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Et si un accord de paix était conclu sans médiation internationale ?

FIGAROVOX/TRIBUNE – Les ministres des Affaires étrangères azerbaïdjanais et arménien se rencontreront le 10 mai à Almaty, au Kazakhstan. Sébastien Boussois, professeur de relations internationales, analyse les conséquences possibles de cet événement.

Sébastien Boussois est docteur en sciences politiques, chercheur en monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS (Bruxelles), collaborateur scientifique au Cnam Paris (Defence Security Team), au Nordic Center For Conflict Transformation (NCCT Stockholm) et à l’Observatoire stratégique de Genève.


Ce serait un bouleversement géopolitique majeur. Le retour du bilatéralisme dans la région pour construire la paix après des décennies de guerre donne de l’espoir à une époque où le monde est en feu et où la communauté internationale n’est que l’ombre d’elle-même.

L’Arménie et l’Azerbaïdjan pourraient prouver avant la fin de l’année que non seulement les Nations Unies sont obsolètes pour conduire à la paix, mais que la mode de la médiation internationale est également obsolète. En effet, le Caucase du Sud tente depuis quatre ans de parvenir à un accord final. Mais les États-Unis, la Russie et l’Union européenne ont tenté en vain. Depuis des mois, deux délégations ministérielles d’Erevan et de Bakou discutent à intervalles réguliers de tous les éléments de terrain à résoudre et qui pourraient déboucher sur un accord définitif et définitif entre les deux pays, mettant fin à plus de trente ans de conflit. Vendredi prochain, une nouvelle réunion bilatérale aura lieu à Almaty dans la capitale kazakhe. Le pays hôte ne jouera aucun rôle mais il a une valeur symbolique forte : c’est au moment de l’effondrement de l’URSS que fut signée la Déclaration d’Almaty entérinant la fin du géant soviétique. L’histoire peut y être réécrite.

Il faut maintenant se tourner vers l’avenir et vers les premiers éléments des accords actuels. La restitution fin avril de quatre villages azerbaïdjanais par le Premier ministre arménien Nikol Pachinian, dans le cadre de ces négociations, est la preuve que l’Arménie veut avancer de concert avec son ancien ennemi. « Il ne s’agit pas de céder à la pression, car cela ne donne rien du territoire arménien, mais de restituer ce qui, selon le droit international, a toujours été considéré comme azerbaïdjanais. », explique Elchin Amirbayov, représentant du président azerbaïdjanais pour les missions spéciales, chargé de la normalisation des relations entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Ce dernier, qui fait également partie de la délégation des négociateurs sur le projet de traité de paix, précise : « Nikol Pachinian partage, comme le président Aliyev, l’espoir qu’un accord sera bientôt signé. L’espoir est vraiment là, tout comme l’enthousiasme dans les deux pays à l’idée que nous mettions enfin un terme à cette situation. ».

En réalité, l’Arménie n’a plus le choix : le pays doit être réintégré au plus vite dans la dynamique régionale.

Sébastien Boussois

L’urgence du moment concerne donc les frontières afin d’éviter de futurs conflits et relancer au plus vite la coopération économique régionale. Si beaucoup estiment que les deux pays continuent d’entretenir un climat de haine, force est de constater que l’engagement de Nikol Pachinian reste inébranlable pour sortir l’Arménie d’une situation que sa population a déjà du mal à accepter. Elchin Amirbayov tempère : « Certes, il a contre lui la diaspora arménienne, l’Église et ses propres opposants politiques, mais il a compris une chose : la paix permettra à son pays de sortir de l’ornière politique et de l’impasse économique dans laquelle il se trouve depuis trop longtemps. ». Nikol Pachinian évoque régulièrement l’importance de l’intégration économique régionale mais celle-ci passera uniquement par un règlement des différends frontaliers avec la Turquie et l’Azerbaïdjan pour permettre ensuite la libre circulation des personnes et des marchandises.

Il a fallu du temps, beaucoup d’espoir suscité par tous les intermédiaires cités plus haut, pour espérer enfin une véritable normalisation des relations entre les deux pays. En réalité, l’Arménie n’a plus le choix : le pays doit être réintégré au plus vite dans la dynamique régionale. Nikol Pachinian lui-même veut faire de son pays une plateforme logistique et c’est ce qu’il vend aux Arméniens qui le soutiennent, en espérant qu’il puisse mener à bien sa mission. Le règlement du corridor du Zangezour devrait être bénéfique pour l’Azerbaïdjan, qui retrouvera un accès direct à sa province du Nakhitchevan, mais aussi pour l’Arménie qui pourra commercer avec ses voisins. Chez les Chinois, c’est ce qu’on appelle un accord « gagnant-gagnant » ! Les deux parties espèrent que l’accord sera signé avant la COP29, qui se tiendra fin novembre à Bakou. Un beau symbole s’il arrive !

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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