(BFM Bourse) – La monnaie de la zone euro progresse face au billet vert depuis le 1er janvier, portée par les anticipations de baisse des taux de la Réserve fédérale américaine. Bank of America estime que l’euro pourrait atteindre 1,12 dollar d’ici la fin de l’année.
L’euro a fait un joli retour face au dollar en l’espace de quelques semaines. Au cours de la première partie de l’année 2024, la monnaie de la zone euro a souffert face au billet vert, mise à mal par un ralentissement de l’économie dans l’union monétaire et par une politique monétaire plus flexible de la part de la Banque centrale européenne (BCE).
L’institution de la zone euro a commencé à abaisser ses taux directeurs en juin, tandis que la Réserve fédérale américaine (Fed) n’a pas encore commencé son cycle de réduction des taux.
Rappelons que des taux d’intérêt plus bas dans une région attirent théoriquement moins de capitaux, ce qui pèse sur la demande de monnaie locale de cette même région.
Entre janvier et fin juin, l’euro a perdu 3% face au dollar, un mouvement assez net sur le marché des changes où les variations sont très contenues du fait de son immense liquidité (7 500 milliards de dollars d’échanges par jour).
Mais la situation s’est inversée depuis juillet. Alors qu’il s’échangeait sous 1,07 dollar fin juin, l’euro s’échange actuellement au-dessus de 1,11 dollar. La monnaie de la zone euro a gagné 4% face au dollar en quelques semaines, avec une accélération notamment à partir de début août.
Un dollar dans la douleur
L’euro a également atteint mercredi matin son plus haut niveau de l’année face au dollar, selon les données d’investment.com à 1,1133 dollar, avant de retomber ensuite. Et sur l’ensemble de l’année 2024, l’euro évolue désormais dans le vert face à la monnaie américaine (+0,8%), le basculement ayant eu lieu lundi, toujours selon investing.com.
« La paire eurodollar a atteint un nouveau sommet en 2024, soulevant la question de savoir si le marché des changes est sur le point de connaître une baisse généralisée et soutenue du dollar américain », a déclaré UBS dans une note publiée mercredi.
Ce rebond de l’euro face au dollar s’explique en fait avant tout par l’accès de faiblesse du billet vert depuis le début du mois d’août. L’indice dollar DXY, compilé par le Wall Street Journal et qui mesure la performance du dollar face à un panier de devises majeures, a chuté de plus de 2% depuis le début du mois d’août.
La baisse du dollar a été déclenchée par les mauvaises statistiques économiques américaines de fin juillet et début août. En particulier, le rapport sur l’emploi américain, qui a montré des créations d’emplois nettement inférieures aux attentes en juillet, et un taux de chômage modéré en termes absolus (4,3%) mais à son plus haut niveau depuis fin 2021.
Le rapport sur l’emploi a semé la panique sur les marchés boursiers au début du mois. Les investisseurs ont commencé à anticiper d’importantes baisses de taux de la part de la Fed. Ce qui a évidemment pesé sur le dollar.
Attentes de baisse des taux
D’autres indicateurs économiques américains ont depuis aidé les marchés boursiers mondiaux à effacer une grande partie de leurs pertes. Mais les investisseurs continuent d’anticiper des baisses de taux de la Fed plus importantes que par le passé.
« Le dollar américain a baissé cette semaine, les marchés actions continuant de se remettre du choc du début août, tandis que les attentes d’une baisse des taux de la Fed ont été largement maintenues », a noté UBS mercredi. Selon l’outil Fedwatch du CME Group, le marché anticipe actuellement une baisse des taux de la banque centrale américaine de 100 points de base (1 point de pourcentage) d’ici fin décembre. En juillet, les acteurs du marché n’attendaient que 50 points de base.
« L’économie américaine et les taux d’intérêt se rapprochent du club des plus bas mondiaux, ce qui fait souffler un vent arrière sur l’eurodollar », expliquait Stephen Innes de Spi Asset Management à la mi-août.
Potentiel de hausse ?
D’autres facteurs peuvent jouer, en plus des anticipations sur la politique monétaire et la macroéconomie. Le « carry trade », par exemple. Ce mécanisme de marché consiste à emprunter des fonds dans un pays où les taux d’intérêt sont bas pour les placer dans un pays où ils sont plus élevés, et ainsi jouer sur les différences de rémunération des fonds.
Pendant longtemps, les investisseurs ont joué au « carry trade » en empruntant du yens, le Japon étant l’un des rares pays à avoir maintenu des taux très bas en 2022 et 2023, pour placer leurs fonds en dollars ou dans les pays émergents. Mais la hausse des taux par la Banque du Japon fin juillet, couplée aux anticipations de baisses de taux par la Fed, ont conduit les investisseurs à déboucler brutalement leurs positions, et ainsi vendre des dollars (ou des devises de pays émergents) pour acheter du yens. C’est ce qui a expliqué l’envolée du yen début août et, par ricochet, la chute des Bourses japonaises.
Selon Citi Bank, citée mardi par Bloomberg, les hedge funds se sont mis à faire du « carry trade » en empruntant des dollars (plutôt que des yens) pour ensuite placer leurs fonds sur les marchés émergents. Cela pourrait aussi pénaliser le dollar à l’heure actuelle.
L’euro peut-il poursuivre sa remontée face au dollar ? Bank of America table sur un euro atteignant 1,12 dollar en fin d’année, soit un peu plus haut que son niveau actuel (1,11 dollar). UBS se montre plus prudente, jugeant que la « juste valeur » de la paire se situe autour de 1,095 dollar. L’eurodollar semble « à ce stade dépasser ses fondamentaux économiques », prévient la banque suisse. Cela signifie que le marché anticipe soit une certaine faiblesse de l’activité aux Etats-Unis « soit un certain optimisme en Europe », poursuit la banque.
UBS estime que le discours que prononcera vendredi le président de la Fed, Jerome Powell, lors du symposium de Jackson Hole pourrait s’avérer moins accommodant que ce que les investisseurs attendent. Cela pourrait pousser le dollar à la hausse.
Julien Marion – ©2024 BFM Bourse