Douche froide à Wall Street ce vendredi. Le ministère américain du Travail a révélé tôt ce matin que l’économie américaine n’avait créé que 114.000 emplois en juillet, alors que le consensus du marché en prévoyait environ 175.000.
La chute est brutale, après les 179 000 créations d’emplois du mois de juin. Il faut remonter trois ans en arrière pour retrouver un niveau aussi bas. Et elle ne tient apparemment pas à un facteur exceptionnel : l’ouragan Beryl est écarté.
Zone de turbulence
Quant au taux de chômage, il a augmenté de 0,2 point de pourcentage en un mois, à 4,3 %. Désormais, l’économie américaine est entrée dans une zone de turbulences, si l’on s’en tient à la « règle de Sahm ». Cette règle empirique stipule que si le taux de chômage sur trois mois mobiles augmente d’un demi-point de pourcentage par rapport à son niveau le plus bas de l’année écoulée, une récession se prépare. Il peut y avoir des exceptions, a souligné l’inventeur de la formule, un économiste de la Fed.
Les données des mois précédents ont également été revues à la baisse, suggérant que la chute est moins sévère qu’il n’y paraît, mais aussi que le pilotage de la politique économique a été faussé. En juin, les créations d’emplois avaient été estimées à 206.000 auparavant, avant d’être révisées à 179.000.
La Fed a maintenu ses taux
Quoi qu’il en soit, le marché n’a pas apprécié. Jeudi, Wall Street avait commencé à s’effrayer du risque d’une détérioration plus forte que prévu du marché du travail, les principaux indices ayant chuté de 2,4% à la clôture pour le Nasdaq 100 et de 1,37% pour le S&P 500.
Vendredi, la baisse a repris, amplifiée par les inquiétudes sur le retour sur investissement dans l’intelligence artificielle. Wall Street a clôturé dans le rouge, en baisse de 2,43% pour le Nasdaq 100, de 1,84% pour le S&P 500, de 1,51% pour le DJI. Le rendement des obligations du Trésor à 10 ans a perdu 18 points de base et le dollar a glissé de 0,7%. Les investisseurs se demandent si la Fed n’a pas commis une erreur en maintenant une politique monétaire restrictive.
Mercredi, le président de la Fed, Jerome Powell, a déclaré qu’il maintiendrait les taux d’intérêt à 5,25-5,5 %, mais a laissé la porte ouverte à une baisse des taux en septembre si la désinflation se poursuivait. Mohamed El-Erian, économiste au Queens College, qui avait mis en garde contre le risque d’attendre trop longtemps pour donner un peu de répit à l’économie, a commenté : « Le marché comprend désormais parfaitement que la Fed pourrait tarder à entamer un cycle de baisse des taux. »
Réductions de taux d’un demi-point
Par ailleurs, plusieurs grandes banques de Wall Street ont révisé à la baisse leurs prévisions de baisses de taux d’ici la fin de l’année. Pour septembre et novembre, Citigroup n’envisage plus des hausses d’un quart de point, mais d’un demi-point chacune. JP Morgan fait de même et suggère qu’il y aurait de « solides arguments » pour une baisse des taux avant la prochaine réunion de la Fed, le 18 septembre.
La sénatrice démocrate Elizabeth Warren, qui joue depuis des mois le rôle de Cassandre à propos des risques posés par une politique monétaire restrictive, a été plus directe : « Powell doit annuler ses vacances d’été et baisser ses taux maintenant, pas attendre six semaines », a-t-elle déclaré sur X.
Le président de la Fed, Powell, a commis une grave erreur en ne réduisant pas les taux d’intérêt. On l’a averti à maintes reprises qu’attendre trop longtemps risquait de conduire l’économie à sa perte.
Les données sur les emplois clignotent en rouge.
Powell doit annuler ses vacances d’été et réduire les taux maintenant – et non pas attendre 6 semaines. https://t.co/PmzEi45Ggi
— Elizabeth Warren (@SenWarren) 2 août 2024
Cette dégradation rapide du marché du travail est un mauvais coup pour la Maison Blanche, et pour la candidate démocrate à l’élection présidentielle de novembre, Kamala Harris. « Le rapport d’aujourd’hui montre que l’emploi croît plus progressivement à un moment où l’inflation a considérablement baissé », a justifié le président Joe Biden, se félicitant à nouveau des 16 millions d’emplois créés sous son mandat, et d’un taux de chômage moyen au plus bas depuis cinquante ans.