Depuis l’étourdissant Olympico perdu (2-3) d’une manière rocambolesque à domicile, une dynamique s’est paradoxalement engagée du côté lyonnais. Les trois succès d’affilée avant de recevoir le FC Nantes ce dimanche (15 heures) en Ligue 1, offrent même un semblant de sérénité à Pierre Sage au sein de l’OL. Pourtant, plus de 200 supporters ont vivement critiqué leur club durant cette période, en raison d’un message posté par l’Olympique Lyonnais sur son compte X (anciennement Twitter) le 27 septembre.
Le texte court se voulait positif : « Abner, Luiz Henrique, Igor Jesus, la galaxie de l’Aigle bien représentée dans la Seleçao ». Mais c’est symboliquement la première fois, depuis l’arrivée au pouvoir de John Textor à Lyon en décembre 2022, qu’un message sur les réseaux sociaux réunit l’OL (où joue Abner) et Botafogo (équipe de Luiz Henrique et Igor Jesus), mettant en avant Eagle Football, le Holding américain détenant ces deux clubs (ainsi que Molenbeek en D2 belge).
« Autant d’heures pour l’OL que pour mes autres clubs »
Outre de nombreux posts insultants réagissant à la sélection de ces joueurs avec le Brésil A, on a pu noter dans les réponses ce type de reproche : « Notre cœur bat pour l’OL, pas pour l’Aigle. Ne jamais sacrifier notre identité devant un groupe » ou « Je suis tombé amoureux de l’OL quand j’avais 6 ans, j’en ai 37 et je m’en fous de Botafogo ou d’Aigle ». Si les réactions des supporters lyonnais ont été bien moins hostiles sur Instagram et TikTok, un tel épisode montre bien à quel point la multipropriété dans le football est un sujet qui divise au Parc OL. Il montre aussi que malgré le statut a priori incontestable de l’OL de club phare au sein de l’Aigle, certains supporters lyonnais se demandent si l’équipe préférée de John Textor n’est pas Botafogo, acquis en mars 2022.
« L’OL était déjà très structuré en termes de football, et ils n’avaient pas autant besoin de moi au quotidien que Botafogo », a réagi l’homme d’affaires américain à ce sujet lors de sa dernière conférence de presse à Lyon. le 11 septembre. On peut penser que j’aime Botafogo par-dessus tout, mais je consacre autant d’heures à l’OL qu’à mes autres clubs. Je les vois comme des familles qui s’entraident, et les fans ici commencent à comprendre les bénéfices de cette collaboration. » En effet, près de deux ans après l’officialisation du rachat de l’OL, les groupes de supporters lyonnais n’ont pas cherché à se rapprocher de leurs homologues de Botafogo, ni de ceux de Molenbeek d’ailleurs.
« Je n’ai absolument rien à voir avec Botafogo »
« Cela m’a surtout dérangé de lire l’année dernière que l’OL pouvait participer au financement du nouveau centre d’entraînement de Botafogo », raconte Richard, abonné du virage sud à Décines. En plus, cela correspondait à une période où Textor ne venait jamais à Lyon alors que nous étions relégués. Sinon, Botafogo ne m’intéresse pas du tout, et je pense que personne à Lyon ne sera content si ce club remporte la Copa Libertadores. En fait, je ne sais même pas s’il participe à cette compétition… »
Et si, qualifié la semaine dernière aux tirs au but contre Sao Paulo, Botafogo défiera Penarol (Uruguay) en demi-finale les 24 et 31 octobre, avec le rêve de remporter un premier sacre continental. Mehdi (19 ans), qui n’a raté aucun match de Botafogo depuis le retour du club en Serie A en novembre 2021, anime le compte Botafogo France sur X (plus de 3 100 abonnés). Résidant à Toulouse après huit ans… à Lyon, il perçoit sur les réseaux sociaux « un intérêt de nombreux supporters lyonnais à mieux connaître les joueurs de Botafogo susceptibles de rejoindre l’OL ».
« Putain de corruption » dénoncée sur la pelouse
Car après Jeffinho, Lucas Perri et Adryelson, le milieu offensif argentin Thiago Almada (23 ans) et l’ailier droit brésilien Luiz Henrique (23 ans) pourraient filer à l’OL dès le prochain mercato hivernal, dans un secteur offensif déjà saturé. « Je me rends compte que cette multipropriété est plutôt mal vue chez les supporters lyonnais », poursuit cet étudiant en BTS commerce international. Mais il faut comprendre que l’histoire est un peu plus ancienne avec Botafogo qu’avec Lyon, et que Rio de Janeiro est plus proche que Lyon de la Floride, où vit John Textor. »
C’est ainsi que les séquences vidéo les plus marquantes aux abords du terrain du propriétaire américain se sont déroulées au stade olympique Nilton Santos et non au Parc OL. On pense évidemment à son interview, en novembre 2023, pour dénoncer une « putain de corruption » après la polémique arbitrale qui a accompagné la défaite de son équipe face au rival Palmeiras (3-4), mais aussi à son match de football improvisé, avec casquette. à l’envers, dans son stade après un nouveau match contre Palmeiras (2-1) en Copa Libertadores en août.
De même, son compte Instagram relaie davantage l’actualité de Botafogo que celle de l’OL. « Je suis plus actif sur les réseaux sociaux au Brésil parce qu’on accepte plus de choses là-bas », a expliqué l’homme d’affaires américain lors de sa conférence de presse de rentrée à Lyon. Vous pouvez y poster ce que vous voulez, c’est oublié le lendemain. En France, vous êtes beaucoup trop critiques donc je m’abstiens de publier certains messages ici. »
Le temps partagé, « une chose merveilleuse »
Fan de Botafogo « depuis sa naissance », le Brésilien Pedro H. Soares (35 ans), qui vit au Texas, comprend cette forme de jalousie dans le camp lyonnais : « C’est vrai que John Textor a passé physiquement plus de temps à Botafogo qu’à Lyon. Il a dû consacrer plus d’efforts et d’énergie pour trouver comment remettre cet énorme club au bord de la faillite dans la lutte pour les titres. Mais j’ai vu comment il a célébré la qualification pour la Ligue Europa avec Lyon, et cela nous rappelle qu’il a intérêt à ce que toutes ses équipes réussissent. »
« Sceptique au début », Glorious Botafogo, responsable des comptes X, considère désormais Textor comme « un visionnaire » et Eagle timeshare comme « une chose merveilleuse ».
» Il y a des supporters des deux clubs qui ne veulent rien avoir à faire avec cela et qui ne se soucient pas de ce qui arrive à l’autre club. Je pense que c’est une façon immature d’envisager ce partenariat. Plus tôt les supporters des deux clubs (et de Molenbeek) comprendront que se soutenir mutuellement est la meilleure voie à suivre, mieux ce sera pour tout le monde. »
Une chaîne de discussion sur X entre fans des clubs de l’Aigle
Est-il inconcevable d’imaginer des « synergies » entre Lyon et Botafogo côté supporters ? John Textor racontait récemment qu’une improbable diffusion d’un match de D2 belge depuis Molenbeek, via la chaîne YouTube Botafogo TV, a rassemblé 170.000 spectateurs au Brésil. « C’est ce qui arrive lorsque vous ouvrez votre esprit », a poursuivi le patron d’Aigle à ce sujet.
« Il existe déjà une grande solidarité entre les communautés de Botafogo et de Molenbeek, deux clubs rachetés à un mois d’intervalle début 2022 », confirme Mehdi de Botafogo France. Nous avons également créé une chaîne de discussion sur X où se retrouvent au total une centaine de fans de Botafogo, Molenbeek et de l’OL. Cela nous permet d’échanger nos perceptions sur nos clubs au sein d’Eagle. » Et ça autour de ce club de Rio au maillot noir et blanc, c’est résolument positif, selon Mehdi.
« Hormis l’épisode du départ précipité de Jeffinho et de son non-remplissage à Lyon, Eagle est vraiment bien vu par les supporters de Botafogo. A propos de laisser partir les bons joueurs à l’OL, ils se disent que si ce n’est pas à Lyon, ce sera dans un autre club européen. Et ils ne sont pas dupes des faibles indemnités de transfert de Perri et Adryelson l’hiver dernier (3,250 M€ et 3,580 M€) : ils savent très bien qu’il n’y a pas de véritable transaction, que ça passe de poche gauche en poche droite de John Textor. »
« Des choses très positives à imaginer… sur le long terme »
Des méthodes qui ne convaincront pas plus certains supporters lyonnais que ce récent « Eagle Football post » sur le compte de l’OL. « Sur ce timing, j’aurais plutôt conseillé de solidifier les fondations de l’OL plutôt que d’essayer de créer des ponts/synergies entre des communautés qui ne se connaissent pas », confie Florian Ridard, conseiller au sein du cabinet Vae Solis Communications, qui travaille régulièrement auprès des acteurs du football. On part d’une feuille blanche et il y aurait beaucoup de choses très positives à imaginer, comme des voyages de fans entre le Brésil et la France. Mais à long terme selon moi. »
Notre dossier sur John Textor
John Textor partage sa vision de son attachement soi-disant non passionné à l’OL : « Quand vous arrivez dans un nouveau club, vous n’allez pas simplement mettre une casquette de l’OL et dire ‘J’aime le club autant que vous les aimez.’ mec parce que je suis le propriétaire. Je dois mériter ce droit, je dois souffrir et je dois avoir de la joie. Cet amour, cette affection et cet engagement viennent avec le temps. Finalement, l’engagement vient vite et les émotions se développent avec le temps. Celles entre le propriétaire de l’OL et les supporters lyonnais connaîtront sans doute de nombreux rebondissements.