Eva Jospin, la sculpteure qui cartonne
Miniatures ou monumentales, ses sculptures en carton l’ont rendue célèbre : en moins de vingt ans, la plasticienne Eva Jospin, fille de l’ancien Premier ministre Lionel Jospin, est devenue une figure incontournable du monde de l’art. En France et ailleurs.
« Elle est à part. C’est difficile d’être insensible à ce qu’elle fait. »glisse à l’AFP Sofia Grimou, la directrice associée de l’antenne parisienne de la Galleria Continua (une galerie italienne), qui lui consacre une exposition jusqu’au 14 septembre.
Que l’on soit sensible ou non à l’art d’Eva Jospin, il est difficile d’y échapper. En complément de cette exposition, elle est à l’honneur dans l’Orangerie du château de Versailles et dans une nouvelle station de métro du Grand Paris, où une de ses œuvres monumentales (en béton) orne la façade de la station.
A l’Orangerie, l’artiste, née à Paris en 1975, assume une forme de rupture. Cette rupture est « Chambre de la soie »une broderie de plus d’une centaine de mètres de long avec des dizaines de panneaux de 3,50 mètres de haut, offrant une plongée dans un paysage fantasmé et luxuriant.
Tromper l’oeil
Le nom de l’ouvrage est également un clin d’œil au manifeste féministe de l’auteure Virginia Woolf, « Une chambre à soi ». Broderie? « C’est quelque chose qui m’a toujours attiré »assure le plasticien à l’AFP.
Peau diaphane, grands yeux verts et coupe au carré, Eva Jospin s’est fait connaître grâce à ses impressionnantes forêts et grottes en carton. Jusqu’alors, elle ne s’était jamais lancée dans la broderie, même si certaines de ses créations intègrent de petites touches de cette discipline.
C’est la maison de haute couture Dior qui lui a permis de le faire. L’immense broderie a été conçue pour un défilé de mode (2021-2022). Ce panorama grandiose (plus grand que la Tapisserie de Bayeux) a été réalisé par des centaines d’ouvriers indiens à partir de dessins de l’artiste.
L’œuvre exposée à l’Orangerie s’est agrandie et inclut désormais les bosquets des jardins du château. « C’était important qu’il y ait ces clins d’oeil »souligne-t-elle.
Pour l’artiste, le clin d’œil n’est jamais loin du trompe-l’œil, nom de l’exposition qui lui est consacrée à la Galleria Continua.
Figuratives sans jamais être narratives, ses œuvres parviennent à semer le doute dans l’esprit des spectateurs. Et pour cause : les écorces ou les racines de ses forêts de carton sont plus grandes que nature.
« C’est l’avantage quand on utilise encore et encore le même matériau… On atteint une forme de maîtrise »elle observe.
Le carton : un choix économique
Aux Beaux-Arts de Paris, dont elle est diplômée, elle se forme au dessin et à la peinture. Et j’ai étudié l’architecture pendant un an.
Comme tout artiste nouvellement diplômé, elle a la tête pleine de rêves mais n’a pas les moyens financiers de les réaliser. C’est là que le carton fait son apparition dans sa vie, et dans son œuvre.
C’est « un matériau disponible en abondance, qui ne coûte presque rien », elle explique. De quoi lui permettre de se lancer dans des créations monumentales, son rêve de toujours.
Par dessus tout, « Je suis une personne patiente mais j’aime l’idée de pouvoir immédiatement prendre en main mon matériel. Avec le carton, je prends, je découpe, je colle. Il n’y a pas de temps pour la perturbation »continue-t-elle.
Le succès vient progressivement. En 2016, elle expose dans la cour du Louvre. D’autres expositions suivent à Paris, Bruxelles et Venise.
« Les voyages des artistes sont longs. Personne ne t’attend, ni moi ni personne d’autre. »» note-t-elle lorsque l’AFP lui demande si elle estime avoir atteint un sommet dans sa carrière.
« Ce qui m’importe, c’est de continuer. J’espère que je pourrai travailler toute ma vie et ne pas avoir trop d’arthrose à 90 ans.”.