Européennes 2024 : face à un RN à 30 % dans les sondages, comment la gauche peut-elle lutter ?
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Européennes 2024 : face à un RN à 30 % dans les sondages, comment la gauche peut-elle lutter ?

Européennes 2024 : face à un RN à 30 % dans les sondages, comment la gauche peut-elle lutter ?

Comment endiguer la montée de l’extrême droite ? Si les sondages le confirment, les élections européennes du 9 juin devraient donner aux groupes fascistes leur meilleur score au Ve République, autour de 32 % pour le RN et 5 % pour la Reconquête !

L’élection marque un moment charnière, tant au niveau national que continental, où le poids de l’extrême droite risque de s’accroître considérablement. A gauche aussi, ce 9 juin pourrait constituer un tournant. Avec un total de voix en faveur des listes progressistes sans doute inférieur à celui de l’extrême droite, ces élections vont poser une question : quelle stratégie adopter désormais pour éviter le pire en 2027 ?

Ces dernières semaines, la tête de liste PCF, Léon Deffontaines, a particulièrement ciblé celle du RN, qu’il considère comme son « adversaire principal ». « Mon héritage est manouchien au Panthéon. Le vôtre est Pétain à l’île d’Yeu ! »lui a-t-il dit lors des débats télévisés, en insistant sur les votes antisociaux du RN, qui prétend défendre les classes populaires mais vote contre l’augmentation des salaires, contre le rétablissement de l’ISF et contre l’encadrement des loyers…

« Nous n’avons pas été à la hauteur à gauche, envisage-t-il au-delà de cette offensive envers Humanité. Nous discutons entre nous sur des questions de société et des sujets internationaux qui devraient nous rassembler. » « L’extrême droite est à 40 %, concentrez-vous sur eux, laissez-moi partir ! » a également critiqué Raphaël Glucksmann (PS-Place publique) à la tête de la liste FI, Manon Aubry, lors du débat du 27 mai sur BFMTV.

Comme les insoumis Jean-Luc Mélenchon ou François Ruffin avant lui avec leur rhétorique de « en colère, pas fasciste », Léon Deffontaines n’a pas perdu espoir de conquérir les électeurs RN. C’est dans cette optique que le communiste a adressé une lettre à l’une d’elles, Colombe, qui, en marge d’une rencontre de Jordan Bardella, a expliqué son choix par  » colère  » de ne pas pouvoir vivre dignement, étant au RSA. « Vos mots ne me quittent jamais. À vrai dire, ils me hantent. Ils sonnent le rappel d’un échec collectif, qui vous a oublié et méprisé, répondit Léon Deffontaines. Ce que je veux, chère Colombe, c’est vous convaincre que l’infirmière vers laquelle vous vous êtes tournée n’est pas le remède aux terribles maux qui vous touchent. »

Le travail militant, clé du combat

Lors des dernières élections législatives, c’est en mettant l’accent sur la question sociale que François Ruffin (FI) dans la Somme, Philippe Brun (PS) dans l’Eure ou Fabien Roussel (PCF) dans le Nord l’ont emporté dans des territoires où Marine Le Pen était aux élections. écrasante majorité quelques semaines plus tôt lors de l’élection présidentielle.

C’est aussi ainsi que le communiste Jean-Marc Tellier, dans le Pas-de-Calais, a été le seul candidat de tout le pays à ravir une circonscription au RN. Cela a bénéficié d’un important travail militant sur le terrain. Une des clés de la lutte contre l’extrême droite, qui mérite d’être décuplée.

En ce sens, le PCF et la FI – qui ont annoncé vouloir être plus présents dans les circonscriptions du RN – sillonnent depuis 2022 la France via des « caravanes » ciblant notamment les « campagnes populaires » où l’extrême droite ne cesse de se développer. La CGT a également distribué du matériel à ses militants l’automne dernier pour mieux dénoncer « l’imposture sociale » du RN auprès des travailleurs.

Mais révéler le caractère profondément antisocial du projet lepéniste et lui opposer un programme ambitieux suffira-t-il à convaincre ces électeurs ? La rhétorique a ses limites. Pour le sociologue Félicien Faury, auteur de l’enquête Électeurs ordinaires (Seuil, 2024), « le racisme est bel et bien le déterminant social le plus fort du vote RN »mettant à mal la figure du « colérique et non fasciste ».

Au pied du mur marron, la gauche devra donc sans doute trouver un équilibre entre, d’une part, parler à certains électeurs se tournant vers le RN uniquement par protestation contre le libéralisme et, d’autre part, mener la bataille culturelle. au-delà du seul terrain social pour trouver son assise et convaincre les jeunes.

Concilier argument social et mesures sociétales

Car le risque serait de mettre de côté des thématiques centrales pour notre pays (antiracisme, violences policières, immigration, droits LGBTQI+…), qui divisent aujourd’hui. C’est ce que semblait dire François Ruffin, sur certains sujets, il y a un an, lorsqu’il était interrogé par France Info sur les « mesures sociales » à défendre comme le changement de genre dans l’état civil. « Pour moi, le cœur du problème, c’est le travail, le partage des richesses. Nous avons une société profondément fracturée en France. (…) Dans ce climat de tension et d’épuisement, le calme est de mise. Dans ce contexte, nous n’aurons pas à faire tout ce qui nous vient à l’esprit, tout ce que nous voulons », il a répondu. Une sortie qui avait suscité de vifs débats, avant que le rebelle ne précise que « Tous les obstacles au bonheur doivent être levés, parfois c’est le sexe ou les origines, parfois la classe ou le portefeuille ».

« Ce serait très grave de laisser l’extrême droite imposer sa vision sur ces sujets, alerte Raphaëlle Rémy-Leleu, élue écologiste au Conseil de Paris. Au contraire, il faut réapprendre à agir ensemble, résister aux offensives de la droite et de ses extrêmes sur le féminisme, les droits LGBT, les libertés publiques, la protection des migrants… » Car l’une des raisons de la montée de l’extrême droite, c’est aussi sa capacité, sur ces sujets, à avoir su imposer sa vision, désormais reprise par LR ou au gouvernement lorsqu’elle parle de« Islamo-gauchisme » ou approuve la préférence nationale dans sa loi sur l’immigration.

Soyez à nouveau audible dans le débat public

Le communiste Alain Hayot, auteur en 2014 du livre Face au FN, la contre-offensive (Arcane 17) et en préparation d’un deuxième ouvrage, dix ans plus tard, sur le même thème, abonde : « Je suis convaincu qu’il ne peut y avoir de reconstruction d’un chemin d’espoir si l’on ne s’attaque pas en même temps, en les articulant, à l’exploitation économique et sociale et à toutes les formes de domination. Les jeunes attendent non seulement un discours sur les questions sociales, mais aussi un discours qui aille au fond des questions de discrimination et de domination. »

Nous devons encore nous éloigner de la structure actuelle du débat public. « Sur l’immigration, il faut imposer un autre cadre au débat, autour de la question de l’accueil digne, plutôt que de se laisser piéger dans une réponse aux surenchères de la droite et de l’extrême droite », espérait par exemple Boris Vallaud (PS) lors des débats sur la loi Darmanin, qui ont finalement profité à Marine Le Pen.

Vers une nouvelle alliance à gauche ?

L’extrême droite sait aussi user de l’actualité pour déballer, à micros de plus en plus ouverts, ses discours sur les liens, que ni les chiffres ni les sciences sociales ne prouvent, entre immigration et délinquance. « Cette tactique du bouc émissaire est efficace, nous devons réfléchir à la manière de renverser la situation » » s’avance Raphaëlle Rémy-Leleu, qui « prétend avoir une expertise en matière de sécurité, de politique, de technologie, ce qui ne veut pas dire être d’accord avec ses collègues de droite ». « Il faut oser travailler sur ces sujets, assumer un projet de gauche », Elle ajoute.

« Nous devons renouer avec l’offensive culturelle, politique et sociale, pour inverser notre approche de la question sécuritaire, comme le racisme, l’immigration, la laïcité, » abonde Alain Hayot. La gauche se dit : « L’extrême droite monte, que va-t-il nous arriver ? « Mais il faut réagir, arrêter de baisser les bras sur ces sujets. Le départ est possible. »

Un sursaut qui exige que la gauche soit plus audible, et arrête de s’insulter, de se tirer dans les pattes ou de tenter de tordre le bras au voisin, avec finalement la question du rapprochement ou du moins celle d’une entente cordiale face au RN.

Pour Anaïs Frey, militante communiste chargée de la lutte contre l’extrême droite au sein du think tank Transform, « après le 9 juin, chacun devra prendre la mesure de cette catastrophe annoncée et accepter de ravaler son ego pour être à la hauteur ». Selon Libérerun collectif de militants, intellectuels, artistes, syndicalistes, autour de l’économiste Julia Cagé, s’apprête à lancer un appel pour un « Les Nupes du côté de la société civile ». Dans le but de préparer, d’ores et déjà, 2027, et de sortir du duel meurtrier que la Macronie et le RN continuent d’organiser, excluant la gauche des débats.

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