étudiants dans le besoin à la rentrée universitaire
« Nous prions chaque jour pour ne pas avoir à nous accroupir sur le canapé de quelqu’un pendant une période indéterminée », Marion, 23 ans, étudiante en master d’ingénierie culturelle à Bordeaux, désespère. Depuis trois mois, elle et son compagnon cherchent en vain un toit pour 700 euros. « J’ai répondu à plus de 50 annonces mais seulement 15 personnes ont accepté de me rendre visite. Notre candidature est constamment rejetée. » Malgré trois garants permanents, dont un dans la fonction publique, Marion et son copain, qui sont boursiers, ne sont pas prioritaires, tant la concurrence est rude.
Il manque actuellement 280 000 logements étudiants sur l’ensemble du territoire, contre 250 000 en 2021, selon un rapport de l’Association interprofessionnelle des résidences et services étudiants (Aires). Le délégué général de l’organisation, Philippe Campinchi, critique un manque d’impulsion politique à long terme : « En 2017, le gouvernement s’était engagé à construire 60 000 logements étudiants d’ici la fin du quinquennat, en 2022. L’objectif n’est toujours pas atteint. »
Le Crous est saturé
Sur ces 60 000 logements, 9 800 places devaient être attribuées au Crous, mais seulement 8,8 % de ces chambres accessibles aux étudiants boursiers ont été construites. Les loyers ont même augmenté de 3,5 % : « Les étudiants hébergés dans les résidences du Crous ont vu leurs loyers gelés depuis 2020. Ces mesures ont représenté un coût de plus de 40 millions d’euros, compensé par l’État. Le dégel des loyers permettra de financer et d’accélérer la politique de lutte contre l’insalubrité », le Crous se défend.
L’établissement public assure que l’impact sera limité pour les étudiants et se situera entre 2 et 6 € par mois d’augmentation, compte tenu de l’évolution des aides personnelles au logement (APL). Malgré les efforts du Crous pour réhabiliter les logements (18 000 depuis 2017), le rythme est trop lent par rapport à une demande qui explose d’année en année – dans un contexte où la génération nombreuse, née dans les années 2000, arrive dans l’enseignement supérieur. Au 22 août, cette demande avait augmenté de 10 %.
Crise du logement locatif privé
Ainsi, Maëlig, 20 ans et boursier de niveau 3, s’est vu refuser un logement par le Crous. Être boursier ne suffit plus pour obtenir une place. Une sélection parmi les plus précaires est obligatoire, car le réseau est saturé. L’étudiant quitte la prestigieuse école préparatoire parisienne Louis-le-Grand et entame, en septembre, une troisième année de licence de géographie. Jusqu’alors en internat, il doit désormais trouver un logement pour la rentrée. Il cherche donc une location privée. Originaire des Côtes-d’Armor, ses parents sont brasseurs et gagnent chacun un SMIC : « J’ai contacté plus d’une dizaine d’agences immobilières mais quand je donne mes revenus, je n’ai plus de réponse » se lamente Sylvie, la mère de Maëlig.
La famille a cependant demandé une garantie Visale. Ce dispositif mis en place par l’Etat en 2016 devait permettre de résoudre ce problème de surenchère des dépôts de garantie. Visale permet aux locataires de proposer Action Logement – l’ex-patronat du 1% – comme garant et de couvrir jusqu’à trente-six mois de loyers impayés. « Bien qu’il soit fiable, les propriétaires ne font pas toujours confiance à cet appareil, lié à un manque de moyens », souligne Salomé Hocquard, vice-présidente de l’UNEF.
Action Logement plaide plutôt pour un manque de connaissance et souligne que le dispositif enregistre une hausse. Depuis sa création en 2016, 1,2 million de personnes ont eu recours à ce dispositif, dont 319 107 à la seule rentrée 2023. Parmi les bénéficiaires, de nombreux étudiants. « Cette solution va continuer à se développer : nous nous sommes engagés à garantir 2 millions de loyers supplémentaires d’ici 2027 », points forts Action Logement.
Il n’en demeure pas moins que fournir une caution à chaque étudiant qui en a besoin ne résoudra pas tout, loin de là, affirme l’organisme, selon lequel la crise actuelle a plusieurs causes : « Un niveau de loyer trop élevé et une pénurie d’offres, lié à une baisse des mises en chantier « , décrypte l’organisme.
Une image dégradée des étudiants
En plus d’un marché immobilier en pleine crise, les étudiants ne sont pas perçus comme des locataires idéaux. Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas. «Auparavant, ils étaient vus comme une ressource culturelle, ils contribuaient à l’attractivité d’un territoire. Toutes les villes voulaient leur IUT. Puis les bars et la fête ont terni leur image.»décrit Philippe Campinchi, délégué général d’Aires.
Une analyse partagée par Thomas Corman, fondateur de Wellow, spécialisé dans l’hébergement partagé : « Les propriétaires ont peur des moins de 35 ans, même s’ils sont majoritaires parmi les locataires. Ils craignent que les jeunes couples se séparent et que les colocataires dégradent le logement. Pourtant, cette tranche d’âge est un très bon payeur. » Un phénomène handicapant, même si les jeunes louent pour des durées de plus en plus longues, faute de moyens pour accéder à la propriété.
Risques pour l’avenir et la santé des étudiants
Le manque criant de logements est aggravé par les délais très courts imposés aux étudiants. Marion ne l’a découvert que le 1euh C’est en août qu’elle a été acceptée en maîtrise. Maëlig a appris qu’il avait été accepté en baccalauréat à la mi-juillet. « C’est une anxiété qui ne nous a pas quittés tout l’été », explique Sylvie, la mère de Maëlig.
La pénurie de logements étudiants a de graves conséquences sur le moral et l’avenir des étudiants. Un étudiant sur dix a déjà envisagé d’abandonner ses études faute de moyens financiers. Certains sont alors contraints de vivre chez leurs parents, malgré la distance entre le domicile familial et l’université. « Conduire deux heures par jour ne permet pas de rester concentré sur ses études à l’université. »prévient Salomé Hocquard, vice-présidente de l’UNEF.
Pour le moment, Marion dort chez les parents de son compagnon, mais le couple devra partir dans quelques jours, en raison d’un déménagement. A la veille de sa rentrée universitaire, le 3 septembre, l’étudiante n’avait toujours pas de solution de logement : « Le seul appartement qui a accepté notre demande était couvert de moisissure en raison de graves dégâts des eaux. » Très sollicitée à quelques jours de la reprise des cours, l’UNEF craint qu’en début d’année, « voir des étudiants dormir dans leur voiture. »
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De nombreux logements vacants
Selon le dernier baromètre Lodgis sur la location meublée, le nombre de biens disponibles à la location a diminué de 20% en 2024.
En Île-de-France, 400 000 logements sont vacants. Selon Jacques Baudrier, adjoint à la maire de Paris chargé du logement, la majorité de ces maisons fantômes appartiennent à des particuliers et non à des institutions.
Pour les villes de Bordeaux, Nice, Lyon, Lille et Marseille uniquement, L’INSEE recense 240 000 logements inoccupés.
Les propriétaires d’un bien vacant depuis au moins un an doivent payer une taxe si leur logement est situé dans une zone tendue, où il existe un écart important entre l’offre et la demande de logements.
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