisser de 26% sur un an en France, avec 2 395 véhicules immatriculés en février 2025. Au niveau européen, les ventes de Tesla avaient déjà été presque divisées par deux en janvier.
La faute au comportement du patron ? Attention à ne pas aller trop vite en besogne. Si cela peut jouer à la marge, Tesla patine surtout à cause d’un changement de gamme, avec le déploiement en cours de la nouvelle version de son SUV star, le Model Y. Les consommateurs attendent sa sortie avant d’acheter, comme nous ont expliqué plusieurs vendeurs du boncoin.
Il faut donc attendre quelques mois pour mesurer à quel point les agissements d’Elon Musk influencent les ventes de Tesla. Si tel est le cas.
« Je ne veux pas être identifié à l’extrême-droite »
Quand on tape « Tesla » dans la barre de recherche de Leboncoin, plus de 10 000 petites annonces apparaissent. Un chiffre gonflé par les derniers agissements d’Elon Musk selon Luc, auteur d’une annonce.
Je regarde constamment les ventes de Tesla. Il y a trois mois, il n’y avait pas une annonce concernant mon modèle (le dernier, ndlr). Aujourd’hui, il y en a une dizaine.
Ce gérant de PME dans l’industrie est actuellement propriétaire du dernier modèle Tesla qui, rappelons-le, à moins d’un an. Aucune raison de vendre ce véhicule neuf. Et pourtant.
« Je ne veux pas être identifié à l’extrême-droite. Les saluts nazis, toute sa bande… tout ça, ça ne me va pas », confie l’Aixois à actu.fr. Luc espère une chose : qu’une « vague de gens » fasse comme lui. Ce n’est peut-être pas (encore) une déferlante, mais le fan de voitures électriques n’est pas le seul à faire cette démarche.
Pourquoi Elon Musk est un problème pour certains ?
Relais de théorie du complot, soutiens de partis politiques européens d’extrême-droite, positions anti-wokes, saluts nazis… Elon Musk n’est plus l’entrepreneur à qui tout sourit depuis qu’il a racheté Twitter en 2022.
Son entrée au gouvernement américain, où il s’attelle à démanteler la fonction publique américaine, et son amitié avec Donald Trump, ont marqué un autre tournant.
« On ne devrait pas mélanger politique et business »
Sébastien est un autre auteur de petite annonce qui a répondu à l’appel d’actu.fr. Si le quinquagénaire veut changer de voiture, il ne compte pas signer à nouveau pour Tesla. Quand bien même leurs voitures sont « révolutionnaires », nous fait-il savoir.
« Ce qu’il se passe aux États-Unis, ça m’embête », livre-t-il à actu.fr. D’autant plus que Sébastien a des origines américaines. Alors, les faits et gestes de celui qui est récemment devenu père pour la 14ᵉ fois résonnent particulièrement en lui.
Je suis très surpris de ses positions et des images chocs. Qu’il fasse de la politique alors que c’est un homme d’affaires à la base, ça me dérange aussi. On ne devrait pas mélanger politique et business.
De la gêne derrière le volant
Si le Montpelliérain de 50 ans vend sa voiture, c’est surtout parce qu’il a peur de la « bêtise des gens » en France. « Il y a quelques années, les écolos cassaient les gros SUV, j’ai peur qu’il se passe la même chose avec les Tesla. »
Celui qui travaille dans la location de matériel de chantier éprouve un sentiment de gêne au volant de son véhicule dernier cri. « Ça m’embête de rouler avec. Avant, j’étais fier, maintenant, je la cache », tranche-t-il. Là aussi, il n’est pas le seul dans ce cas-là.
Anna n’est pas propriétaire d’une Tesla. Son conjoint, si. Cela n’empêche pas la Rennaise de 35 ans de la conduire de temps en temps. Comme Sébastien, les actions coup de poing d’anti-Musk l’inquiètent. « La voiture est dans un parking privé, et c’est très bien », soupire-t-elle auprès d’actu.fr.
Quand on allait à un mariage, ça faisait bien de sortir la Tesla. Aujourd’hui, je ne crie plus sur tous les toits que j’en ai une. Je sais que j’aurai des critiques. Et je sais qu’elles seront fondées.
« Je suis sûr d’y retourner quand l’autre furieux se sera calmé »
Luc, Sébastien et Anna ont un point commun : s’il n’en pense pas moins du patron de Tesla depuis 2008, ils ne peuvent pas nier que le milliardaire fait de très bonnes voitures.
« Je la revends à contrecœur », nous confie Luc, qui ajoute avoir hésité « pendant 15 jours » à mettre sur Leboncoin son bolide sorti de l’usine il y a seulement six mois.
Pour l’Aixois, Tesla est « au-dessus de lot ». Au téléphone, il n’a cessé de nous vanter l’inégalable offre de la marque en matière de recharge. N’ayant pas trouvé d’équivalent aussi performant, le fan d’automobile pense déjà à la fin de son boycott.
Je suis sûr d’y retourner quand l’autre furieux se sera calmé.
Rectification faite au cours de la discussion : dans six mois, Luc s’imagine déjà revenir chez Tesla. Changement de comportement de son propriétaire ou non.
Séparer l’homme de la voiture
Attention à ne pas faire de ces témoignages une vérité générale. D’autres automobilistes adeptes de Tesla séparent l’homme de « l’artiste ». C’est le cas d’un automobiliste anonyme qui revend son modèle de 2019 pour s’acheter celui de 2023.
Ce sont des voitures formidables, même si le dirigeant est un con. Il ne faut pas tout mélanger dans la vie.
Même son de cloche du côté d’Anna qui ne se voit pas vendre une voiture à cause d’un seul homme. Quand bien même le véhicule électrique ne correspond pas à ses valeurs.
Les pro-Musk en embuscade sur Leboncoin
Fred, 45 ans, en fait, lui, un acte militant pro-Musk. S’il revend sa Tesla sur Leboncoin, c’est pour en acheter une autre « encore plus grosse », fait-il savoir à actu.fr.
Celui qui habite dans les Alpes-Maritimes fait volontiers dans la provocation : « j’ai envie de foutre le seum à tous les wokistes, tous ceux qui ont le monopole de la bien-pensance », assène-t-il au téléphone, ajoutant que Donald Trump « n’est pas plus fou » qu’Emmanuel Macron. Ça a le mérite d’être clair.
Les autocollants de la protestation
Fred n’a peut-être pas tort. Revendre sa voiture à cause d’un homme, c’est sans doute extrême.
Certains ont trouvé une façon de protester plus silencieuse disons. Et drôle aussi. Sur les routes, il est de plus en plus fréquent de croiser une Tesla floquée d’un autocollant « j’ai acheté cette voiture avant qu’Elon ne devienne fou », ou encore « j’aime ma voiture, pas le CEO ».
En 2023, Matthew Hiller crée le « anti Elon Tesla Club ». Pour en faire partie, il suffit d’accoler à sa carrosserie un sticker témoignant de son désaccord avec le patron de la marque de sa voiture, Elon Musk. Aujourd’hui, sa boutique sur Etsy cumule plus de 5 000 ventes.
Dans les centaines et centaines de commentaires saluant la qualité du sticker ou encore la rapidité de la livraison, certains internautes se disent soulagés de rouler avec (non sans ironie) : « Hautement recommandé si vous êtes propriétaire d’une Tesla et que vous souhaitez afficher votre aversion pour la façon dont agit le PDG », « Merci ! Nous pouvons désormais conduire notre Tesla en toute bonne conscience », peut-on lire.
L’homme qui vit à Hawaï confiait au New York Times qu’il faisait face à un afflux de demande à chaque nouvelle frasque du propriétaire de Tesla. En ce moment, la boutique de l’Américain tourne à plein régime. « 34 acheteurs l’ont commandé au cours des dernières 24 heures », peut-on lire à l’heure où sont écrites ces lignes sur l’onglet de son best-seller.
On parie que les ventes flamberont à la prochaine frasque du milliardaire (qu’on ne devrait pas attendre bien longtemps).
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